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This blog made for strategic thinking - This blog presents the Israeli Strategic Memento
Ce blog est destiné à la réflexion stratégique - Ce blog présente le Précis Stratégique Israélien

BEAUFRE CLAUSEWITZ SUN ZU ARON MACHIAVEL LOUIS XI HARKABI FRONTIN CHALIAND GALULA DIECKHOFF
FRANK HERBERT

Butchers Assad-Iran- Hizballah still here. Les bouchers Assad-Iran-Hizbollah sont encore là.

Précis Stratégique Israélien

Cette page sera mise à jour par ajout de texte

PRECIS STRATEGIQUE ISRAELIEN – Serge Lewkowicz

Introduction

Le citoyen (israélien) ordinaire, l'homme de la rue, est confus. Il ne sait pas comment  changer la situation. Il lui semble que Gauche et Droite possèdent chacune une partie de la vérité. Alors, qui choisir?
Il n'a pas toujours l'impression d'avoir en lui-même les moyens et les clés, à l'exception de son propre bon sens, pour comprendre et analyser ce qui se passe dans notre région.
Sur l'écran du téléviseur les hommes politiques, de gauche et de droite, passent leur temps à répeter leurs éternels slogans. De là le désespoir de trouver les outils et les solutions pour assurer une paix à long terme avec nos voisins.

C'est surprenant! Pourquoi ? Parce que comme on apprend d'une génération à l'autre la Bible et le Talmud, différentes personnes partout dans le monde, depuis plus de deux mille ans et  jusqu'à ce jour ont écrit sur les questions de guerre et de stratégie.
Le nombre de livres parus sur le sujet remplit aisément une belle bibliothèque.
Or il se trouve que justement dans un pays comme le nôtre, qui est en guerre constante pour sa survie, même parmi les plus hauts dirigeants et les officiers d'Israël, l'ignorance du sujet stratégique est incroyable. C'en est à pleurer.
Du simple citoyen jusqu'au leader, presque personne ne fonde son point de vue sur une analyse de la situation à partir des connaissances accumulées depuis le début de l'Histoire jusqu'à nos jours. Alors que tout est écrit. L'idéologie tient lieu de connaissance.

Un citoyen ordinaire comme vous et moi, qui voudrait simplement vivre une vie normale dans ce pays, reste avec peu de temps libre pour réfléchir sérieusement sur un sujet si critique; et c'est pour cela qu'il reste dans ce courant central silencieux, otage balancé entre  une Gauche suicidaire et une Droite folle.  

C'est à cause de cela que j'essaie par ce livre de concentrer les principes de la stratégie et de la guerre depuis les premiers temps. Je cite les experts. J'ai ajouté à leurs propos des questions sur nous-mêmes et sur les événements qui nous concernent.

J'espère que grâce à cette marche légère et linéaire [depuis les fondements de la stratégie jusqu'aux lois nouvellement apparues] dans le sujet, avec l'aide des plus grands stratèges qui furent, vous/toi, cher lecteur, vous sentirez plus confiant dans vos pensées.  
J'espère que vous comprendrez mieux ce qui se passe, sans le bla-bla pompeux et vide de nos politicards à langue de bois (oui oui ici aussi il y en a). 

J'ai voulu ce précis court, concentré et ciblé, facile à comprendre. Vous ne trouverez rien ici que je n'ai essayé de réduire sur ce que doit réellement savoir un citoyen israélien (et occidental!).  J'ai dû réduire effectivement meme sur certains sujets importants et ne pas en integrer d'autres.
Mon désir est de vous faire revenir de temps en temps au livre, de le consulter  ces prochaines années. Vous pourrez par son aide analyser des situations et des discours.
Il est probable qu'une suite lui soit ajoutée dans l'avenir. Il sera mis à jour et augmenté dans le blog. Cela va dans le sens du "chantier stratégique" cher à Lucien Poirier.

Je ne prendrai pas position au-delà des paroles des sages, je poserai des questions et  rappelerai les faits. Au-delà de ces rappels, personne n'est forcé d'etre d'accord, la question stratégique n'est pas un débat clos.

A  BASES ET DEFINITIONS ELEMENTAIRES

1
Depuis longtemps on a commencé à apprendre et à enseigner le sujet.
Nous apprenons jeunes le proverbe latin " SI VIS PACEM PARA BELLUM»,
«Si tu veux la paix prépare la guerre."

La Chine a également commencé à traiter le sujet très tôt: c'est ainsi que commence le livre de Sun Tzu «La guerre [l'art de la guerre et l'organisation des forces] est un sujet d'une  importance vitale pour l'Etat, la province de la vie et de la mort, la voie qui mène à la survie ou à l'anéantissement. Essentiel est d'étudier le sujet à fond." Cette phrase a été écrite il y a 2.400 ans environ, il avait déjà raison.

A toutes les heures et tous les lieux on a écrit sur la guerre et la stratégie. Rois, généraux, diplomates, officiers militaires, intellectuels, tous en ont enrichi la pensée et les connaissances.
Ce n'était pas toujours seulement un enseignement pratique ou une description de bataille.
Un  certain nombre de personnes ont ainsi créé une base solide de pensée pour comprendre le monde et les règles nécessaires pour survivre. 

Nous sommes un pays fort mais petit au Proche-Orient, nous ne pouvons pas nous permettre de vivre sans comprendre, en tant que citoyens adultes l'importance de la guerre, le conflit actuel et ses conséquences envers toutes les actions que nous engageons.   

La guerre est une chose très sérieuse. Les sages ont presenté des conclusions qui construisent les leçons de l'histoire. Tout est écrit, il s'agit seulement de revenir a l'ancienne  sagesse lorsque qu'elle perdure.
Puisqu'ils avaient déjà (presque) tout écrit sur la stratégie et la guerre, je me bornerai a citer leurs voix. Avec leur aide, nous allons essayer d'avancer dans la compréhension du monde qui nous entoure. 

Le sujet est désagréable (euphémisme) et difficile mais les mensonges que beaucoup de gens nous jettent dessus [et sur eux-mêmes] nous causent de graves crises et de durs réveils, dont certains auraient pu être évités. Voilà pourquoi ce précis existe.

Deux messages importants que je dois faire passer dès le début:

2
Violence
Clausewitz: «La guerre est [donc] un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté."
Carl von Clausewitz est considéré en Occident comme le prophète de la guerre, le plus grand stratège et philosophe de la guerre des temps modernes (avant le nucléaire).
A sa définition nous devrons souvent revenir, il faut la savoir par cœur.
Message 1: Vous ne pouvez pas séparer la guerre et la violence. Il n'y a aucun acte de violence importante sans victimes, et du côté attaqué, et du côté attaquant. 

Par conséquent, penser qu'il n'y aura ni blessés ni morts dans les populations, dans la force ennemie ou dans la nôtre est une illusion dangereuse
Il est évident qu'il faut essayer de réduire leur nombre, mais il n'y a pas d'erreur zéro dans le domaine. Une action violente apporte (peut apporter dans son essence) des victimes, la destruction, la dévastation. Quiconque pense que ces choses peuvent être évitées se trompe et ment. Au contraire, il peut causer une perte plus grande. Il arrive aussi que la mort de certains économise la mort de milliers d'autres. Nous allons pour l'instant laisser ce débat de côté pour nous souvenir que la violence est à l'intérieur (du monde et de nous-mêmes).
Clausewitz: "Dans la guerre les erreurs dues à la bonté d'ame sont la pire des choses… ignorer l'élément de brutalité est un gaspillage de force, pour ne pas dire une erreur…"

Clausewitz ajoute au debut de son parcours qu'il faut séparer l'ennemi de sa force armée.
Ce but est par définition l'objectif des opérations militaires.
On ne peut introduire un principe de modération de la guerre elle-même à cause de l'usage theoriquement illimité de la force. Il est donc important d'essayer de raccourcir les délais des opérations militaires jusqu'à la victoire.
Sun Tzu, puisque c'est l'existence de l'Etat qui est en jeu, explique combien il est important de frapper l'ennemi fort et vite, et tout le monde a suivi.
Les différences entre Sun Tzu et Clausewitz sur la violence ne sont en fait que des apparences. Sur les principes lorsqu'il n'y a plus le choix, ils me semblent d'accord.

Deux choses importantes chez Clausewitz que je laisse de côté pour le précis:
1/ La différence entre sentiment d'hostilité et intention hostile. Cela demandera un commentaire futur car on voit combien cela joue sur les tentatives de négociations et l'attitude des Palestiniens.
2/ L'usage illimité de la force en théorie descend d'échelle dans la pratique, du côté israélien comme riposte et du côté palestinien comme tentative de garder au conflit une intensité  limitée. Ce sujet sera seulement évoqué à travers l'intensité limitée. 

L'Histoire des peuples est pleine de tragédies individuelles.
Mais un vrai leader ne peut pas, cela lui est interdit, considérer ses actions même une seule  fois, à la discrétion de ces tragédies individuelles ou familiales.
Nous insisterons sur cette séparation à faire sur le plan moral, entre Bien et Mal, sur la différence entre le comportement indésirable d'un individu et la politique; le gestion des besoins collectifs en général - la nécessité de l'existence d'Israël et ses politiques.
On ne peut raisonnablement comparer les normes d'un individu et d'un État.
(Cela ne veut pas dire qu'une conduite étatique amorale est autorisée; le propos n'est pas là).


3
État de «Normalité»
MACHIAVEL (Le Prince III): «L'envie de conquérir est assurément chose tres ordinaire et tres naturelle; et chaque fois que des hommes le peuvent ils s'y livreront, on les en louera ou du moins ne les blâmera point."

En 1943, au cœur de la Seconde Guerre mondiale, a été publié une anthologie de la stratégie militaire («Masters of Strategy») sous la direction de Edward Mead Earle.  
Dans la deuxième partie, traitant de la période moderne, on commence par l'arrivée des dirigeants civils à gérer les guerres. Ici, plusieurs années avant la création de l'Etat d'Israel, il est écrit: "L'hypothèse est courante selon laquelle la paix est la situation normale (naturelle) et permanente de la société ..."
Message 2: la guerre est un fait naturel, éternel, une partie du monde. Conserver la paix exige un effort constant. Dans toute l'histoire du monde, très peu d'années, environ 250 au total, ont su une periode de "paix" dans toutes les parties du globe.

Toujours une forte nation a cherché à obtenir les biens du voisin, toujours au nom de Dieu, de la richesse, de la politique intérieure et internationale, on se bat. Ce phénomene est rendu plus extrême lorsqu'il s'agit de dictatures, qui exigent l'existence d'un ennemi extérieur.

L'idée que la paix est l'état d'équilibre, le normal, la base, est belle mais un crime sans précédent de cécité pour les dirigeants. Un dirigeant rêveur fondant la diplomatie sur cette pensée est un criminel dirigé contre son peuple. Ainsi, il n'est pas possible pour le leader posé d'avoir l'obsession de la recherche de la paix à tout prix, comme chose naturelle, que vous pouvez toujours obtenir. Les conditions d'une paix stable sont complètement différentes.

En dépit de la volonté légitime de l'individu dans une société éclairée, le leader ne peut pas entrer dans le "trip des drogués" du genre:" Je veux croire à la paix ... il faut tout faire, tout donner pour la paix ... il ne peut pas ne pas y avoir de partenaire, il doit y avoir une solution...  Ici, elle est ici, à quelques mètres ... (Bien sûr, à portée de main )..."
Il y a même des "victimes de la paix".
Non! Il n'y a pas toujours une solution pour tout dans la vie, une situation ou un lieu, pas toujours dans l'immédiat.

Par conséquent, parce que nous parlons de la souffrance humaine, nous devons être réfléchis et prudents dans nos actions, et tout d'abord apprendre du passé.
La guerre est peut-être un art, car il n'y a rien de scientifique sur le fonctionnement et la réussite. Toutefois, il existe des règles claires qui font la réussite des armées et des peuples  ou leur catastrophe. Rappels et explications sur ces principes sont au cœur de ce précis.


4
La véritable victoire (première partie)
Je ne pretends pas que la paix n'est pas la situation desirée, bien sûr qu'elle l'est!
Elle est même possible sous certaines conditions.
Seule une culture (certaines le font) primitive peut justifier clairement guerre et victimes.   Toujours leurs dieux sont assoiffés de sang. Peu importe si leur chef y croit ou utilise d'autres arguments religieux, ou si c'est seulement une ficelle de propagande; et la foule, le troupeau, va tout avaler.

Parce que tous les experts de tous les âges se sont rendu compte qu'à la fin, même le gagnant y perd et la guerre est la pire des solutions, ils sont arrivés à une simple conclusion. Aucun des grands stratèges n'aimait la guerre pour elle-même.
Sun Tzu: "En règle générale faire la guerre n'est pas le bon [moyen]. Seule la nécessité doit la faire entreprendre. Quelles que soient leur issue et leur nature, les combats sont funestes aux vainqueurs eux-mêmes."

Pour Sun Tzu, les chefs militaires les meilleurs ont gagné avant toute action sur le terrain: il voulait dire que l'autre côté, le voisin, comprend que vous êtes organisé et puissant, et le coût des batailles sera trop élevé par rapport aux avantages – donc il renonce.
Certes, ces stratèges, qui évitent la guerre par leur seule présence et leur commandement   ne vont pas obtenir de crédit pour la victoire, leur nom, pour la plupart sera oublié, parce que le flot de sang n'a pas jailli pour leur gloire. "Ainsi, ces spécialistes de l'art de la guerre  font se rendre l'ennemi sans combattre."

Sous le chef qui empêche une guerre qu'on n'a pas osé faire contre lui, seulement par sa personnalité / sa réputation, on trouve ensuite le chef qui utilise la ruse au lieu de la violence. La ruse qui empêche destruction et souffrance est plus morale que l'utilisation de la violence.
Plus bas dans l'echelle se trouvent ceux qui utilisent la guerre "active", violence et batailles.
Là aussi, celui qui gagne rapidement, qui essaye d'économiser en force et en violence est
mieux estimé.
Pour ceux qui "pensent" la guerre, généraux compris, le leader qui aime les combats est un homme bas et un criminel.

Même si le sujet est haï, nous devons comprendre ses phénomènes.

5
Types de guerre - de la théorie à la réalité
On a toujours essayé de trier les différents types de guerres.
Intervention, occupation, agressive ou défensive, pour la construction de l'État, des dictateurs contre leur peuple, de légitime défense, pour l'aide aux alliés, selon le niveau quantitatif de l'énergie, la technologie et le niveau de compétence, avant l'indépendance, de  modification des frontières, limitées uniquement pour les besoins nationaux ou économiques , les guerres de religion, etc ...

On a séparé aussi guerre par les continents, air et mer, avec ou sans présence civile ...
Très difficile dans les faits de séparer les différents types de guerres car la plupart regroupent plusieurs titres à la fois, qui peuvent aussi se modifier en chemin. Cela sans parler des interprétations du différend.

Inutile donc de rentrer ici dans ce débat, on notera seulement un petit nombre de sujets:
A- la guerre classique entre Etats n'est pas le seul genre(avant c'était beaucoup moins clair). Elle-même a beaucoup changé dans les deux siècles précédents.
B- Des stratèges importants soulignent la guerre civile comme la guerre la plus cruelle et rédhibitoire. Pour eux, il n'y a pas plus grande catastrophe pour le peuple que la guerre civile. Je veux insister sur ce point envers chaque citoyen responsable, en particulier, ceux qui prêchent l'amour fraternel dans la bouche seulement.

Clausewitz explique dans sa présentation des paramètres, que la guerre est censée atteindre  un niveau infini de violence et une recherche infinie de ressources. Toutefois, il met l'accent sur le fait que dans la pratique, les guerres ne vont (presque) jamais atteindre les points les plus extrêmes.
Selon Clausewitz, l'objectif du chef militaire est de rechercher la bataille, moment privilégié de la décision (= l'acte de soumission), par laquelle il va vaincre l'armée ennemie. Or, s'il est arrivé que le sort des empires se décide en quelques heures, dans la plupart des cas la guerre ne se limite pas à une seule bataille mais à une suite.

Bien sûr Clausewitz commence ainsi à définir la guerre, mais il quitte vite la bataille pour la campagne, qui elle devient réellement générale et aspire toutes les ressources existantes de la force des deux côtés du conflit.
Encore une fois, dans cette guerre totale, Clausewitz explique que l'extermination de l'ennemi – ce but ultime de la volonté du combattant - est loin d'être la pratique courante.

La guerre est presque toujours définie comme l'ensemble d'une série de batailles, prochement consécutives ou non, jusqu'à la fin de la campagne. La bataille déterminante, s'il en existe une, peut-être la dernière de la série. La stratégie est considérée comme la direction de toute la guerre.
Rechercher la bataille fatidique a toujours été un l'objectif du côté fort, qui par sa taille ou  sa supériorité. Il a toujours prévu que cela finira en un jour (le Jour du Jugement) et puis c'est tout. L'élève de Clausewitz, Delbrück, approfondit le sujet et accorde dans les faits l'existence de deux types de stratégies:

Stratégie de l'anéantissement de l'ennemi, d'une nette victoire et pour très longtemps, lorsque l'autre partie reste sans possibilité de combattre à nouveau.  (NIEDERWERFUNGSSTRATEGIE).
Choisir le temps, le lieu et déployer ses forces au mieux pour une bataille décisive,
Avec pour objectif la victoire totale. Ces cas sont rares (ou alors l'histoire a oublié beaucoup d'entre eux).

Dans la plupart des guerres nous sommes en fait avec une autre stratégie: l'érosion, la  stratégie d'usure (ERMATTUNGSTRATEGIE).  Elle repose sur deux principes: la bataille ET la
manœuvre (voir ci-dessous). Dans cette stratégie, la bataille, n'est que l'un des moyens de gagner, et non le seul.
Lorsque la force militaire ne suffit pas, ou que l'ennemi est trop grand, que vous ne pouvez pas le détruire ou conquérir le pays; vous ne pouvez pas imposer votre volonté à la leur.
Il ne reste au chef militaire qu'à jouer entre bataille et manoeuvre.
Dans ce cas, il va chercher le contact physique autant que possible pendant que le côté le plus faible cherchera à éviter ce contact; aussi longtemps que la situation ne change pas.

Cela veut dire que nous terminons avec deux parties qui peuvent se rétablir, s'épanouir à nouveau. Nous commençons maintenant à quitter le monde de l'absolu, le noir / blanc pour nous rapprocher de la réalité.

Conclusion: il faut être prudent face aux propriétaires de solutions du genre "zbang et on a fini", c'est possible, cela ne se produit pas.
Conclusion: La guerre ne se termine pas par les batailles, elle ne se limite pas une zone militaire. Elle comporte des phases, des pauses dans les combats, différentes formes, jusqu'au moment où l'on peut dire que le conflit est terminé.
Elle peut également se terminer sans liquidations uniquement, mais en exprimant clairement que le conflit n'est plus, que la raison du conflit a disparu.

Ehud Barak à Camp David [en 2000] a demandé cela, une déclaration palestinienne sur la «fin du conflit" dans la route vers le récapitulatif des concessions.
Ici, sur le sujet de la concurrence et des outils nécessaires pour l'affronter, la guerre s'approche du marketing et nous pouvons renforcer la forte similitude entre les deux systèmes: longue période, combats, buts et contrôle.
Le monde du marketing peut certainement utiliser, ce n'est pas pour rien, le langage militaire, bien que son but ne soit pas de tuer, mais "seulement" de gagner.

Que va faire le côté faible? Bien sûr, la seconde stratégie est la bonne si vous êtes le plus faible. L'espoir est que, lentement, avec beaucoup de petites batailles et en utilisant d'autres outils tels que la ruse et la paralysie, vous serez en mesure d'imposer votre volonté à l'ennemi, voire le détruire.

Rares sont les moments, dans une  campagne longue, où l'on arrive à l'effort total. Il y a des pauses entre les combats, les forces sont divisées sur un vaste terrain, l'intérêt politique ne justifie pas toujours l'effort extrême, l'une des parties est intéressée par une accalmie, une pause temporaire ...
"Les complications de la vie réelle remplacent l'extrême théorique absolu." (Clausewitz).
Nous avons vu, par exemple pendant la guerre froide comment les deux superpuissances ont su éviter un conflit nucléaire.
La plupart du temps, au moment de vérité, un côté est prêt à faire marche arrière, à détruire ses plans, les pays et leurs dirigeants sont généralement (mentalement) équilibrés.

6
Guerre et conflit
"La guerre est [donc] un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté."  (Traduction par Yoshafat Arkabi: "Acte de violence, visant à imposer notre volonté à nos rivaux.")
A l'époque de Clausewitz, l'action violente appartenait à l'État, pas comme aujourd'hui où la violence appartient aussi à des organisations non gouvernementales ou au terrorisme international.

Le deuxième sujet des paramètres de Clausewitz, qui doit attirer notre attention: le choc des volontés.
Nous sommes dans un duel entre des peuples, au-dessus un duel entre leurs armées, au-dessus  un duel entre leurs dirigeants.
Survolant le moral, les batailles, les circonstances, il ya une course entre les dirigeants afin de briser chacun la volonté de l'autre.
Cette partie de la guerre ne fonctionne pas seulement en fonction de la logique: "Car la volonté de l'homme ne puise jamais ses forces dans des subtilités logiques."
Lorsque j'insistais sur le duel entre Ariel Sharon et Yasser Arafat, nous simplifiions de fait,  en partie comme allégorie, l'affrontement de volontés entre les peuples (bien qu'il n'y ait pas de démocratie de l'autre côté), entre leurs buts et les nôtres.

Clausewitz (Ch 2) - Trois composantes de la guerre: "les forces militaires, le terrritoire, la volonté de l'ennemi."
Parce que sa définition est limitée par la caractérisation de la violence physique (soldats et  champ de bataille uniquement), parce que la (le concept) guerre aujourd'hui ne se satisfait pas de cette échelle, nous devons passer à un concept plus large qui inclut et les situations de guerre mais aussi tous les autres éléments et situations qui n'appartiennent pas à la situation de "paix": ce que le général et stratège français Lucien Poirier appelle «conflit».

L'importance des dimensions, la diversité des caractéristiques et des différents champs de bataille, pas seulement militaires, la continuité et les changements d'intensité pendant la guerre ont rendu l'utilisation du mot caduque comme concept global.

Conflit
Lucien Poirier préfère cette notion de à celle de duel de Clausewitz, ce terme à son avis n'est pas suffisant pour définir la complexité du sujet. On pouvait encore autrefois comparer avec un duel entre deux princes ou généraux qui dirigent chacun des corps militaires similaires, lorsque l'importance tenait au «comment» de l'exécution au moment crucial, la bataille et tout au long de la campagne.
Un conflit commence avant la guerre proprement dite et doit prendre fin après le cessez le feu ou la signature d'accords.
Considérant le temps, l'espace physique et les autres facteurs, la notion de conflit est beaucoup plus appropriée.
Comme nous le verrons plus tard, c'est également vrai pour la stratégie en Extrême-Orient: la guerre ne commence pas avec les soldats, des événements sont d'abord arrivés.

7
Stratégie et tactique - 4 niveaux
Dit de façon simplifiée, pour Clausewitz la tactique est liée à l'usage des forces armées dans l'engagement (les moments,les phases de la bataille); la stratégie est liée à l'usage de ces  engagements au service de la guerre." Nous pouvons diviser chaque section en deux et nous arrivons à quatre niveaux.
Nous avons besoin d'experts dans tous ces domaines.
1.
Du soldat à son chef occupé à calculer avancée et position sur sa zone et à réaliser ordres et missions reçus; dans cette petite zone limitée l'action est considérée comme comme une activité tactique.
Cette petite tactique là que nous appelons généralement la tactique; nous savons dans notre époque médiatique moderne qu'elle peut avoir une influence stratégique, même s'il s'agit de secondes ou minutes.
2.
Dans la préparation des positions de combat sur le champ de bataille, au rendez-vous de la violence du début à sa fin, le commandant suprême sur le terrain administre une disposition
complexe mais encore locale, toujours liées uniquement à ces combats-ci.
En référence à la complexité et la taille des forces, dans ces circonstances limitées d'un ensemble beaucoup plus vaste; on dit que le commandant traite de "grande tactique".
3.
Au niveau militaire, le stratège, le commandant de l'armée traite de "petite"  stratégie, qui comprend tous les traitements préparatoires et la gestion militaires sur toute la longueur de temps du conflit.
La pression sur lui est grande, une description détaillée des exigences du poste a été écrite  (Sun Tsu) il y a 2400 ans. (Il sera possible d'en dire plus dans un autre ouvrage)
4.
Au-dessus de tous est le chef de l'Etat, l'homme d'État, le stratège suprême pour qui la guerre et les choses militaires sont des outils politiques comme la diplomatie, l'argent, les alliances, les accords internationaux et plus encore.

S'il vous plaît souvenez-vous: ce n'est pas parce qu'un expert réussit à un certain niveau qu'il sera aussi performant à un autre. Combien de déceptions à ce sujet ces dernières années!

Marketing et guerre - la gestion des conflits à partir de la bonne direction:
La ressemblance entre guerre et marketing est étonnante, le parallèle est presque parfait. Pour arriver à atteindre des objectifs réalistes, utiliser les bons moyens, il est interdit de  commencer à partir du haut, à partir de cette tour d'ivoire dans laquelle le "grands stratège" fixe une politique et seulement après descend vers le peuple/le terrain pour envoyer son  message et ses ordres.
Au contraire de la production de programmes de marketing basés sur des objectifs grandioses  et gonflés, la stratégie doit être fondée sur des données réelles, même si vous pouvez changer cette réalité.
Je comparerais également les opérations de baisses de prix sans limite à d'innombrables  victoires à la Pyrrhus: vous gagnez la bataille, mais vous restez sans pouvoir ni ressources, vous ne perdez pas moins (que vos concurrents).

8
Définition générale – la stratégie
Définition simple et basique: il y a un but, la volonté de réaliser ou de s'approprier quelque chose. Il existe des moyens pour mener cela à bien, classés par un certain ordre.
Cible + arrangement de moyens = stratégie.
A noter: il faut fixer un objectif réaliste et des mesures raisonnables par rapport à lui.
Une définition légèrement plus complexe: la stratégie = des buts + des moyens + la façon d'utiliser ces moyens pour obtenir les buts.
Ici, les moyens sont matériels comme la capacité militaire; la voie est tracée par le choix des canaux: l'utilisation de la force ou la violence, la non-violence, la diplomatie ...

Volontés
Dans la plupart des cas, nous appelons les buts "volontés". Parfois ces volontés nous sont imposées, ne pas confondre!  Lorsqu'on nous attaque et que nous devons nous défendre.
Les volontés sont au total nos buts politiques véritables: survivre et vaincre, établir un Etat, conquête de ...

Le cadre général que je mentionne ici ne sera pas suffisant si je ne souligne pas bien l'importance de cette volonté: les buts et la constance vers leur réalisation.
Retour à Clausewitz: «La guerre ... de forcer l'ennemi à accomplir notre volonté ..."
Une version plus moderne du général André Beaufre:
"La stratégie est l'art de la dialectique des volontés, employant la force pour résoudre les conflits."

Il n'y a pas de bonne stratégie sans objectifs clairs, réalistes et pertinents.
Que voulons-nous (les Israéliens), qu'est-ce qui est important pour nous?
De la même façon, que veulent les occidentaux face à la mouvance islamiste?

En tant que démocratie nous sommes plus sensibles et faibles que l'autre côté pour fixer nos objectifs. Nous nous disputons sans arrêt entre nous; c'est notre faiblesse connue, surtout dans cette démocratie israélienne si divisée. L'impression est que nous sommes en constante défense afin d'empêcher le processus sans retour de création d'un pays.
La vie de nos citoyens nous est chère, elle n'est pas seulement pour nous un outil politique comme sa population pour le chef ennemi.
Non pas que nous soyons divisés, dans une très large majorité, sur le désir de vivre en paix avec nos voisins. Non pas que nous considérions comme réelle "nécessité" la création d'un Etat palestinien (de plus/quel qu'il soit) mais nous recevons en gros l'idée qu'il est bon que chacun s'auto-dirige. 

Nous nous disputons (la majorité des gens) sur les moyens de parvenir à la paix; quand on sait que la route elle-même fait partie de la solution, qu'elle caractérisera la paix elle-même à la fin du processus.  

Certains d'entre nous croient en une paix aveugle, une partie est totalement désespérée et ne croit pas à la perspective de parvenir à un accord avec nos voisins.
Mais parce que nous sommes une démocratie et la plupart du temps nos dirigeants sont faibles, nous n'avons pas décidé de nos lignes rouges finales (de nos concessions maximales).
Nous fùmes chanceux quand Yasser Arafat lui-même a réveillé une partie de la Gauche israélienne en commençant la deuxième Intifada, pour qu'enfin elle comprenne (cette partie seulement, j'insiste) qu'elle avait commis une erreur en signant des accords avec lui.
Qui peut être garant que nous ne continuons pas à faire des erreurs, encore et encore?
Résultat: nous n'avons pas encore maintenant des objectifs clairs, une position cohérente. Seuls les extrémistes parmi nous ont une solution, tout est si clair et simple chez eux (gauche ou droite).
En face de nous plus de 30 ans les mêmes gens étaient assis, avec des objectifs clairs, auxquels ils n'ont jamais renoncé.  Serait-il possible que «nous», par Oslo et dans sa continuation, nous leur ayons donné, dans la joie, les moyens de commencer à les réaliser?

Pour t'aider, cher lecteur, à formuler des lignes directives minimales et te rafraîchir de l' excédent des concepts que j'ai commencé à développer, je t'invite à te poser honnêtement,
sans cécité ou pitié, la série des questions présentées ici.

9
Quelques premières questions
Nous et eux: objectifs et moyens. Liste partielle à des fins d'illustration uniquement.
Que veut l'ennemi? Quel pays? Quelle armée, sur quel territoire?
Savons-nous ce que nous voulons pour nous?
Sont-ce des principes acceptables pour l'autre côté?
Sommes-nous décidés quant à la marchandise que nous achetons et son prix?
Pourquoi une telle différence manifeste entre les buts de l'Autorité palestinienne et ceux de
nos responsables politiques?
Sommes-nous en guerre? Est-ce que la sémantique - lutte/guerre/conflit est pertinente?
(Lutte c'est bien – le terme est politiquement correct – pensable et supportable; guerre est un mot sale et  exagéré, comme nous l'avons vu à l'été 2006).
Sommes-nous en train d'essayer de prendre ses armes à l'ennemi? Qui est l'ennemi aujourd'hui?
Le fait que ce conflit se passe entre des peuples différents par leur culture (sans aucun doute), leur situation économique, religieuse, et qu'il est médiatisé hors de toute proportion par rapport à tous les conflits qui existent en parallèle dans le monde, rend plus difficile de trouver une solution à proche terme.
A qui les objectifs les plus clairs et qui semblent les plus réalistes?

Que faire si la vérité blesse? Continuer à nous mentir - à nous-mêmes?
Nous allons maintenant essayer de comprendre quels sont les objectifs de l'autre côté.

10
Les objectifs d'en face 
Pour les Palestiniens de l'après Arafat, c'est une guerre d'indépendance, la guerre de libération... ou plus.
Peu importe pour l'instant si on parle de toute la Terre d'Israël ou seulement de certaines parties (pour ceux qui croient que). C'est important pour nos objectifs à long terme.

Guerre de libération, dans laquelle l'ennemi prend systématiquement toute pierre angulaire  du sionisme et se l'approprie comme partie de son expérience historique. Tout est permis (vraiment?), en raison de l'occupation et de son oppression. Cela même pour des territoires  sous leur contrôle, déjà «libérés» depuis des années.
Il est important de noter cela, parce que même après les années d'Oslo, les Palestiniens «modérés» n'ont pas encore reconnu pleinement la nouvelle situation.
Ils ne reconnaissent toujours pas le droit du peuple juif à construire son Etat sur la terre d'Israël ou une partie de celle-ci.
Curieux de voir la pression sur Israel-Netanyaou quant à "2 Etats pour 2 peuples", alors que les Palestiniens modérés, nos partenaires, rejettent cette idée puisque ce serait reconnaître le droit à ce même Etat juif. 
Même la gauche israélienne "extrême" a été choquée en 2001 à la réunion publique avec des "intellectuels palestiniens - leur bloc de la paix". L'idée ne leur est pas encore apparue, à part un retrait tactique dans une langue étrangère (jamais en Arabe!), que le peuple juif a droit à son Etat. S'il vous plaît réveillez-vous.
A propos du Hamas, tout est clair et facile à comprendre. 

Par conséquent, tous nos buts qui se limiteraient à seulement maintenir le status quo seront condamnés à l'échec.
Conserver l'existant de façon statique prolongée n'est tout simplement pas pertinent. Jamais.

Le sujet des buts est crucial. Ce n'est pas que des mots, de la sémantique. Nous avons vu que le conflit est un choc entre des objectifs. Le premier qui hésite perd. Pour mettre fin à un conflit, l'autre côté doit cesser de rêver et s'imprégner de l'idée qu'il ne recevra pas ses voeux dans leur intégralité.
Les leaders doivent aussi le dire à leur peuple clairement. De ce côté-là, Abou Mazen-Mahmoud Abbas n'a encore jamais (2011) réellement franchi le Rubicon.
Il ne suffit pas que les conditions ne permettent pas la continuation des combats, il leur faut intérioriser qu'ils doivent renoncer à la victoire (les Juifs à la mer – dans le meilleur des cas), ils doivent savoir oralement, par écrit et dans leur cœur que le rêve est fini.
Qu'il est impossible à atteindre dans n'importe quelle situation.
Or que nous prouve cette perpétuité des "célébrations" anniversaires des nakba et naksa ?

Les Palestiniens depuis des décennies, parce que leur chef les avait utilisés comme de la chair à canon au sacrifice de ses objectifs, étaient conditionnés dans l'obsession que ce
n'était pas grave si leur situation était mauvaise, l'important était que ce soit mauvais pour nous. Or curieusement, au moins la dernière décennie, le contraire s'est produit: la société israélienne se développe et semble prospère, contraire absolu face à la détérioration de la société palestinienne, reculant des décennies en arrière.
Quel mal au coeur pour eux: ils voient le monde autour d'eux avancer, y compris une partie
du monde arabe. Il fut un temps où eux-mêmes faisaient partie de ce monde arabe "avancé".
Au même moment où ils nous voient progresser vers la communuté internationale, ils ont également perdu toute fierté et sont devenus les éternels pleurnicheurs, les plus grands mendiants au monde.
Ils sont plus importants même que les réfugiés du Dardour, que ceux du Rwanda qui ont connu eux réellement des massacres de centaines de milliers de personnes...
(Curieux ce déséquilibre dans le traitement humain et médiatique, quelles raisons?)
Ce n'est pas seulement ces cas de maladies graves qui viennent se faire soigner en Israel.

Ils pourraient être un pont entre Israël l'Occident et le monde arabe, mais ils se sont jetés  dans les poubelles de l'histoire. La culture du shahid, ou comme raison, ou comme conséquence de cette situation, les fait dégringoler encore plus rapidement.
Tous les points tactiques qu'ils arrivent à grapiller sur le plan de la propagande ne les aident en rien dans leur voyage dans la dégringolade. C'est leur droit...

Eux aussi voient la dégradation de la société israélienne en tant que tissu humain avec l'Etat de solidarité sociale et sécurité personnelle qui se déshumanise. Ils voient le pourissement du pouvoir, comment l'Etat devient une république bananière et leur dernier espoir est que la toile d'araignée sociale se déchire et détruise l'Etat de l'intérieur jusqu'au moment de l'épreuve (nous avons été comparés à une toile d'araignée facile à déchirer par Nasrallah du Hizbollah).
La peur existe de nombreux citoyens (j'en suis un) devant ce réel danger qui approche chaque jour davantage.

Donc, drogués par des générations de dirigeants, pas seulement palestiniens, qui leur ont tout promis, ils n'ont toujours pas intériorisé, ne renoncent toujours pas.
Les dirigeants «modérés» continuent à ne pas dire la vérité à leurs habitants, continuent à tout promettre, ne parlent évidemment jamais de prix. Dans cette tromperie psychologique intentionnelle, seul le "côté" fort "devrait donner, abandonner, céder. Eux? Tout leur revient! Négociations à la méditerranéenne.
Un leadership vide et pourri de l'autre côté aussi. Est-ce que pour nous et eux c'est la direction que nos peuples méritent? Le fait qu'ils sont sous manipulation de pays étrangers (Iran, la Syrie, courants religieux extrémistes) n'aide pas à les libérer de leurs rêves.

De notre côté? Tout le temps nous nous bornons à réagir au lieu de prendre l'initiative et
de changer la situation en notre faveur. C'est très mauvais car dans un conflit, une guerre, la situation peut toujours être renversée, le temps joue toujours contre nous. Je rappellerai ce point un peu plus tard. Nous avons renoncé également à la victoire, de cela je parlerai aussi. 
La guerre que nous menons avec succès contre les attentats terroristes, nous devons la copier sur d'autres aspects du conflit.

Retournons quelques pas en arrière, avant l'activité guerrière.
Comment pouvons-nous vérifier si la guerre doit commencer?
Les Chinois ont répondu à cette question il y a de nombreuses années.
Le premier chapitre du livre de Sun Tsu est appelé: considérations (ou estimations). Le test  est composé de formules relativement simples afin de savoir si vous devez lancer une campagne maintenant.

B VERS LA GUERRE

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Examens basiques de vérification de la valeur (rentabilité) à démarrer une guerre
Avant que vous envisagiez d'aller attaquer un autre pays (les opérations indiquées ici sont également appropriés pour les personnes, organisations et entreprises commerciales, c'est d'ailleurs proche du SWOT),
il est conseillé d'utiliser une matrice simple de calcul des  risques.
On vérifie d'abord par des équations, des évaluations et des questions si cela vaut la peine  de se battre ou s'il y a une autre méthode pour parvenir à nos fins. Cela ne dépend pas du hasard, mais d'un examen très attentif. En général, toutes les questions appellent des réponses aussi précises que possible, pas de hasard, pas de chance, pas de discours divin  mais seulement des considérations très réalistes.
Alors seulement, si on commence une action, nous entrons dans l'art (de la guerre), car  alors et alors seulement nous entrons dans le monde de l'incertitude (regard occidental).
Soyons clairs, ce livre ne vient pas de donner des solutions ou des formules magiques pour gagner. Il n'y a aucune telle chose. Toutefois (en utilisant ces clés) vous devriez au moins éviter une défaite "écrite sur le mur", c'est-à-dire prévisible à l'avance.

1. Est-ce que notre pays / l'adversaire a une bonne armée et de bonnes lois?
De Machiavel (Le Prince) à Delbruck, le lien entre régime politique et état des armées a été prouvé. Vérifier l'état de l'armée, c'est évident. Quand on parle des lois, cela veut dire les relations entre les gouvernants et la population; la légitimité du gouvernement, si les leaders sont  forts et si le peuple ira après eux pour protéger l'Etat comme une masse solide, unie.
Un ennemi à la fois puissant et au régime stable est le pire ennemi. Fondement cardinal.
La stabilité interne du régime est une clé de la victoire.

2. Parmi les premières questions de Sun Tzu:
Te connais-tu toi-même? [ton état militaire général]
Connaissez-vous l'ennemi? [son état militaire général]
Réponses: Si vous connaissez bien deux parties et pesez une victoire, vous pouvez attaquer.
Si vous êtes familier avec un seul élément, vos chances de gagner sont près de 50% seulement, vous devez améliorer votre connaissance avant toute action.
Réponse négative aux 2 questions: Vous ne pouvez pas aller à la guerre.
Dans d'autres circonstances, il eùt été amusant de penser à ces questions en Juillet 2006.

3. Dans ses premières estimations, Sun Tzu présente sept questions.
Qui peut mieux unir l'armée et la population? Qui est le meilleur commandant en chef?
Qui a l'avantage du climat et du territoire? Qui a la meilleure discipline?
Qui a la plus grande force militaire? Qui a les soldats les plus entrainés?
Quel parti a la méthode la plus juste pour récompenser et punir?
Il prétend qu'on peut prévoir le résultat de la guerre d'après les réponses à ces questions.

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Les éléments de base pour la guerre
Sun Tzu mentionne cinq éléments généraux dans l'art de la guerre:
1. la justice morale. L'expressison du même sentiment chez le gouvernement et le peuple. Car les gens seront prêts à de grands sacrifices pour la patrie. Le citoyen de base appartient  à la patrie et se sent y appartenir; il fera donc vraiment tout pour protéger "la maison".
Ici, et nous y reviendrons à la fin du précis, le grand danger existentiel de l'intérieur pour l'avenir de l'État d'Israël.
2. La nature: le climat, les saisons, les changements climatiques, les limites de la journée et la nuit.
3. La situation, le territoire: Superficie, distance, nature des surfaces, la géographie afin de trouver des moyens privilégiés d'évacuer ses forces.
4. Le commandement: les qualités requises pour un chef de guerre.
5. Discipline, récompenses et punitions (concernant les soldats).
Ceux qui ne comprennent pas ces critères ou les ignorent dans leur jugement perdront.

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Première caractéristique de la guerre: la constance vers le but (vers la réalisation des objectifs, politiques et militaires). Permanence, persévérance, résolution, fermeté du but.
J'ai souligné dans un précédent chapitre l'importance des objectifs.
De fait, la persistance est le premier principe qui nous conduit tout le chemin jusqu'à la fin de la campagne.
Pour savoir si nous avons gagné ou non, nous regardons nos objectifs (annoncés ou secrets), ceux que nous avons déterminé. Si, au cours de la campagne, nous changeons d'objectifs ou bien les modifions, cela ne change pas vraiment le processus, même s'il est  possible d'interpréter cela comme un retrait (ou un progrès si vous ajoutez des objectifs).

Ce principe d'adhésion aux objectifs n'est pas pour rien la première caractéristique de la guerre selon Yoshafat Arkabi qui le définit comme "la base de l'action d'attaque". 
Sans objectif principal, pas besoin de guerre, il n'y a rien du tout!
Par conséquent, toutes les forces dans la campagne, même si cela ne semble pas toujours évident au regard, œuvrent vers la réalisation de cet objectif ultime.

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Le carré magique/ensorcelé de la guerre
De nombreuses tentatives ont été faites pour classer les caractéristiques et les principes de la guerre d'une manière ordonnée et claire.
Je détaillerai ces facteurs de la façon la plus simple me semble, en partant de la base vers des caractéristiques déduites ou secondaires. Je commencerai par ce qui caractérise la nature de la guerre avant de parler des principes éternels du combat.
Je comprends que mon classement ne plaise pas à tous, c'est juste un point de vue proposé pour exposer les parties de manière efficace.

La guerre est une action humaine qui - en raison de sa complexité, des dangers, de l'importance de la chance et de son mystère - ne sait pas d'équivalent dans aucune autre activité humaine. Un duel complexe et aux niveaux multiples.
Cette dialectique dynamique existe et se cumule à partir du terrain jusqu'à l'état-major en puissance et en résultats fatidiques.
Pour comprendre le phénomène appelé guerre, il faut regarder profondément dans ses composants organiques, les plus fondamentaux, ceux qui expliquent et dirigent tout.
Nous commencerons avec une matrice de base des propriétés. J'ai choisi quatre éléments: le brouillard, la friction, la manœuvre, l'économie des forces.
 
14A Le brouillard (l'incertitude)
Cette incertitude est dans tous les domaines, à chaque endroit et chaque moment de la campagne.
D'abord à la guerre tu ne sais pas tout et si une chose est claire, c'est qu'il te manque beaucoup de données nécessaires pour fonder tes décisions. 
Le particulier dans la guerre c'est que vous devez décider dans l'incertitude - (c'est vrai aussi dans le monde des affaires mais la comparaison ici n'est pas à sa place) -  pour vous-même mais aussi pour l'ennemi.
Vous savez en gros ce qui se passe (comme Israël sur le Hezbollah en 2006...), combien de forces et leur dispersion; mais plus vous essayez de connaître les choses en profondeur et moins vous en savez sur elles. Comme par exemple le plan définitif et de mise en œuvre dans la tête du du commandant suprême ennemi et c'est justement un élément majeur pour le stratège!
C'est vrai au début de l'événement mais évidemment ce brouillard se développe pendant le combat, avec le temps et la taille du terrain.
Clausewitz: «Les nouvelles qui vous parviennent en temps de guerre sont en grande partie contradictoires, et fausses pour une plus grande part encore; les plus nombreuses de beaucoup sont passablement douteuses."

De plus: il y a ce que nous savons à un moment donné sur un sujet donné; il y a notre interprétation sur les activités de l'ennemi; il y a ce mélange de vérité et de mensonge sur ce qu'il nous semble vouloir faire... et dans ce tohu-bohu il faut encore continuer vers un objectif que nous avons fixé; et lire entre les lignes, entre nouvelles véritables ou non et l'intoxication produite par l'autre côté.
Car le brouillard naturel est toujours renforcé par l'ennemi.

Il est essentiel de comprendre que le brouillard existe de toute façon, qu'il ne peut être  neutralisé complètement. Il est utile d'essayer de le réduire, plus précisément d'amoindrir son influence - par certains outils comme les espions et l'intelligence ou l'aide à la decision.
Celui qui voudrait ne pas tenir compte du brouillard en tombera victime.

14B La friction
Clausewitz: «Dans la guerre tout est très simple, mais la chose la plus simple est difficile."
Un exemple par le bas: le soldat doit connaître son terrain [selon les commandements] et  savoir sur qui et quand tirer. A priori une chose simple. Il sont des milliers comme lui, à différents endroits à différents niveaux, à l'intérieur de grands corps de soldats (divisions..) en mouvement, et le commandement donne ses ordres pour déplacer les troupes, diriger l'effort dans une seule direction.
Et les problèmes surgissent: communications incompréhensibles, ordres imprécis, la peur des soldats qui n'opèrent pas en fonction des ordres mais par leurs sentiments, les résistances surprises, le matériel endommagé; ruptures, défauts, à tous les niveaux et à tous les temps.
Le friction est comme le sable dans la machine. Entre le modèle théorique du commandant de l'opération militaire qui donne des ordres et le soldat qui éxécute, et la réalité pendant le feu, une grande différence.
Le frottement est un facteur qui endommage, qui transforme, qui fausse les mises en œuvre du programme.
En raison de la taille de l'organisation, de la difficulté et du danger d'une bataille, de notre culture du "fais-moi confiance" et de la pression du temps; parce que nous sommes perpétuellement en interaction avec les mouvements de l'ennemi, cette friction est inévitable.

Nous savons dans la vie qu'entre la pensée, la planification et l'exécution souvent il n'y a pas de lien. Tout cela est pire encore à la guerre: le mouvement, la transmission des ordres, les changements dans les situations, et les changements permanents de plans, il ya souvent un sentiment que rien ne fonctionne. Bien sûr que cela provoque des frustrations et des dangers. Le commandant en chef a besoin également ici d'une capacité de long souffle pour continuer  à diriger et à organiser la manœuvre des forces. 
Napoléon: "L'art de la guerre est un art simple et tout d'éxécution."
Un exemple frappant, la bataille de Waterloo: Napoléon attend Grouchy mais c'est Blùcher qui arrive pour aider les Anglais. Ce même jour, Napoléon commet beaucoup d'erreurs et son système pourtant bien huilé au  cours des années précédentes s'effondre.

14C La manoeuvre  (concentration et mouvement des forces)
Je réunis deux éléments liés par nature:
- La liberté d'action en général et en particulier la possibilité de bouger correctement des forces par rapport aux objectifs et aux plans; celle de les rassembler à l'endroit et au moment voulus afin de réunir une force immense au point critique.
- La conservation de troupes comme menace potentielle car tant que l'armée existe, une victoire est encore possible.

Napoléon: "L'art du placement des troupes est le grand art de la guerre... Le passage de l'ordre défensif à l'ordre offensif  est une des opérations les plus délicates dans la guerre."
Son meilleur interprète, Jomini, essaye de résumer les principes de la stratégie de guerre:
«Le principe fondamental de toutes les opérations de la guerre...consiste...
1 – A porter, par des combinaisons stratégiques, le gros des forces d'une armée,  successivement sur les points décisifs du théâtre de guerre...
2 – A manœuvrer de manière à engager ce gros des forces contre des fractions seulement  de l'armée ennemie.
3 – Au jour de bataille, à diriger... ce gros des forces sur le point décisif du champ de bataille...
4 – A faire en sorte que ces masses ne soient pas seulement présentes su le point décisif, mais pour pour qu'elles y soient mises en action avec énergie et ensemble, de manière à produire un effort simultané.

Un joueur d'échecs, de dames ou de go comprend aisément que la base de liberté d'action est dans le bon mouvement des forces. Une erreur dans la position et le déplacement des forces dévoile des faiblesses que l'ennemi pourra savoir exploiter.
En outre, une manœuvre non intelligente de votre part pourrait aider l'ennemi à comprendre  vos objectifs et agir en conséquence.
Bien sûr, dans le même temps, si vous êtes fort en un certain lieu, cela signifie que vous êtes faible dans d'autres endroits et cela vous demandera de pouvoir vous déplacer rapidement dans n'importe quelle direction en cas d'attaque.

Clausewitz a recommandé à l'armée prussienne, si la Prusse était conquise, de s'en éloigner  et d'exister en dehors d'elle. Car sans armée, il n'y a aucune chance de victoire possible. Tant est fort le pouvoir de la manœuvre. Dans le cas du risque de défaite ou de destruction, la fuite est obligatoire, pour maintenir la puissance potentielle de manœuvres.
Lorsque vous êtes piégé dans un endroit fermé, vous êtes plus vulnérable parce que vous ne pouvez pas manœuvrer. Nous savons qu'il n'y a pas de lieu fixe qu'on ne puisse jamais conquérir.

14D L'économie des forces
[Budgétisation et gestion économique des forces, nationales et militaires]
Nous pouvons considérer ce sujet sur 2 niveaux, national et militaire.

Comme tout organe, (la famille, une société), la capacité d'action a un budget. Vous ne pouvez pas tout faire, gaspiller tous les actifs de l'État pour la victoire. Aucune importance s'il est question de conflit limité ou de guerre totale. Dans tous les cas, l'argent, "le nerf de la guerre" n'est pas illimité.

Le principe militaire de l'économie des forces est généralement attaché au maréchal Foch.  Je l'élargis à l'utilisation de toutes les ressources, pas seulement à celle des forces militaires. 
Dit simplement par Foch: «Qui veut tout défendre ne sauve rien."
C'est pour lui le principe le plus important, à cela plusieurs raisons:
- Plus la campagne dure longtemps, et plus les dommages causés à l'économie sont grands, plus la population désire la fin de la campagne. Pour Fosh aussi, l'essentiel est de "déverser toutes ses ressources à un certain moment sur un point; d'y appliquer toutes ses troupes..."   
Mais au-delà de la manœuvre, vous attaquez l'ennemi partout jusqu'à trouver une faiblesse. Cet effort vous affaiblit ailleurs: c'est pourquoi il faut choisir ce qui est plus important et moins important à protéger, il faut donner des priorités claires et être prêt à sacrifier certains points.
- Foch pendant la Première Guerre mondiale a vu l'ampleur des dommages aux gagnants: les pays sont détruits, dans tous les domaines, pour une longueur de temps et avec une intensité qu'ils n'avaient pas connu jusque là.
- Il est facile d'attaquer avec une grande force et d'occuper un espace donné. Mais alors on avance en laissant peu de troupes comme défense. D'un côté vous réduisez la force  principale, d'un autre côté cette force de défense est limitée (c'est pourquoi on apprécie plus l'attaque que la défense).
Comment se déployer au mieux? Il faut se soucier des réserves, des forces fraîches pour  les missions spéciales et du remplacement des troupes et de l'équipement hors d'usage.

Le but principal de l'économie des forces consiste à donner une relation proportionnée des forces exploitées par rapport à l'ampleur de la tâche. Pour chaque action requise une taille différente de force et d'effort. Harkabi nomme cela "épargne de force et d'effort".
J'ai mentionné ici indirectement la question de la concentration au point critique en raison du maréchal Foch. Je ne peux pas la séparer de l'économie des forces (sujet de même nature), mais nous y reviendrons plus tard.

En raison de la taille des guerres et des effets sur l'économie, seul le gouvernement, au-dessus de l'état-major général, est capable et légitime de gérer les conflits globaux.
N'oublions pas que la guerre (classique) est un moyen du pouvoir politique quand la  diplomatie ne suffit pas. Sur le même principe le commandant en chef budgète ses forces et comme lui tous les commandants sous ses ordres.

Si l'on ajoute à la violence, le brouillard la friction, la nécessité de pouvoir manœuvrer et l'économie des forces, nous arrivons à pouvoir – pas trop mal - définir et caractériser la guerre et à comprendre à peu près toutes les situations.
Il est important pour moi cher lecteur que cette matrice soit toujours présente à vos yeux, reliée à la constance (vers la réalisation) des objectifs. Par les combinaisons qui se révèlent ici, on peut tirer des principes et des caractéristiques supplémentaires.
En conclusion: nous travaillons dans l'incertitude, beaucoup de ce que nous faisons s'enlise,  nous devons toujours nous assurer que nos forces peuvent se déplacer librement et les budgéter avec raison. Tout cela en constante évolution à cause des inter-réactions avec l'autre côté. Multipliez par le nombre des espaces et des champs de bataille, par les niveaux de commandement, ajoutez l'importance du moral, du psychologique, du médiatique.
Qui a dit que c'est facile?
A un autre degré ce travail du commandant ressemble à celui de l'entrepreneur, le chef d'entreprise.

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Premières conclusions - Principes et caractéristiques supplémentaires.
En tant qu' d'action humaine complexe, la direction de la guerre exige tout le temps et par intermittence une chose et son contraire: sois concentré au point critique mais étale tes forces pour défendre tous les points importants; sois concentré sur la cible principale mais sois flexible d'après ce qui arrive sur le terrain; bouge et assure-toi d'une marge de  manœuvre mais plus tu bouges et plus la friction te touche etc...

A partir de la matrice de base
1. L'incertitude à elle seule a une énorme influence sur l'ensemble du processus:
Vous (le leader - le commandant en chef du pays) ne savez pas l'état de l'armée ennemie, quels sont ses objectifs politico-militaires, le niveau de préparation et celui de ses troupes face aux batailles (rappelons-nous, par exemple la Russie contre l'Afghanistan, l'Irak contre  l'Iran).
Donc, vous développez un système d'espionnage afin de savoir, et l'ennemi aussi.

2. Le principe qui peut rompre l'équilibre à la guerre à cause du brouillard est la surprise.
Elle peut être locale avec une force qui apparaît soudainement et change la donne de la bataille, jusqu'à l'attaque japonaise sur Pearl Harbor qui a causé d'énormes dégâts (mais pas définitifs) sur différents plans aux États-Unis.
C'esr pourquoi vous conservez plus de troupes en renfort (ce qu'on appelle la réserve cf plus bas) pour empêcher toute surprise.
Vous distribuez également vos forces différemment des objectifs désirés et affaiblissez votre attaque. Vous renforcez également vos lignes d'approvisionnement et de  communication, encore un pompage de puissance. Vous ne donnez pas toujours des ordres  clairs et vos gens ne les traduisent pas bien. La peur de la surprise peut paralyser une  organisation. Ce danger de paralysie n'est pas moins important.
Car la volonté de créer la surprise existe aussi pour influencer l'humeur des forces de l'ennemi.
Cependant, l'histoire démontre que plus la guerre dure et moins les parties sont vulnérables à la surprise. Très peu de cas où son influence a été décisive.

3. Au-delà de la surprise unique, l'incertitude des deux côtés fait que chacun contre  l'adversaire va mélanger vérité et mensonge, va utiliser "la fraude et la tromperie." (L'expression d'Arkabi essaie de couvrir les deux sens du mot ruse, ce mot en Français est très riche de sens). La ruse est une caractéristique fondamentale de la stratégie et de la guerre.
Je dédie un chapitre entier à ce sujet aussi important (et fascinant car il est loin de se limiter  à de simples machinations).
Même sur un échiquier et sur le tableau du jeu de Dames, sur la table d'un certain nombre de jeux de stratégie, tous les soldats sont visibles, il n'y a aucun objet caché, et pourtant  on peut tomber dans une supercherie.
Alors que peut-il arriver dans une guerre réelle, lorsque si peu apparaît sous nos yeux et encore de si mauvaise façon?

4. A cause de l'incertitude et des multiples changements de situation, en dépit de la nécessité de persévérer vers l'objectif, afin de pouvoir faire face à presque toutes les surprises, afin d'être en mesure de profiter de chaque occasion, l'armée (c' est ainsi aussi en stratégie politique) doit être commandée en fonction du principe d'une certaine souplesse, d'une certaine flexibilité.
Cela se reflète par exemple dans la capacité de modifier en partie et rapidement la forme des divisions et leur direction: flexibilité dans la pensée, dans le mouvement des troupes, dans les modifications des plans...

5.  Le brouillard et spécialement la surprise nous demandent de rechercher tout le temps plus de sécurité. Cela inclue des supputations concernant des gains possibles face aux dangers inhérents à la mission.
Comment assurer que chacune de tes actions ne te met pas en danger, ne te fait pas rentrer  dans un piège. Tout est relatif.

6. À cause de la friction, [Clausewitz: «En temps de guerre, tout est très simple, mais la chose la plus simple est difficile»], nous devons travailler avec simplicité (et clarté).
J'ai donné quelques exemples en présentant la friction.
Pour la réduire, les messages en particulier, les missions, l'organisation doivent être simples, avec des définitions claires. Par exemple, l'état-major général éloigné ne peut  entrer dans les détails de ce qui se passe sur le terrain, il se contentera d'un petit nombre d'objectifs clairs.
Chaque message est facile à comprendre, ne laisse pas d'option pour différentes  interprétations.

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Quatre principes importants pour une utilisation active des forces en campagne.
7. Attaque et initiative. A la guerre et bien sûr dans un conflit, nous devons initier, créer des situations (ou profiter de nouvelles situations en notre faveur), pour attaquer et choisir  le champ de bataille ou alors l'ennemi le fera "à votre place".
Vous ne pouvez pas gagner si vous êtes toujours uniquement occupé à répondre, à réagir,  après une action hostile.
Ou bien vous voulez atteindre un but et a vous avez créé un conflit, alors allez-y et ne  perdez pas l'initiative; ou bien vous avez été attaqué et vous ne devez pas donner à votre adversaire le privilège de déterminer quand et où les combats auront lieu.

Qui ne se souvient de l'armée israélienne (et de sa réputation, sujet non moins important) victorieux grâce à l'initiativet? Grâce aux commandants qui sont en avant des troupes qu'ils  dirigent?
Et aujourd'hui? La question n'est pas seulement militaire, mais non moins politique.
Un message clair doit servir la politique et la stratégie.
L'autre côté doit être dirigé, conduit. Les sujets de discussion doivent être choisis par nous. Ce calendrier doit être fixé en fonction de notre volonté (oui, tout commence par des objectifs clairs.) En tout domaine nous avons besoin d'initier et de surprendre.
Une action militaire entreprise a souvent conduit à l'instabilité de l'autre côté. Donc, au-delà de la prévention des attaques terroristes et du renforcement de notre moral, l'utilisation de  cette méthode avec intelligence est tout a fait adéquate.

"Qui n'a pas l'initiative perd habituellement, qui la conserve gagne habituellement."  (Griffith interprète Sun Tzu.)  

8. La concentration des forces, l'effet de masse. Non seulement vous attaquez, mais vous agissez avec sagesse: je parle ici d'un principe fondamental, le cœur de l'effort de guerre (ou du marketing, bien que de nombreux responsables dans ce domaine veuillent l'ignorer).
Napoléon a souligné ce principe comme la clé du succès. Pour lui la décision sur le champ de bataille se noue en raison de la concentration de grandes forces - autant que possible - dans le temps le plus bref - au point de décision.
Sois le plus fort là où la décision doit tomber. Peu importe presque ce qui se passe ailleurs,  là où l'importance est secondaire.
En fait, toute la manœuvre est justifiée simplement par ce moment-là, là où se produit le choc, le coup de poing qui fait qu'une armée disperse, écrase l'autre armée; cette dernière comprenant qu'elle a perdu son centre de gravité et que de fait, elle a perdu.

>> Si vous ne pouvez pas gagner sans combattre, vous devez concentrer vos forces pour neutraliser ou détruire les forces ennemies; et pour atteindre cet objectif, vous de-vez être  clairement celui qui frappe à l'endroit décisif. A partir du moment où on ne peut empêcher le contact physique, pas d'échappatoire, il n'y a pas d'autre moyen de parvenir à une décision.
Je sais bien que je répète ces choses mais nous sommes au coeur du sujet.
La question naturelle est, où est ce lieu, comment savoir que nous avons frappé au bon endroit, et de nos jours, y a t-il des points similaires à l'extérieur du champ de bataille physique? De cela aussi nous parlerons.

9. La réserve. Ce sont les forces fraîches, disponibles, que vous conservez pour différentes missions. De Sun Tzu au dernier des généraux actuels tous reconnaissent le besoin de conserver des hommes et du matériel de réserve, à utiliser au moment opportun.
Sun Tzu par exemple, sépare deux types de forces: la force normale qui agit de manière prévisible, le Tchang; et une puissance extra-ordinaire, pour des missions spéciales ou  parfois pour réaliser la décision soudaine, le Tchi.

Avec souplesse et en fonction des besoins sur le terrain, toute force peut passer d'une nature à l'autre, tout est "liquide" c'est à dire versatile.
Un point très utile dans les affaires: ne pas gaspiller de réserves (argent et hommes) en vain, ne pas essayer de changer une mauvaise situation par un coup de pouce momentané de troupes fraîches quand il n'y a aucun moyen de changer la situation réelle. Traduction d'Arkabi: "Ne jamais renforcer l'échec."
L' exemple classique de cette bêtise est la pompe de ressources pour des produits ou des projets qui échouent au lieu de renforcer ceux qui marchent.

Le mot réserve considère aujourd'hui plus les recrues potentielles non encore recrutées et
l'équipement industriel civil dans le pays. Gérer ce potentiel ne peut être fait que par le gouvernement. C'est une réserve potentielle ici hors sujet.
Un autre sujet lié à la réserve: si nous sommes attaqués par une première vague très grave, que nous reste-t-il pour riposter, cela suffit-il comme moyen de dissuasion?
Il s'agit là aussi de réserve stratégique, contrairement à la réserve tactique sur le terrain.
La menace d'une possible riposte est un facteur capital de dissuasion.

10. Nous avons attaqué (même si après avoir reçu une première attaque contre nous). Nous avons rassemblé nos forces, nous avons établi une réserve et voici que nous allons gagner. Ce qui reste à faire pour nous? L'éradication.
Si le but est de vaincre l'adversaire, au pire de détruire son armée, il n'y a donc pas le choix, il faut terminer le travail et éradiquer la force défaite: le processus de réorganisation de  l'armée ennemie doit être rendu impossible; ne lui donner aucune chance de se relever.
A quoi bon vouloir se battre quand vous ne pouvez pas réaliser ce désir?

La plupart des stratèges proposent de laisser (voir au chapitre stratagèmes) une issue de fuite comme moyen de lutter contre un adversaire au désespoir. Le combat contre des soldats acculés et sans issue de secours est plus difficile parce qu'ils n'ont rien à perdre et  sont prêt à mourir.
Mais ne soyons pas naïfs: quand l'autre côté commence à fuir, on doit - sans prendre de risque - courir après eux et les neutraliser. La victoire est amplifiée par la poursuite, Napoléon brillait là-dessus.

Je me souviens du premier président Bush, qui s'émerveille sur le succès et ordonne l'arrêt de la première guerre du Golfe après cent vingt heures à Bagdad. Les Américains ont préféré conserver un leader affaibli plutôt qu'un nouveau chef. Nous voyons comment cette idée a été un succès. Nous parlons de l'abc de la stratégie! Cher lecteur ne crois pas que seul  Israël manque son coup.
Parce que le travail n'a pas été achevé par les États-Unis, ils sont revenus avec le fils pour le "finir" – terme ironique, ce n'est pas encore arrivé.
Par ailleurs, l'idée de laisser un dictateur affaibli est sans doute une grosse erreur: les circonstances changent.

17
Demeurent certains autres principes moins importants (à mon avis, en théorie), mais nous  devons les mentionner comme l'a fait Arkabi. Chaque sujet est facile à comprendre.
Administration. Les choses sont si compliquées à la guerre qu'elle doit être fondée sur une administration efficace.
Coopération. Et non pas concurrence entre les différentes forces, les corps d'armée ou des alliés dans les différents pays parlant des langues différentes.
Entre autres éviter ces compétitons au prestige et ces conflits d'ego entre les commandants.
Cela aussi nous coûte des victimes.
Maintenir le moral des forces. A savoir, l'humeur suffisamment belliqueuse avec l'espoir  d'une bonne fin. Sur l'aspect psychologique de la guerre, nous reviendrons.

Une autre approche des principes de la guerre pourrait être par exemple une comparaison entre le triple négatif - incertitude, friction, surprise – avec en face un triangle actif, plus positif - manœuvre, ruse, flexibilité.
Avec le temps et la multiplicité des auteurs sur le sujet, il y a risque perpétuel d'ajouts à ces  principes. Le danger est d'ajouter trop d'éléments à la soupe et de perdre le focus sur  l'importance de chaque principe dans le processus.

Brouillard et renseignement, friction, manœuvre, économie et concentration des forces, persistance, surprise, fraude et tromperie, flexibilité, sécurité, simplicité, initiative et offensive, réserves, l'éradication; nous avons fait un tour assez complet des grands principes et des caractéristiques de la guerre. Un premier tour seulement car certains de ces principes  demandent plus d'information.

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Avertissements
1 Après l'examen de ces principes et de ces caractéristiques, une règle est importante à savoir: il n'y a pas de lois qui donnent – a l'avance - la victoire en toute sécurité. Il n'y a pas de recette pour la victoire, il y a – oui – des recettes pour l'échec, de ce côté c'est beaucoup plus facile à prédire. Il n'y a pas de "si tu fais ça ... ça donnera exactement tel résultat."

La plupart du temps les éléments de la guerre, les propriétés et les principes, sont tous dans le processus, dans la campagne - mais chacun y apparaît d'une manière différente, en intensité et à des moments qui varient d'une guerre à l'autre.
Au-delà des précautions prises, vous ne pouvez pas prévoir ce qui va se passer.

Il y a des complications, il y a des chances, dont on peut essayer de traduire certaines par des formules, mais l'importance de l'inconnu, la chance, le brouillard et la friction sont si grandes que les résultats ne peuvent être déterminées à l'avance. Vous avez entendu parler de l'opération "Raisins de la colère" (1996) et de la seconde guerre du Liban? Donc,si quelqu'un attend un livre qui fournit clé sûre de réussite, je vais décevoir.
Déjà très bien d'éviter les bourdes.


2 La stratégie n'est pas une science exacte. C'est la première conclusion du premier avertissement. Le "chantier strategique" [expression de Lucien Poirier] est en
changement constant. Les livres sur la stratégie ne sont pas des théories que le suivant vérifie mais ils ont été écrits sur la base de l'expérience des généraux, officiers, diplomates,  hommes d'Etat et des ingénieurs qui ont vécu la guerre et la stratégie.
Ils ont ajouté leurs expériences et réflexions aux connaissances générales qui s'en sont enrichies. En stratégie, on est parti de faits et on a essayé de comprendre, non l'inverse.

Les stratèges ont toujours beaucoup appris par les exemples du passé. Qui peut dire si  Clausewitz aurait écrit son chef-d'œuvre sans avoir perdu et avoir été emprisonné par Napoléon?
Donc, nous parlons d'art de la guerre, alchimie particulière sur la façon de mélanger des  caractéristiques et des principes, pas une science avec des phénomènes récurrents de façon précise sur eux-mêmes.

Le stratège qui fait se mouvoir des forces et des ressources, conduisant ses troupes selon une texture unique dans un espace et un temps donnés, est un maître (artiste), pas un scientifique. Le contexte est triste, mais le mot «art» est justifié. Telles les compétences du chef dans le "coup d'oeil" sur la situation, pour voir le terrain, voir l'essentiel dans une mer d'informations pleine de mensonges.
Comprendre par le coup d'œil le champ de bataille, comment se déplacer, est un art, c'est un  talent. Que ce soit un don de la nature ou le résultat du travail et de la spécialisation.

 3 Quelle que soit leur opinion et leur croyance religieuse, la position des grands stratèges était de séparer entre croyances et monde réel en ce qui concerne la guerre.  
Dans certains cas seulement à la frontière de la stratégie, comme avec la géopolitique à ses  débuts, le mélange entre la foi et les faits n'a laissé que des résultats sans équivoque destructeurs.
Je voudrais ajouter une note personnelle sur deux aspects de ce sujet.
Tout d'abord, nous avons appris avec l'histoire de France comment le royaume a été  construit au fil des ans. Le Roi n'a pas été en charge au début par droit divin.
Loin de là. Il a fallu des centaines d'années jusqu'à ce qu'il devienne gouvernant par la grâce du Ciel. Le processus est uniquement liée à la civilisation et à ses progrès ainsi qu'à la fondation dynastique du royaume. 

Au-delà même, dans l'histoire française et mondiale, l'aide des dieux a toujours été une aide très généreuse (Dieu est avec nous, c'est bien connu), chaque partie est emplie de son soutien; chaque combattant était sûr, partout, qu'il se battait en son nom (contre les "hérétiques").
Le traumatisme des guerres de religion qui a traversé plus d'une fois France, Italie, Allemagne, causant souvent des massacres en masse; me fait séparer complètement l'action  des hommes et la foi. Certains meurent au nom de Dieu. Bon prétexte pour les gouvernants à envoyer de la chair à canon et à cacher d'autres raisons pour la guerre, sans doute, mais rien de plus. Ces paragraphes sans aucun doute comme avertissement.

Oui je pense que ceux qui justifient par Dieu ou une quelconque raison divine la guerre et la violence,le suicide - sacrifice humain et le crime, sont des arriérés mentaux et qu'ils représentent des modes de pensée primitifs, sauvages, barbares. Chacun son choix.
L'Occident en tant que nations libres a su, même si c'est récent, se libérer de ce genre d'idéologie divine.


C FAITS ET LECONS HISTORIQUES I

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Avant que nous n'avancions vers certaines caractéristiques historiques de la guerre je voudrais rappeler ici 4 erreurs courantes dans l'histoire, afin que nous puissions apprendre à en tirer des principes politiques. Ces règles sont simples, ces erreurs sont familières.

1.  Avec qui tu signes ?
"La paix est fort bonne en soi.
J'en conviens; mais de quoi sert-elle,
Avec des ennemis sans foi ?" (Les loups et les brebis, La Fontaine)
Lorsque nous signons un accord, la première chose que nous vérifions, c'est qui s'engage en face de nous. Qui signe, qui est garant.
L'histoire est bien connue de la question sur le président américain Richard Nixon: "Achèteriez-vous une voiture d'occasion à cet homme?" [Cela ne l'a pas empêché d'être un bon président, malgré l'impression très mauvaise de sa personnalité et sa chute.
Pourquoi je demande ? A cause des accords d'Oslo. Tous les dirigeants arabes et certains  des Palestiniens eux-mêmes nous ont avertis: Arafat n'a jamais respecté un accord jusque là. Justement cette fois il commencerait ?
Mettons l'accord de côté, bon ou mauvais, ce n'est simplement pas la question!
D'abord, on ne signe pas un accord avec un escroc. Nous avons découvert au fil des années (pas aux illuminés qui le croient encore) comment tout ce temps Arafat n' a jamais songé à respecter les accords. Il l'a dit lui-même à ses hommes le matin de la signature à la Maison Blanche.
Dans une interview il y a quelques années sur la première chaîne isrélienne, un jour anniversaire de l'accord, Shimon Peres a expliqué que l'accord était bon mais qu'Arafat n'a pas réalisé les choses auxquelles il s'était engagé. Sans commentaire superflu. 

L'histoire du roi de France Louis XI, est connue de tous les écoliers de métropole. Roi
menteur, artiste manipulateur, signant un traité qu'il combat le lendemain, après pourtant  avoir prêté serment solennel devant Dieu.
Ce côté sombre est facilement équilibré en vérifiant l'état de la France au début de son règne et à sa fin: un gouvernement plus stable, un royaume plus grand, plus riche, qui a connu une période de paix dans le cadre de cette fameuse guerre de Cent Ans.
Or Louis XI a payé de ses deniers des tributs à d'autres rois pour empêcher la guerre.
L'état de son royaume lui importait avant tout. Que valent donc ces critiques sur lui? Les Français l'estiment comme un bon monarque, un grand roi.

Revenons à Arafat. Sa stratégie n'a pas changé au fil des ans, le facteur temps n'avait pour  lui aucune importance; et, de son point de vue, son propre peuple pouvait continuer à souffrir beaucoup. Le but est toujours resté le même: supprimer l'État d'Israël. A la même époque (nous en reparlerons) il lui convenait mieux d'aller vers un accord qui le remettrait en selle sur la scène internationale et dans les territoires.
Et nous, les grands intelligents, nous le lui avons donné, une fois de plus (sans s'occuper de l'accord en tant que tel).
Dans la littérature classique, le docteur Faust signe avec le diable et vend son âme.
Lorsque la deuxième Intifada a commencé, Ehud Barak a dit, avec alors un grand courage, qu'il n'y a pas de partenaire. Yossi Beilin à la télévision nous a expliqué que dire et penser  une telle chose, c'est terrible, c'est grave.

2. Le temps travaille contre nous, politiquement et militairement, toujours contre nous.
A cause du pompage intensif des ressources demandées par la guerre, il est effectivement  interdit de prolonger la lutte pour une raison quelconque. Tous les conflits de longue durée se soldent pour nous par des pertes. Peu importe ce qui se passe chez l'adversaire.
 D'autre part, il est interdit de retarder l'inévitable, même si les démocraties se réveillent toujours en retard. La douloureuse leçon de l'Europe des années Trente du XXe siècle doit être pour nous une loi d'airain.
Dans son chapitre III du Prince, Machiavel apprécie la sagesse des Romains qui n'ont pas laissé leurs ennemis croître et ont préféré se battre tôt et loin de Rome.
"Une guerre qu'on évite est seulement différée au bénéfice de l'adversaire". 
Mais Machiavel tient à souligner l'idée, il répète: "Jamais ils n'appliquèrent le précepte que  les faux sages de notre époque ont du matin au soir à la bouche: -Laissons le temps travailler pour nous".
Et Machivel ajoute: "on ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre; car on ne l'évite jamais, on la retarde à son désavantage".

Sur ce point aussi face à Yasser Arafat, certains politiciens de gauche ont pensé qu'il valait le coup d'essayer des accords partiels au lieu de tout mettre sur la table (comme Ehud Barak l'a fait en 2000).
Si les intentions de l'autre côté sont sincères, et qu'il ne peut vraiment pas encore avancer vers d'autres concessions, il y a une logique à des accords partiels. Mais si ses objectifs sont autres, la question n'est plus pertinente et ne fait que nous humilier par le manque de  perspicacité de nos représentants.

Pour ce qui concene l'illusion d'une guerre propre, Machiavel veut nous aider dans le domaine des relations publiques: (VIII) «Le mal doit se faire tout d'une fois: comme on a moins de temps pour y goûter il offensera moins, le bien doit se faire petit à petit, afin qu'on le savoure mieux".

Dans la guerre, on doit frapper vite et fort pour ne pas laisser le pourrissement croître, faire sortir la stabilité du cerveau de l'ennemi. Il n'y a pas de place pour l'hésitation ou le bégaiement qui nous affaiblit. C'est pourquoi nous allons maintenant passer à la partie qui traite de l'initiative. Clausewitz renforce cette façon de penser.

Le second sens de ce principe est lui aussi également clair: au début de son existence, la
force hostile est encore faible, elle n'a pas encore envahi un territoire assez grand, une reconnaissance et de l'influence. C'est le moment de l'éradication «dans l'œuf».
Plus on attend et le laissons se développer, plus elle prendra de l'élan et plus il sera difficile à détruire.
C'est ce qui s'est passé avec le Hamas, le Hezbollah (dans un pays étranger dit souverain). Où sont (qui sont-ils) les responsables de toutes ces années?
Oui, le mélange du temps et le manque d'initiative ensemble est une bombe à retardement en face de nos visages. Même quand les Chinois considèrent différemment le temps que nous (nous le verrons), ils arrivent aux mêmes conclusions. 

3. Ne fais pas entrer une force étrangère / ennemie sur le territoire
Sur le plan stratégique seulement, ce chapitre traite de cette erreur familière et tragique dans l'histoire. Sur cette seule base, nous avons eu tort, en tous cas, de parvenir à un accord avec la direction de l'O.L.P d'alors.
Machiavel (III), met en évidence cette erreur connue dans l'histoire et qui pourtant se répète. Il prend l'exemple de Louis XII, roi de France, qui conquit l'Italie mais ne savait pas profiter de sa grande victoire.
Ainsi il écrit: "Le roi Louis avait donc commis cinq erreurs: en ruinant les plus faibles, en augmentant en Italie le pouvoir d'un puissant; en y introduisant un très puissant étranger; en ne venant pas y demeurer; en n'y envoyant aucune colonie."
Le point est ici important: Il n'est pas besoin de renforcer une autre force qui sera toujours un ennemi potentiel.
"On peut en tirer une règle généralejamais prise en défaut, ou presque jamais: celui qui cause l'ascension d'un autre se ruine lui-même."

Un autre exemple plus proche de nous ? Comment des éléments libanais ont demandé l'intervention syrienne au sein de leur conflit et ont ainsi aidé à l'invasion du Liban par la Syrie. On notera alors le silence de certaines puissances comme la France pendant des  années qui n' a manqué aucune occasion de s'humilier devant le maître de Damas (jusqu'à  l'assassinat de Hariri).
"A la chute de ton ennemi ne te réjouis pas" écrivait le journal sur Shimon Peres à propos de Yasser Arafat. Mais cet homme, si longtemps après est encore considéré (vivant)  par une partie d'entre nous comme un partenaire; par volonté ou parce que pas le choix. 

Le simple bon sens, l'école de la vie, nous enseigne qu'il suffit de mettre un fruit pourri  dans une corbeille de cent fruits sains pour voir les effets du pourrissement se développer. On dit en hébreu que vaut mieux un ver dans le fruit plutôt qu'un demi ver la bouche.
Et nous, nous avons nous-mêmes amené le ver dans la bouche. Super sagesse.

Il faut se rappeler que l'organisation terroriste était sur le point de s'effondrer, à cette période. L'O.L.P. était en processus constant de décomposition, d'effondrement  économique; affaiblie par rapport aux jeunes leaders qui ont grandi dans les territoires avec la première Intifada. Comme un fruit pourri, cette grande organisation terroriste était en train de disparaître.
Nous ["les caniches, les vestes" dixit Itzhaq Rabin], de nos propres mains nous avons redonné vie au golem. Pourquoi lire tant de livres d'histoire pour tomber dans le piège de si haut et si mal ?
Par notre immense connerie (celle de nos dirigeants éclairés) nous avons permis à une force ennemie faible de renaître, nous lui avons donné une légitimité internationale, la force militaire, le contrôle de terreitoires limitrophes. Pourquoi ?
Parce qu'il était clair qu'il était le seul partenaire possible alors on l'a intronisé le vrai partenaire, l'important étant de conclure, d'arriver à une solution.

Comment pouvoir chercher à recevoir le respect des autres quant à toi-même tu ne le donnes pas? Et est-ce une raison pour revenir encore et encore à cette erreur?
Le Hamas lui a résolu le problème facilement: il a pris le pouvoir par les armes à Gaza; en tuant, torturant, massacrant ses "frères" sans aucun état d'âme.
(Si ce n'était pas tragique, ce serait à mourir de rire de même que cette bonté d'âme  occidentalo-franchouillarde lorsqu'il s'agit de Gaza mais uniquement quand c'est pour nous critiquer. Bonne conscience de mes deux.)

4. Quatrième erreur, celle de vouloir essayer de conserver un esprit chevaleresque.
Dans une campagne, un conflit, renoncer à un avantage pour ne pas se salir à cause de la "façon" de l'obtenir, vouloir la bataille claire et honnète avec toute la force engagée pour être fair play, vouloir donner à Dieu et à l'opinion publique de décider qui a raison; c'est de la connerie.
Comme si la mort sur le champ de bataille était une mort plus belle, plus noble, et comme si devant la bataille nous devrions être de grandes âmes.
(Alors que même le pire mensonge permet la victoire comme avec l'affaire du Marmara. Cette pseudo flotille de la paix bourrée surtout d'extrémistes musulmans (pas seulement de gauchisants antisémites de tous pays) venus casser du soldat n'est qu'un exemple de plus. Ce n'est après tout qu'un remake du faux réalisé par France 2 sur le soi-disant Mohamed, l'enfant prétendu "tué" par les soldats au début de la 3ème intifada, on n'est pas à une escroquerie près.)

C'est arrivé plus d'une fois, par exemple avec la bataille des Croisés contre Saladin près de Tibériade, en 1187. Cette bataille rassemble une énorme erreur stratégique et une variété d'erreurs tactiques qui ont conduit au résultat. Par exemple les Crosiés sont allés a combat fatigués, sans eau, avec tout leur équipement par une chaude journée. Mais ce n'est pas tout, l'eesentiel est qu'ils ont quitté la ville sans protection pour aller trouver l'ennemi qui lui se reposait. Est-ce une erreur française unique ? On, en reparlera. Française uniquement? En rapport avec nous ?

Sur d'autres graves erreurs et d'autres leçons nous parlerons plus tard.
La liste est encore longue comme l' importance de la terre (du territoire), l'aveuglement, la paralysie, la "onceptiion", le manque de prise de position, l'exagération dans la  défense statique, le prétexte du développement économique qui sauverait de la guerre etc...

Revenons maintenant à la voie principale du précis. Nous allons approfondir un élément fondamental de la stratégie et de la guerre: la ruse, la fraude et la tromperie.
Et les échecs, et le poker.

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La ruse (fraude et tromperie).
Quand on pense à la ruse, nous nous approchons automatiquement du monde des stratagèmes, de ces "petits trucs"" comme nous sommes habitués à les appeler.
Bien sûr qu'une connotation très négative est liée à la notion de ruse.
Nous pensons aussi que ces idées appartiennent à l'Extrême-Orient ou que le Moyen-Orient  est plein de gens rusés. Le mépris nous envahit.
Oy, à combien de préjugés imbéciles devons nous couper le tête.

Sun Tzu (I): «Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie." (il y revient plusieurs fois).
D'abord, nous avons vu que combattre, c'est la pire des solutions, et qu'on utilise les armes et la force uniquement lorsque pas le choix. La stratégie sert des intérêts politiques, qui peuvent être la plupart du temps résolus par la diplomatie.
Si nous ne réussissons pas, alors nous commençons à utiliser la ruse. Moralement, il est clair que c'est beaucoup mieux que d'envoyer des milliers de personnes sur le champ de  bataille et de mettre en danger la population civile.
En quoi ce serait beau, moral, intelligent de courir directement à la bataille ?

La ruse peut nous aider à éviter une guerre: nous créons un conflit diplomatique entre des alliés (nos adversaires), en les séparant comme dans le proverbe «diviser pour mieux régner."
Par exemple, discréditer par de fausses correspondances les ministres, les dirigeants et les sages de l'autre côté pour que nous puissions gagner facilement à l'avenir.
Nous entretenons le désordre politique chez l'ennemi, quand il s'agit d'un pays fort qui souhaite s'emparer de nos biens: payer des dirigeants locaux pour qu'ils s'abstiennent de  toute action militaire. Oui la coruption peut également empêcher une guerre!
L'utilisation ultime de la tromperie est d'éviter une solution violente, cette utilisation est bénie et des plus morales.

Le sujet gêne déjà les Grecs. Dans la notion de mètis et dans les mythes apparaît la contradiction entre l'utilisation de la force et celle de la ruse.
On peut remporter tout conflit de deux façons: soit vous êtes fort, soit vous pouvez influer sur les données par différents moyens afin de fausser l'équilibre des forces et donner la victoire à celui qui paraissait faible au début.

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Trick, truc, fraude, tromperie... 
J'ai gardé ces mots pour servir à la distinction entre ruse et stratagèmes - le niveau stratégique et le niveau tactique. De nombreux livres importants abordent le sujet, je rappelle simplement une gamme d'actions possibles.
La diversion n'en est qu'une seule.
La fuite est la dernière rappelée par les Chinois, elle est légitime, cf plus haut [la manœuvre].

En Français je reporte la présentation du sujet, voici les livres de base d'où les extraits en hébreu sont cités:
1 Frontin, Les Stratagèmes, Bibliothèque stratégique,Economica.
Excellente présentation et traduction de Pierre Laederich, riche bibliographie.
2 Les Trente-Six Stratagèmes, traduit du chinois et commenté par François Kircher,
 Rivages poche / Petite Bibliothèque, excellente présentation et riche d'explications.
On pourra compléter entre ruse et stratagèmes avec le livre de Pierre Fayard,
Comprendre et appliquer Sun Tzu; Polia Editions – Dunod qui essaye d'être clair.
Et puis je conseille d'entrer sur le site wengu.tartarie.com en Français et en Anglais.
  
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Morale
Bien sûr, chaque être humain équilibré haît la guerre, bien que tous ne condamnent toute forme de violence. Mais nous tombons ici facilement dans deux pièges principaux qui nous confondent.

A – Individuel et collectif
Je pourrais me référer au sacrifice d'Isaac connu de tous, pierre angulaire de l'histoire humaine en tant que fin de l'ère des sacrifices humains, en tous cas dénonciation du fait par ordre divin. Il est inspiration commune aux paroles des sages qui critiquent la guerre.
Il y a 2.400 ans en Asie du Sud-Est on savait aussi critiquer fermement les rois qui ne rêvaient qu'à faire la guerre sans véritable raison.
Voici par exemple le philosophe (prophète au sens biblique ?) Mu-Ti (ou Mu-Tzu). Après une sévère critique des résultats de toute guerre pour les deux adversaires, il accentue la critique contre l'attaque pour rien:
"Si un homme tue un innocent, lui dérobe ses vêtements, ainsi que sa lance et son épée, il commet un crime plus grave qu'en s'introduisant dans une étable ou dans une écurie pour y voler un boeuf ou un cheval. ...Mais lorsqu'il s'agit du meutre commis en attaquant un pays on n'y voit aucun mal; on applaudit et on parle de justice... Si un homme appelle noir ce quiest noir en se plaçant sur une petite échelle, mais appelle blanc ce qui est noir en se plaçant sur une grande échelle, alors c'est un homme qui n'est pas capable de distinguer le blanc du noir (=le bien du mal)..."
Ces propos n'ont pas plu aux rois de l'époque de la guerre des six royaumes, occupés à durer dans une période instable, pendant laquelle les petits royaumes se concentraient en plus grands, avec toujours le danger de la fin de l'indépendance et de la dynastie.

Alors avant tout séparons entre la conduite individuelle de chacun et celle de l'identité collective, la communauté (le Yishouv), l'Etat. L'homme est limité d'après les lois qui permettent l'existence d'une société avec des devoirs et des droits pour tous. Violence, justice, vengeance lui ont été retirés au profit de l'Etat et ainsi l'ordre social peut être établi et conservé.
Mais les Etats eux agissent dans le cadre d'intérêts politiques et économiques, et la justice première est de faire continuer l'existence souveraine viable. La diplomatie, les rapports de forces, les intérêts communs ou opposés, ces facteurs régissent la politique suivie et les normes.

Ce serait idéal si la justice mondiale et la paix universelle étaient la loi et la réalité.
Nous savons qu'il n'en est pas ainsi, le contraire est le réel.
En tant qu'hommes, citoyens, il est bon que nous continuions à rêver et espérer qu'un jour cela arrive, mais le chef d'Etat ne peut se permettre un seul instant de tomber dans le piège et d'emporter avec lui un pays entier.

Un maître qui nous a enseigné à voir le monde tel qu'il est et à nous conformer à lui, c'est bien sûr Machiavel (XV): "Mais la distance est si grande entre la façon dont on vit et celle dont on devrait vivre, que quiconque ferme les yeux sur ce qui est et ne veut voir que ce qui devrait être apprend plutôt à se perdre qu'à se conserver..." (XVIII): "C'est pourquoi un seigneur avisé ne peut, ne doit respecter sa parole si ce respect se retourne contre lui et que les motifs de sa promesse soient éteints."        

Je ne justifie évidemment pas le mensonge continu sur chaque sujet envers les citoyens. Je sépare entre les relations internationales et le régime intérieur. Face à nos voisins, dictatures menaçantes, la langue des intérêts - mis de côté l'amitié et le sentiment de proximité – est la langue convenable. La question au niveau des relations internationales demeure: " Qui peut faire quoi à qui ?" Langue de menace possible et d'intérêt réciproque.

Une négociation sur les lignes de cessez-le-feu, des accords de défense, des échanges de prisonniers (vivants ou non), voilà des sujets qui demandent un traitement "froid", pensé et calculé, sans tomber dans les pitiés dévastatrices. Les règles aussi doivent être très claires, et il n'est pas possible que des critères soient changés tout le temps d'après les circonstances intérieures ou la volonté des médias.

La séparation entre l'intérêt général et les tragédies familiales existe.

Le pire en revanche est de jouer avec les familles et de leur faire des promesses qu'on sait ne pas pouvoir tenir. C'est impardonnable.



Bien que nous soyons une démocratie et que nos citoyens puissent voter contre le régime politique en place (pas l'économique), notre pays utilise des espions, des forces spéciales, bombarde certains endroits, et les tribunaux ont autorisé (avec des limites drastiques) l'utilisation de certaines tortures dans des cas très limités liés à l'urgence. Du point de vue moral en théorie, ces moyens là ne sont pas "cacher", pas convenables. Alors où est au juste la frontière entre autorisé et interdit ?

Résumé en une phrase, la morale est d'abord le fait de l'individu, les Etats ont la politique, qui n'est pas forcément immorale. Nous arrivons au deuxième sujet. 



B - Morale d'intention et morale de résultats

Les lois morales de l'individu sont universelles (merci Kant) et dans l'ensemble éternelles fixes et connues. Mais dans les relations diplomatiques, les circonstances changent tout le temps. C'est pourquoi toute action doit coller aux circonstances de l'époque, il n'y a rien à retirer d'une explication détachée de la réalité telle qu'elle fut alors. Ce qu'il était obligé de faire hier peut être absolument impensable aujourd'hui. En politique aux conditions changeantes, l'utilisation de certains outils peut être bonne ou mauvaise, il n'y a pas de loi universelle concernant leur usage. C'est pourquoi il est bon de vérifier toute opération non pas par rapport aux désirs ou objectifs mais par rapport aux résultats. Etre un homme d'état demande une morale dirigée vers les résultats.

Exemples? Bombardements en Serbie, intervention musclée au Rwanda – ou au Darfour où ça continue dans le silence, chute des Talibans et invasion de l'Afghanistan.

Il y en a même qui soutiennent que les bombes atomiques sur le Japon en 1945 ont économisé des dizaines de milliers de morts sinon plus. Non pas qu'il y ait une seule réponse claire puisque l'histoire ne se refait pas; mais il y a des arguments qui confortent les idées. Meilleur ? Pire ?



Cela veut dire qu'il ne faut pas juger une opération à partir des intentions mais des résultats. Une opération justifiée par des résultats qui semblent a priori presque certains semble raisonnable. On peut comprendre par le rapport gain / coût également le côté moral, bien sûr en s'appuyant sur le résultat prévisible. Un homme d'état avisé doit être capable de comprendre même l'imprévisible, ce qui peut déraper en mal – ou même en bien.

Ce qui veut dire que lui aussi doit être capable de se comporter de façon imprévisible, qu 'il doit empêcher l'adversaire de prévoir ses réactions.

Exemple, sans rapport avec les résultats de la deuxième guerre du Liban (2006), il est clair que le Hizbollah fut surpris par l'entrée dans la guerre d'Israel. Ils savaient une riposte militaire évidente; pas d'une telle envergure et escalade. Le fait que "le maître de maison a eu un coup de folie" (traduction de l'expression en hébreu), ne leur donne pas la possibilité de prévoir à coup sûr une future riposte. Ils ont pu calculer, jauger, mais pas plus.

Autre exemple. Le président Roosevelt a usé de manipulation avec le Congrès américain qui ne voulait pas s'engager dans ce qui arrivait en Europe au début de la Seconde Guerre Mondiale. Il a alors menti au Congrès et grâce à cela les Etats-Unis ont envoyé des armes en Angleterre, devenant ainsi de fait l'allié des démocraties.
Et que dire des opérations menées par le Roi Hussein de Jordanie en Septembre 1970 ? Il a conservé son royaume indépendant et son trône, évité la guerre civile et l'établissement d'un régime encore plus corrompu et dictatorial (ce n'est pas que mon avis). Mais il n'a pas tué plus que nécessaire contrairement à des dictateurs comme Franco, Pinochet, comme au Timor oriental ou en Indonésie (la liste est longue).         

Au bout du compte, lorsque nous jugeons une action militaire, nous comparons coût et gain, les buts poursuivis et si nous les avons atteints; et si après l'action, les décisions originelles ont été prises de façon sensée et logique.
"Une bonne politique est mesurée à son efficacité" (et non pas d'après des idéaux), ainsi conclut Raymond Aron.    

Nous sommes en Israel confrontés à un difficile dilemme: comment combattre efficacement contre des forces violentes dans des territoires sous anarchie ("libanisés") ou une guerilla urbaine ? Comment frapper les dirigeants du Hamas lorsqu'ils se cachent dans les hopitaux au milieu des malades? Il n'y a pas de guerre propre. Oui mais, il y a des guerres justifiées sinon justes.

C – Guerre justifiée ou superflue 
Il y a un consensus général parmi les Israéliens pour justifier les premières guerres du pays: celle du Yishouv, la guerre d'indépendance, les 6 jours, la guerre du Kippour. Nous comprenons d'instinct que c'étaient des guerre de pas le choix.
Les choses ont changé avec le (première) guerre du Liban. Là Ariel Sharon a continué la politique avec les armes comme Clausewitz l'a défini: (I-24) la guerre est "un véritable instrument politique, une poursuite des relations politiques, une réalisation de celles-ci par d'autres moyens".
Pour une démocratie et pour une culture comme la nôtre, utiliser Tsahal et la vie des soldats pour des buts politiques – et non de défense stricto sensu, et de plus pas garanties, c'est inadmissible. Il est évident que l'ennemi ne considère pas son opinion publique comme nos dirigeants doivent le faire et que pour Yasser Arafat alors les Palestiniens n'étaient que de la chair à canon (face à l'objectif sacré de la destruction de l'Etat des Juifs).

Aucun doute sur le fait que l'interdit sur cette façon d'utiliser l'armée nous affaiblit sur le plan stratégique à cause de la paralysie engendrée par la peur de recruter et d'utiliser des forces pour des buts politiques; pas seulement dans un but de défense.
D'un autre côté cela nous renforce en tant que porteurs d'une position morale / culturelle plus haute que celle de nos voisins; mais cela limite notre possibilité de manoeuvre politique.

Face au "pas le choix", nous mettons en face toutes les guerres faites au nom de l'attaque uniquement, pour la fierté nationale, le renforcement du régime à l'intérieur, le prestige.
Les  stratèges chinois, lorsqu'ils évoquent les traits de caractère du leader, insistent toujours sur son sang-froid et l'imperméabilité à des élans dûs au respect. Ils méprisent le leader qui part à la guerre pour cause de colère, un besoin de vengeance, un manque de contrôle de soi ou pour la soif de gloire. Même s'ils gagnent (la majorité perd) ils ne sont que des bouchers gratuits et des criminels.

En résumé, il faut différencier entre la morale individuelle et la collective, entre les intentions et les résultats. Il y a des guerres justement à faire, qu'il nous faut mener avec les outils existants et tous ne sont pas beaux à voir. Les buts sont légitimes pour arriver à une situation meilleure des populations.    

23
Les développements de la guerre
Je fais dans ce chapitre un survol rapide et simplifié de certains sujets liés à la pratique de la guerre, pour donner au lecteur une perspective supplémentaire quant à ses transformations.

1. Avant tout, nous avons vu que la stratégie militaire s'occupait à l'origine pour l'essentiel de 3 sujets: le mouvement des troupes, la direction générale de la guerre, l'organisation de la défense du pays. Avec le temps elle s'est élargie pour rassembler l'ensemble des opérations, de façon organisée et budgétisée, afin de réaliser un certain objectif.
Souviens-toi: il y a stratégie car il y a but politique. L'Etat, le gouvernement, organise toutes les forces du pays (armée, ressources et économie, psychologie et moral des populations) dans une stratégie entière, générale. Deux qualifiants importants: le côté général et le conflit entre les identités qui se combattent jusqu'à leur existence (dans les cas extrême qui est très rare). La gestion des ressources s'est transformée avec la Révolution Française qui a établi pour la première fois le recrutement de masse et des citoyens: plus de mercenaires ou de soldats du roi; plus d'armées limitées. C'est cette force immense qui a apeuré les régimes monarchiques européens qui se sont ligués contre elle.

2. Depuis cette époque nous sommes entrés dans l'ère moderne du conflit, qui se prolongera après même l'entrée dans l'ère nucléaire.
Le but militaire pour forcer l'ennemi à exécuter notre volonté: empêcher la possibilité pour lui de continuer à combattre. C'est possible uniquement si nous arrivons à toucher son centre de gravité, entre trois possibilités: occupation de la capitale, occupation d'une partie importante de son territoire; et préférable aux deux premières, l'anéantissement de sa force armée.

3. Le centre de gravité. Chaque entité possède un ou plusieurs centres de gravité.    
L'occupation ou la destruction de ces centres peut signifier la fin de la geste violente et la défaite. Ce peut être la capitale lorsqu'irremplaçable, la destruction du commandement suprême ou des autorités des ennemis, les usines d'armement ou les lignes d'approvisionnement vitales, une partie critique de l'armée pour combattre.

Chaque organisation, chaque pays est composé de façon unique, faite de points reliés entre eux par des liens; et en leur milieu un point essentiel qui sert de colonne vertébrale. Si ce point cède, tout le tissu se défait et tout peut s'écrouler. Ce n'est pas pour rien que le Hizbollah (Arafat aussi) nous décrit comme une toile d'araignée. Ils sont persuadés que les liens entre nous (intranationaux), ceux qui "tiennent" la société israélienne sont faibles, fragiles.
Quel est notre centre de gravité ? Jérusalem ? Tel Aviv ? une tuerie de masse ?

Je n'ai pas encore parlé du côté psychologique de la guerre mais le centre de gravité peut certainement être psychologique. Alors, lorsqu'il tombe, lorsque n'apparaît aucune possibilité de correction, on "sent" la perte, la défaite, et on se rend.
Une réaction physique influe directement sur la force mentale d'opposition.
Dans la guerre classique, il est relativement facile d'identifier les centres de gravité.
Le plus grand d'entre eux est la force armée de l'adversaire que nous devons neutraliser / éliminer. Dans l'ordre de priorité, après le centre de gravité il y a les points névralgiques.

4. Il est d'usage de simplifier la différence des armes entre celles du feu et celles du choc. Le choc est identifié au duel comme corps contre corps avec la force du bras comme base originelle. Bâton, épée, couteau, lance.
L'arme du feu permet de toucher à distance, sans contact proche et danger immédiat. L'arme première est l'arc ou la fronde. Un orage de flêches pouvait dans de bonnes conditions faire des ravages chez l'ennemi, briser ses lignes et sa capacité d'avancer efficacement et utilement avant le contact. Le choc et le feu ont connu tour à tour leur heure de gloire et de prépondérance l'un au détriment de l'autre et les débats furent énergiques entre les partisans de l'un et de l'autre. L'arbalète, le bâton, la poudre et les explosifs, l'arrivée d'éléphants, les catapultes puis les fusils puis l'artillerie, les canons y compris sur les navires, les bombardiers jusqu'au chimique (le gaz moutarde)... ne sont qu'une partie de l'évolution de ces deux sortes principales d'armes.

5. Face aux transformations des sortes et des qualités d'armes,  ont changé aussi les lois du mouvement des troupes et de leur déploiement; avant la bataille, pendant, et leurs positions entre celles-ci. Il faut se rappeler que jusqu'à la naissance du chemin de fer au dix-neuvième siècle, l'infanterie allait principalement à pied et il y avait une limite physique connue quant aux distances faisables en temps donné. Napoléon fut le premier connu à pousser ces limites au-dessus des chiffres habituels. La Prusse et la Russie furent les premières à utiliser le chemin de fer avec succès.
A Verdun en 1916 les Français utilisent massivement tous les moyens de transport possibles (autos, camions, autobus). 

6. Au-delà du mouvement (c'est à dire de la manoeuvre), les grandes discussions entre les stratèges portaient sur la création de lignes de bataille; ou bien du besoin au contraire de former des colonnes toute la voie jusqu'au champ de bataille. Arriver avec plusieurs  colonnes qui se fondent soudain en un assaut rapide comme un poing fort et serré et cassent les larges – mais peu profondes - lignes ennemies donne un avantage énorme.

Combien de débats ont eu lieu et combien de gens (sérieux) ont cherché à trouver des formules scientifiques sur ce seul sujet.   
Ce genre de débat perdure car il peut transcender des changements techniques.
L'erreur est de chercher des formules face à des circonstances changeantes.

7. A cause des changements dans la qualité des armes et les progrès techniques, les armées se sont transformées au point que des forces ont disparu comme la cavalerie, à part pour le maintien de l'ordre et la parade aux jours de fête. (D'autres sont apparus: sous-marins, portes-avions, satellites, DCA...).

Le débat stratégique s'est enrichi de nouveaux points de vue: les blindés s'ajoutent au choc  et au feu. Autre point important, le débat sur la grandeur des forces et leur organisation nouvelle: création de corps d'armée, de divisions, des armées "en miniature" comprenant toutes les armes et les types de forces, capables de lutter en tant que force organique.
Cela bien entendu alors qu'il faut toujours être capable d'en réunir plusieurs en temps limité face à des forces inférieures de l'ennemi.

8. Tous ces changements et cette expérience, après des milliers d'années, ont amené les stratèges à abandonner l'idée du fort retranché comme outil utile. Cela a pris du temps, et n'oublions pas que les armes modernes sont bien plus meurtrières que les anciennes. On peut survivre dans un bunker, guère plus.
Les chateux-forts et les bastions avaient des armes souvent redoutables, et pourtant ils sont tous tombés. Massada, Alamut, Byzance, les défenses de Vauban, toutes ont fini par tomber. L'aviation, les nouvelles bombes, il n'y a même plus de continent sûr et isolé.
Même des lignes superbes comme la ligne Maginot ou la ligne Bar-Lev. Ces données renforcent l'avantage de l'attaque par rapport à la défense: il n'y a pas d'endroit défendable en toutes circonstances, tout le temps, et évidemment à n'importe quel prix.
Dicton militaire: "Les forts sont les cimetières des armées."

Nous revenons alors à l'importance de la manoeuvre, qui nous oblige à mouvoir les forces vers l'objectif, avant que l'adversaire arrive à le faire avant nous.

9. Avec le temps, le progrès technologique et les empires modernes, des sujets comme la stratégie maritime ou aérienne sont bien sûr arrivés dans le débat. Rien que grâce à leur  stratégie maritime, active et innovante, le Royaume-Uni puis les Etats-Unis ont pu être les leaders mondiaux. L'amiral américain Mahan a établi en pionnier la stratégie maritime comme autonome de la stratégie classique (continentale essentiellement) autour des années 1890. Pendant la Première Guerre Mondiale l'aviation n'en était encore qu'à ses balbutiements. Vingt ans plus tard la Bataille (aérienne) d'Angleterre a sauvé l'Humanité.
Et ce fut de très peu.


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Le besoin d'équilibre. En Chine comme en Europe des centaines d'années, le but principal des puissances fut de conserver un certain équilibre des forces entre elles, comme cet équilibre de la terreur qui exista entre les Etats-Unis et l'URSS. Il était interdit qu'un  royaume devienne trop puissant dans sa zone géographique et menace ses voisins. La paix est en fait un cessez-le-feu, très long parfois, jusqu'à ce qu'un côté ressente, justement ou non, assez fort pour attaquer. Le calcul froid et raisonné du coût contre avantage est le facteur qui évite la plupart des guerres
En tous cas cela fonctionne avec des dirigeants équilibrés
Plus encore, conserver l'équilibre implique de ne pas chercher la guerre trop vite. Tu peux être plus fort que le voisin, mais le troisième voisin se renforcera sur le compte des deux belligérants
J'ai préféré ignorer certains sujets qui convenaient à ce chapitre, j'ai préféré me borner à rappeler la dynamique des manifestations de la guerre et de la stratégie dans le monde et dans le temps.
Nous avons vu les composants principaux: ruse, morale, mais nous n'avons pas encore  assez intériorisé, et cela en toute connaissance de cause, un aspect essentiel de la guerre, l'aspect psychologique
Les stratèges diront, les exemples historiques le prouveront aussi, que le seul nombre ne fixe pas à l'avance qui gagnera; mais aussi la qualité avec en elle la situation psychologique, la force d'âme et la capacite de "tenir" des populations civiles et militaires. 

D. L'ASPECT PSYCHOLOGIQUE DE LA GUERRE  

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Psychologie et moral (La guerre psychologique)
En tant qu'opération humaine, la guerre est dépendante des forces qui sont en nous: le moral, l'humeur, le courage, la peur, la prudence, la vanité, la colère, la vengeance...
C'est important à tous les degrés de commandement jusqu'au plus simple des combattants.
Ca l'est encore plus aux conditions extrêmes des combats.

"Les Spartiates ne demandent pas combien sont les ennemis, ils demandent -Où sont-ils ?"
(Agis II de Sparte)
"Je suis votre roi, vous êtes Français. L'ennemi est là-bas. Chargez !" (Henri IV) 
"Un soldat dit à Pélopidas: "Nous sommes entre les griffes de nos ennemis !" Pélopidas répondit: "Pourquoi serions-nous davantage entre leurs griffes qu'ils ne le sont entre les notres ?" (Plutarque) 

Clausewitz: "La guerre est la sphère du danger, aussi le courage est-il la vertu guerrière par excellence... (Clausewitz décrit différentes sortes de courage)...La guerre est le domaine de l'effort et de la souffrance physique. Pour pouvoir résister il faut une certaine force physique et morale... La guerre est le domaine de l'incertitude... La vue déchirante de la souffrance et du danger éveille des sentiments qui dominent facilement les convictions intellectuelles..."
En 1805 déjà Clausewitz insiste sur la primauté des facteurs non matériels mais moraux. Contre ses homologues de l'époque, il s'éloigne des formules géométriques et il insiste sur les gens et les forces qui sont en eux.
 

Pour lui, il y a des facteurs numériques, techniques, comme la grandeur des forces armées, la situation du matériel; mais ils ne sont pas les seuls et les éléments moraux peuvent fixer - au moins tant qu'il n'y a pas de bataille décisive (là oui la grandeur en général prévaut si le centre de gravité est touché). Dans la tactique immédiate la grandeur physique peut prévaloir, dans la stratégie, non. On ne peut rendre comptable tous les éléments de la guerre, c'est pourquoi on ne peut avoir de formules pour une victoire sûre.

Vrai, on ne peut mesurer de façon scientifique un certain degré de moral, mais nous devons prendre ces données en compte. Clausewitz sépare même la spécificité guerrière du soldat du courage régulier. Cette spécificité est une puissance morale mesurable. Une armée qui ressent ce courage guerrier est prête à souffrir au-delà du normal et à perdre des batailles difficiles sans pour cela se laisser abattre.


La stratégie et la guerre, nous l'avons vu, agissent dans le cadre d'un brouillard d'inconnu, avec une friction perpétuelle qui empêchent d'avancer, dans un danger mortel pour tout participant, tout le temps sous le danger des ruses. On ne peut vivre et agir dans ce monde-là dans le refus d'accepter la présence du facteur psychologique qui dirige plus qu'une fois nos actions.
Contre l'ancienne théorie économique (idiote) qui disait que l'individu vérifie les options et choisit d'après une logique économique pure, dans le monde financier aussi le consommateur n'obéit pas moins à ses sentiments et instincts.     
A la guerre c'est beaucoup plus intense: toutes les conditions sont extrèmes, et les courants qui nous influencent sont beaucoup plus intenses.

Sun Zu: "Le bien est lorsque les troupes demandent le combat et non la victoire, car les forces qui demandent le combat savent qu'elles se sont entrainées et préparées mais ce sont  la paresse et l'arrogance qui demandent la victoire et entrainent la défaite".

La guerre psychologique rassemble l'utilisation de tous les moyens qui influent sur le moral, sur les états d'âme. Parmi ces éléments entre autres: mensonge et messages contradictoires, manipulations fines et grossières, pression psychologique sur l'individu et l'opinion publique, son utilisation pour créer des fissures de l'autre côté et essentiel, une fissure aussi dans l'esprit du commandant supérieur ennemi.
Et que ce soit clair, tout est casher, permis, légitime.
(Si je devais retenir d'Arafat quelque chose, ce serait bien ça).

Exemple criant: Arafat a signé les accords de Camp David et savait, et il l'a dit le matin même de la signature à la Maison-Blanche à son noyau proche, que ce n'est qu'un moyen temporaire pour obtenir reconnaissance et terrain. Il n'entendait pas une seconde concrétiser cet accord , mais quelle importance ? 
L'important c'est qu'au début il a reçu ce qu'il désirait et c'est pourquoi c'était légitime. Oui cher lecteur, absorbe bien cela, c'était légitime et bien car cela allait de pair avec sa stratégie,avec ses buts. Il n'y a rien de plus légitime que cela.

Le problème (à mon avis) n'était pas chez lui mais dans l'aveuglement (voir plus bas) de nos dirigeants (et des américains). Le respect des accords contre une stratégie à long terme ?
La question de savoir quoi choisir entre les deux est tout simplement superflue, rhétorique. 



Puisque je crois que mon lecteur considère comme évident l'importance du facteur psychologique dans la guerre et la stratégie, on peut avancer. Avant que l'on arrive aux phénomènes de la guerre psychologique, nous nous attarderons un peu sur les erreurs qui naissent avant la campagne physique elle-même. Dit simplement: comment pouvons-nous par nous-mêmes endommager cette campagne.
   
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Conceptions
Oui, il nous faut nous arrêter un moment sur un élément problématique qui conduit à des échecs énormes et qui s'appréhendent, après l'action, comme manque de pensée logique et d'intériorisation des enseignements de l'Histoire – dans le meilleur des cas – et comme immense et criminelle connerie – dans le pire des cas.

Bien sûr, chaque armée a sa doctrine qui rassemble un ensemble de principes basiques,  lesquels dirigent le mouvement des troupes. L'Etat d'Israel avait du temps de Ben Gurion trois principes qui fixaient la direction du conflit militaire: 1§ Amener le champ de bataille le plus loin possible du territoire exigu de l'Etat. 2§ Attaquer le premier de façon préventive qui pourra créer un équilibre le temps de recruter les réservistes et d'équilibrer les forces en présence; cette première frappe doit être importante. 3§ Ne pas attaquer sans le soutien d'une au moins des super puissances (à l'époque USA ou URSS). En 1967 ce dernier principe n'a pas été pris en compte.

Je définis le mot conception comme une vision du monde au-dessus de la doctrine, comme son inspiratrice. Lorsque le monde n'est pas analysé correctement, alors toute la chaîne dérive. Une conception c'est par exemple "l'Egypte et la Syrie n'attaqueront pas sans la Jordanie", "Une bonne défense suffit à empêcher une attaque surprise","Ils n'oseront pas, ils savent qu'ils n'ont aucune chance","Ce dirigeant est trop faible pour prendre des risques"...    

Bien sûr que chaque Etat ordonné avec une armée ordonnée doit entretenir une certaine doctrine, mais celle-ci change avec le temps, et par dessus tout elle est générale et ne rentre pas dans les détails. De plus, elle n'empêche pas l'expression d'opinions ni le débat. (Contre la pensée unique)
Et Clausewitz et Sun Zu soulignent le besoin de souplesse, tous deux nous mettent en garde contre le dogmatisme, contre un ensemble de principes trop fixe. Puisque la guerre est un duel dépendant de beaucoup de hasard et de chance, il n'y a pas de système unique bon et éternel.
Par exemple, d'après la situation des armes dans l'histoire, il y eut des périodes pendant lesquelles l'avantage était à la défense, et d'autres avec la primauté à l'attaquant.

Mais la conception peut être déficiente aussi parce qu'on ne l'a pas appliquée jusqu'au bout: par exemple la ligne Bar-Lev le jour du Kippour (1973) n'était pas pleine en personnel et en matériel d'après les normes fixées. Autre conception dans l'erreur, pendant la deuxième guerre du Liban (2006), l'importance démesurée donnée à l'armée de l'air malgré son incapacité à créer par elle seule la décision.
N'aie aucune crainte cher lecteur, l'Histoire est bourrée de déficiences de pensée dans la direction de campagnes. 


Une erreur conceptuelle n'est pas forcément militaire, dans le champ politique qui est le supérieur et le dominant, on ne se trompe pas moins. Le manque de compréhension dans la lecture des événements autour de nous surprend et attire les catastrophes. Saddam Hussein pensait finir vite en Iran lorsqu'il a attaqué. Cela a pris sept ans, une immense destruction, un match nul. Il a recommencé la même erreur avec Koweit.

Dans mon esprit les accords d'Oslo rentrent dans cette même catégorie car il fut signé avec quelqu'un qui était habitué à violer les accords. Les services de renseignement israéliens ne nous ont pas donné leur véritable avis sur ces accords (si je me trompe et qu'ils ont oui exprimé leur opinion, alors quelqu'un a endommagé l'intérêt national). Cela dit sans même  entrer dans le texte et dans le fait qu'il est un accord-cadre général et superficiel.
L'important (ici) était que rien ne bougera sans Arafat, le représentant unique des Palestiniens. Donc on signe avec lui, même si c'est mal. 

Ici aussi l'Histoire est remplie d'échecs qui devraient s'appeler "l'expérience". 

Comment en est-on arrivé à cette situation? Parce qu'avec ou sans débat en général, domine, même dans les démocraties, une "pensée unique" qui tait dans les instants critiques toutes les autres idées. En général cette pensée est le fruit d'une équipe au pouvoir, et les média augmentent son pouvoir ou bien n'arrivent pas à s'y opposer. La pensée unique est la source de l'atmosphère d'aveuglement avant la guerre physique.
 

Nous nous basons sur des spécialistes qui ne comprennent pas toujours eux-mêmes les faits, se disputent entre eux jusqu'à la mise sous silence de toute opinion différente – jusque dans l'Etat-Major.

Conception erronée le jour du Kippour, dans la création des accord d'Oslo, dans la direction de la deuxième guerre du Liban, sont parmi les plus flagrants des cas de folie qui nous font tomber dans l'abîme. Heureusement qu'"eux" aussi se fourvoient!  
S'il te plait cher citoyen, lorsqu'une seule conception existe, la pensée unique, qui s'appelle aussi la pensée majoritaire, commence à avoir peur et à vérifier par toi-même. Comment dit-on après coup? C'était "écrit sur le mur". Peu importe le côté politique d'où ça vient.

Avec Oslo une petite équipe de gens a pris les rênes du pouvoir et a réalisé des processus  décisifs. En entrant au Liban en 1981 Ariel Sharon avait fait de même avec le mensonge des 40 kilomètres. Je ne m'intéresse pas ici à la pureté des intentions, je reviens à la comparaison entre morale des intentions et morale des résultats, et aussi sur la façon de prendre le contrôle des décisions. Une petite équipe militante entraine des décisions fatales par surprise, cela sans l'expression du peuple et une discussion sérieuse.   
 

Contre de telles dérives nous devons identifier des symptomes et nous opposer.
Comment ? Dans toute organisation, de toute grandeur, de l'individu jusqu'à l'Etat existe un consensus sur des principes et des lois. Même s'il est permis de penser autrement, la majorité reçoit ces lois en silence. Soudain, une petite minorité agissante arrive à se faire entendre, défendre des idées opposées et la majorité reste silencieuse. En fait c'est comme cela que les démocraties fonctionnent en vérité.


Lorsqu'un groupe arrive à imposer à la majorité des idées qui semblent absurdes ou dangereuses, il y a des systèmes de défense qui s'opposent. Lorsque ces systèmes là sont paralysés, ou bien leur voix n'est pas entendue – en toute connaissance de cause ou non – il n'y a quasiment plus de limite au pouvoir de la minorité. Son opinion devient celle (au moins le paraît-elle) de la majorité.

Cette situation ne peut se produire que lorsque cette idée, et ses conclusions naturelles, rejoignent celles de groupes différents et même rivaux. Exemple: la position française face au conflit israélo-palestinien ou la guerre en Irak.
Quarante années de lavage de cerveau, une minorité arabo-islamique proche des 20% de la population, un héritage plus qu'ancien d'antisémitisme de gauche et de droite, une propagande palestinienne forte et établie depuis des années, soutenue par la grande majorité des médias et des hommes d'affaires liés au régime; tout cela réuni a construit une position de départ avec des des conclusions claires. Un mensonge prolongé devient naturellement la vérité.

En Israel le consensus est fondé sur notre volonté de paix, sur laquelle s'est greffée par exemple la forte croyance que sans processus de paix il n'y a pas de développement (et cela justifie qu'il n'y aurait pas de raison par exemple de faire le nettoyage dans la façon de diriger l'Etat). Il est passé graduellement à la compréhension du "besoin" d'un Etat palestinien. Il a grandi enfin dans la compréhension que les implantations en Judée-samarie sont un obstacle à la paix. 
Il s'est intensifié lorsqu'on a cru que la profondeur de la paix serait en proportion de la profondeur des retraits. 
 

Je ne dis pas qu'une partie des déclarations n'est pas vraie, au moins dans le description de la situation. Ma volonté n'est pas de prendre position, nous ne sommes pas encore arrivés aux conclusions dans la liste des idées. Avec cela, il faut comprendre que même avec toute expression qui s'entend (aux oreilles) harmonieusement, il y a des résultats directs et la création d'une situation différente après discours et actes.
Encore un point, que nous soulignerons plus tard: l'ennemi "nous aide" à construire des conceptions fausses, il sait les renforcer.

Les acccords d'Oslo se sont basés sur des principes clairs: nous ferons un accord avec l'OLP car elle seule peut faire la paix – et nous ne vérifierons pas trop quelles sont leurs intentions. Chercher sous le lampadaire.

On peut corriger: changer simplement de direction après que nous comprenons ou découvrons le vrai plan de l'ennemi, ou la vraie situation sur le terrain. Le pire est de continuer dans l'erreur en connaissance de cause pour défendre les amis, les idées que nous avons présentées et notre croyance en elles.
Bien qu'il soit important de tenir la ligne des objectifs, les circonstances évoluant demandent de la flexibilité, pas seulement physique mais aussi dans la pensée. Il vaut mieux changer pendant le mouvement plutôt que de ne rien changer du tout, le prix est bien plus faible que d'attendre les mauvais résultats.


Revenons au champ psychologique pendant la campagne active. Nous aurons besoin de nous souvenir de ce qui est écrit dans les prochains passages jusqu'au bout du précis. Voici plusieurs sortes typiques d'éléments de guerre psychologique. L'important n'est pas ici dans la séparation entre les sujets, que chacun pourra changer à son loisir, mais dans la présentation de la large variété des phénomènes. Les sujets lourds seront traités séparément plus tard.

Dangers internes, où comment se frapper tout seul
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Aveuglement
Je veux dire cet auto-aveuglement face aux faits ou aux leçons de l'Histoire, considérer une chose illogique comme si elle était une évidence.
Je rappelais plus tôt les lignes de défense. L'histoire de la Ligne Maginot est un exemple classique d'une conception erronée qui ne correspondait plus aux nouvelles conditions (les blindés). Une pensée peut-être juste en 1920, une erreur en 1940. 
Pendant la première guerre mondiale la doctrine était qu'il fallait attaquer, que l'attaque puissante est la voie vers la victoire. La guerre, avec presque aucun réel changement quatre ans durant sur le front (occidental), avec l'importance de la défense a renversé les cartes.

L'etat-Major français, qui voulait éviter les catastrophes de cette précédente guerre, s'est rangé du côté de l'avantage à la défense. Comme outil de défense, quoi de mieux qu'une ligne immense, richement équipée, pour contrer toute attaque ? L'existence de cette ligne devait en fait décourager d'avance toute pensée allemande d'attaque contre la France.
Encore une fois on regardait une guerre en arrière, la précédente, au lieu de penser la prochaine.
Des immenses investissements financiers, la fierté nationale et l'arrogance, de l'Etat–Major, des politiciens qui adoraient s'y faire photographier, la technologie avancée (d'alors), le même pensée unique sur le besoin de... Tout cela pourquoi ? En Mai 1940 en quelques jours les blindés allemands dépassent la ligne et entrent en France qui se décompose.
Seulement de Gaulle s'était opposé sur le sujet à la pensée unique en demandant un effort supplémentaire et une autre partition des forces.     
                                                                                                                                                      
L'illusion d'une "faible probabilité" face aux alertes claires données par le bon roi et bon voisin qui alerta Golda Meir. Est-ce que l'illusion de la "transmission de messages" à travers certains bombardements très ciblés vaut plus ? L'importance de la capacité d'absorption (de coups), du besoin de petites frappes qui coûtent des vies: ainsi nous sommes rentrés à Naplouse et à Jennin et nous avons perdu de trop nombreux soldats.
Non seulement la propagande ennemie a inventé un massacre (pour un vrai cf la Syrie de 2011-2012), mais nous n'avons pas nettoyé le terrain convenablement avant d' y entrer.

Napoléon s'est trompé lorsqu'il a couru vers Moscou et n'a pas réussi à soumettre Koutouzov. La place était trop loin de ses bases et de son centre logistique. La distance était énorme et le froid meurtrier.
Avec le chemin de fer et un équipement moderne, 130 ans plus tard, Hitler court vers le même but, malgré tous les avertissements, et lui aussi fut contraint d'arrêter. Même lorsqu'il fut possible de reculer à Stalingrad et de sauver des dizaines de milliers de soldats, il interdit à ses forces de reculer et pour la première fois le Troisième Reich perdit la bataille.

Exemple politique d'aveuglement: l'essai pathétique de la grande bourgeoisie allemande d'acheter le régime de Hitler. Ils le soutinrent financièrement dans l'idée de lui acheter un  "calme industriel". Rien n'y fit.

Sur toute la route avec Yasser Arafat nous nous sommes mentis. Non pas que certaines personnes n'ont pas parlé et souligné combien la situation n'avait pas changé selon les bons voeux de nos gens à Oslo. 
Mais on n'a pas donné assez de place à d'autres opinions, on a méprisé ces personnes, et comme dans la plupart des cas on a pris comme portes-parole des gens interessés ou extrémistes qui ont complètement "descendu" par avance les arguments des critiques.  



L'affaire Mouhamad Def: le Premier Ministre israélien (alors Shimon Pérès) accompagné du chef du Renseignement Militaire rencontre Arafat. Le Renseignement confirme que le terroriste recherché Mouhamad Def est bien chez Arafat. Pérès demande pourquoi il est chez lui. Arafat leur demande – avec innocence – "Mouhamad qui?", comme si il ne savait pas de qui on parle.
Notre Premier Ministre se tait et ne réagit pas avec force contre ce mensonge délibéré.
Ainsi nous sommes vus par l'ennemi; pourquoi se gènerait-il à nous frapper si nous sommes si ridicules? Nous sommes forts?

Le proverbe est "on te crache dessus et tu dis qu'il pleut". C'est ce qu'a dit alors Shimon Pérès, c'est ce qu'on dit ces mêmes officiers de Tsahal, c'est ce qu'a dit son successeur au poste de Premier Ministre (Benyamin Netanyaou) lorsqu'il prétendit avoir trouvé en Yasser Arafat un ami – et nous avec eux. Cette volonté intense de (tous) les leaders israéliens de recevoir un crachat de plus d'Arafat a continué jusqu'à la riposte de l'opération Homat Magen (muraille de défense – Mars 2001) et les actions d'Ariel Sharon.

Arafat parla pour la première fois et on ne voulut pas l'écouter. C'était en République Sud-Africaine, peu de temps après la signature des accords d'Oslo. Il rappelait une leçon de  l'histoire de l'Islam avec un accord signé rien que pour mieux se préparer à la victoire finale (ce qui est vrai en général). Combien de personnes nous ont alors présenté l'importance de ces faits? Benny Begin essaya seul de nous prévenir. Parce qu'il est assimilé à la droite on n'a pas voulu donner l'importance due à ses alarmes.
Les défenseurs d'Oslo ont soutenu que les dires d'Arafat l'avaient été en secret, pas en public. Comme si cela justifiait ou pondérait les explications d'Arafat.  

La justification absurde était qu'Arafat devait parler ainsi à son peuple pour le calmer, qu'il faudrait beaucoup de temps pour qu'il parvienne à changer leur opinion. Et alors? Ou bien il est un leader et son rôle est de diriger, d'enseigner, d'expliquer, même si c'est à contre-courant. Ou bien il leur dit – à eux - la vérité, ce qu'il pense vraiment.
 

Sa vérité exprimée en arabe il ne l'a jamais changée. En Anglais, il savait toujours dire ce que l'Occident voulait entendre (monnaie de singe est l'expression adéquate).
Il savait toujours condamner tout attentat, en fait il n'y a sans doute pas eu d'autre dirigeant au monde qui a condamné des attentats contre nous comme il les a condamnés et en même temps, en a financé la plupart.


Tout le temps Arafat disait les mêmes choses, agissait, enseignait et utilisait les médias pour sa propagande vers la même direction. Nous aussi mais en sens inverse. Le sujet de l'éducation est ici essentiel et critique.
En Israel, le ministre, professeur instruit, court déclarer la prochaine année scolaire comme "l'année de la paix" et ainsi eut lieu l'année de la paix. Quelle belle chose! La paix c'est bien, c'est pratique, moral, esthétique, normal, fantastique, indispensable, ravissant.
Tous les écoliers israéliens ont écrit, chanté, dansé, joué des piécettes de théâtre sur la paix.
Ivres nous étions.

De l'autre côté? Exercice d'arithmétique de classe élémentaire: "J'arrive à Haifa occupée, entre dans le magasin. Il y a 10 juifs, j'en tue 6, combien en reste-t-il?" L'Autorité a distribué les livres, organisé le programme scolaire, dirige les programmes radio et télévision. Dans les livres aucun signe de l'existence d'Israel, de son existence ou de son droit à l'existence, au Peuple Juif. Rien! Bien entendu pas besoin de s'occuper des programmes scolaires du Hamas et de ses organisations para-militaires de jeunesse.   
Qui vérifie aujourd'hui Abou Mazen? Sa conduite dans le discours est la même qu'Arafat.

Ce défaitisme honteux ne savait pas de limite lorsqu'il décrivait les déserteurs, avec plein soutien, comme si la conscience de la nation, comme si les derniers justes, jusqu'au moment où la radio "Galey Palestine" elle-même est redevenue "Galey Tsahal", la radio de l'armée, seulement à cause de la recrudescence des attentats.
C'est vrai, il est important de dire la vérité, ou au moins de donner – honnètement – à chacun de dire sa part de vérité. Mais tomber à ce point dans le masochisme exagéré, c'est donner à l'ennemi le fondement de croire dans ses espoirs que nous tomberons de l'intérieur.
 
Nous sommes les champions des discussions, et l'ennemi qui nous regarde n'arrive pas à  croire comme c'est facile de miser sur une décomposition interne de L'Etat. 
STP cher lecteur, souviens-toi que c'est sur cela qu'Arafat a misé en lançant la deuxième  intifada. (Nasrallah ne pensait pas autrement, spécialement en 2006).
Combien fut-il surpris lorsque nous avons commencé à relever la tête et à riposter. Combien de déserteurs ou de manifestants pour la paix de l'autre côté? Pour être un héros, la seule question est "combien de juifs tuer?".


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Autres dangers internes
Auto-paralysie 
Après les élections de 2001, lorsque nous sommes passés à un gouvernement d'union nationale, nous avons vu en haut de l'échelle du pouvoir deux organismes qui fonctionnent en parallèle.
* Le premier essaie et commence à faire bouger la tête du régime ennemi, Yasser Arafat, et le sort lentement de sa légitimité et de son pouvoir absolu. Des personnes censées commencent à comprendre qu'il est de façon systématique resté le chef d'un gang de terroristes. Des états occidentaux eux-mêmes qui étaient habitués à s'humilier pour sa cause commencent à se mesurer aux faits.
* Le second essaie encore de le défendre à tout prix, à tenter de le conserver pour que, à un moment donné (qui viendra, qui doit venir), il puisse à nouveau revenir à la table des négociations.
L'absurde de cette pensée eclate au grand jour par exemple dans l'émission Politika de Dan Margalit 6 mois après le départ de la seconde intifada. Successivement, deux généraux en retraite, la paire Danny et Danny (Rotschild et Yatom) répètent cette prière: "Mais si demain Yasser Arafat veut revenir à la table des négociations, il le peut, il est encore temps." Si un tel aveuglement ou une telle ignorance sur la situation véritable atteint un niveau de gens a priori aussi élevé, pourquoi ne se développerait-elle pas dans d'autres secteurs de la population? On peut même, à l'aide d'un tel discours, arriver à devenir député à la Knesset.

Le débat incessant sur la terminologie liquidation/mise en échec (des terroristes) rappelle par son côté ridicule le précédent pathétique débat entre montée d'un cran/aggravation (sur l'échelle du conflit). Des journalistes éclairés sont capables de nous expliquer avec  grande suffisance que en fait, c'est nous qui causons une autre vague de représailles, parce que nous neutralisons des chefs terroristes.

La tentative de nous mentir à nous-mêmes et aux autres continue jusquà la dislocation du gouvernement d'union, au moins pour ce qui concerne les plans militaire et d'information (propagande). Jusque là nous agissions avec deux têtes, l'une paralysant l'autre. La situation changea réellement avec le début de l'opération Homat Magen (Muraille de défense). 
Combien de victimes (de la paix) ont-elles du tomber pour que le bon sens nous dise "Lève-toi et défends-toi, arrête de parler et de recevoir des coups"?
Ce même soir, Avi Pazner à la télévision française et un officier francophone à la télé belge ont commencé à répondre, à expliquer, à nous défendre. Le soir du début de Homat Magen j'ai pu enfin sentir que la période blabla à la con finissait et qu'enfin le ministère des affaires étrangères était nôtre, israélien. Rares sont des moments de ce genre. 




Peur, soumission, fatigue
Il y a débat en Israel sur qui est le plus fatigué: les leaders ou le peuple, fatigué des guerres, d'un conflit sans solution à l'horizon. On dit que même Ariel Sharon a senti que le peuple est fatigué. D'abord rappelons deux règles:
1. Une guerre est un long combat (un conflit encore plus), même si l'intensité est faible. Au duel, perd celui qui "cligne des yeux" le premier. Nous, nous n'avons pas ce droit. 
Une stratégie de l'existence même peut durer de nombreuses années. On a rappelé souvent que du point de vue d'Arafat par exemple, le temps n'était pas un facteur. Et il avait raison lorsque le but est au-delà du temps compté. C'est l'essence même d'une guerre d'usure.
Le sujet est l'érosion (on commence seulement), pousser vers le désespoir, vers la pensée que jamais il n'y aura de solution, ou que l'on est obligé de faire un accord, même mauvais, et même avec un mauvais partenaire.
2. Un peuple qui n'est pas prêt à défendre son existence ne survivra pas. Ce n'est pas comme beaucoup le croient, s'appuyant sur la morale et non sur les faits, et qui clament partout le droit de tout peuple à l'existence (comme fait). Fadaises, il n'y a rien de cela, nous devons être prêts à nous défendre à tout moment.  
Cela ne date pas d'hier, déjà à la préhistoire l'homo sapiens a éliminé Néanderthal qui ne savait pas s'adapter assez par rapport à son opposant plus moderne. 

Le besoin est l'entrainement perpétuel, vérifier ce qui se passe aux frontières, créer des alliances utiles, grâce à des intérêts communs. Sur le plan stratégique, contre la paralysie et l'abandon, seule l'initiative gagne. Initiative militaire sur le terrain, fixation de règles que nous désirons, initiative diplomatique sur les sujets que nous avons proposé et nos demandes. Pas de bégaiement.

Sémantique et glissement vers des notions qui contredisent le sionisme classique:
Avant que l'autre côté n'interfère, entre nous, nous créons la confusion et changeons d'idées. Mais les mots ont une force et des connotations différentes. Par exemple, concernant les habitants juifs de Judée-Samarie (et Gaza de longues années), nous avons commencé par pionniers, puis habitants s'installant / revenant (sur la terre promise avec le lien compris  avec l'histoire) puis enfin s'établissant.
En revanche dans les langues étrangères, on n'utilise pas sans raison (bonne ou mauvaise) le terme de colons avec sa connotation péjorative.   
La notion de colonialisme, si méconnue et si souvent dévoyée, elle a bon dos.
Enfin, pour beaucoup en Israel, la sanctification est passée des hommes à la terre et ainsi toute parcelle de terre ne peut plus être enjeu de marchandage ni de compromis. Cela sans compter ceux qui font entrer le Messie dans l'histoire et commencent le compte à rebours.

En Juin 1967 nous avons libéré ou conquis? Cela dépend d'à qui la question est posée. Comment être l'occupant de ta propre terre? Nous entrons là dans la sphère où l'idéologie  sur fond religieux/messianique se développe, et comme toute idéologie met totalement de côté le fait que d'autres gens habitent ici. Peu importe leur position (active ou passive), ils ne sont simplement pas pris en compte.
 

A l'idéologie, comme toujours dans l'Histoire, un lien très faible avec les faits. Un jour on peut la considérer comme conception. Au début et avec empressement la majorité du peuple la reçoit, au moins avec compréhension. A partir du moment où l'idéologie gère le conflit, rien à faire, elle connaitra sans doute des moments de gloire et de grandeur, mais son destin est tracé, nous avons vu leur fin à toutes.


Le plan de population jusqu'à la création de l'Etat était uniquement pratique, afin d'ancrer une position sur le terrain, pour l'utilisation des villages créés à une défense militaire, pour la création d'un réseau sur tout le territoire et enfin pour pouvoir surveiller les actions de l'ennemi dans son opposition. 
Non que le sionisme se soit éloigné de son sentiment national-juif, mais ce critère n'était pas le dominant. Tout a changé après 1967.

Ici aussi, comme avec le processus d'Oslo, mais 30 ans avant, une minorité pleine d'élan et d'idéologie, organisée, opère de facto un putsch contre la majorité et crée une bombe à retardement.
Ce n'est pas à moi de rappeler ici les intérêts économiques bien compris de gens qui ont su faire danser un Etat entier et se remplir les poches sous couvert de pure idéologie. Il est difficile pour un croyant d'accepter qu'au bas de la page, à la dernière ligne, tout se résume à du business. 
C'est important de le rappeler car des ressouces immenses de l'Etat sont arrivées là-bas.      

Encore une fois, je ne rentre pas ici dans le débat sur le droit, sur la légitimité, sur la morale religieuse ou autre. L'élément spirituel global simplement affaiblit et dérive la réflexion froide et logique sur la situation, sur la stratégie et la façon de diriger le conflit. 
Plus que cela, il ajoute un plan très dangereux car il encourage une contre réaction de l'Islam comme s'il s'agissait de guerre de religion alors que ce n'est pas (et ne doit pas être) le cas. Pas assez nos problèmes avec les habitants locaux, nous leur créons un soutien naturel en leur ajoutant une armée religieuse dans tout l'Islam. Cela sans parler de la passion meurtrière qui vit dans l'esprit religieux, et pas seulement de l'autre côté.
 

Nous en arrivons à l'arrachement des oliviers, une action contraire par nature au judaisme et pas moins au fondamental du sionisme.
Le pire est que l'écho religieux se colle aussi à l'endroit qui ne le concerne en rien: Gaza. Déjà en 1957 Ben Gurion nous a prévenus de ne pas y rester. La bande de Gaza n'est pas dominable, et même nos voisins égyptiens n'en ont jamais voulu. Mais nous la voulions à cause de l'ancienne doctrine "rempart de défense et tour" (Homa ou migdal), pour aider l'armée et séparer la bande en parties. Cette doctrine datait d'avant la création d'Israel.

Encore du temps où nous controlions Gaza, pouvions nous encore nous faire illusion; mais sans présence militaire, laisser là-bas des civils était une erreur. Au contraire des Judée et Samarie, il n'y avait aucun lien religieux/historique réel au peuplement de Gaza. C'est pourquoi tout ce pathos sur le sujet est superflu, il nous affaiblit sur d'autres positions.  

Ce mouvement a connu et créé évidemment un contre-mouvement, ce dernier plaidant que la création de l'Etat d'Israel a terminé sa mission (de peuplement) et que le sionisme même a terminé sa mission (de créer l'état juif). Tout ce qui peut se référer au post-sionisme, décrit très bien ce phénomène. Les défenseurs de ce mouvement voient dans la Judée et la Samarie des territoires conquis qu'il faut quitter au plus vite. Mais la nature a horreur du vide et on ne peut laisser l'ennemi organisé prendre force et nous menacer de là-bas.
C'est là qu'a commencé le piège.
 
La culture égalitariste du sionisme n'a pas survécu à l'effondrement des kiboutsim, les dommages créés par la fixité garantie des emplois au travail et le pourrissement de l'establishment socialiste-histadrout. En contre-coup soudain et violent, la volonté était de ressembler aux Etats-Unis, y compris dans les mauvais côtés que l'on cachait: une société égoiste, sans soutien social sûr organisé par l'état, une société dans laquelle la valeur pécunière prime sur la valeur humaine. 
 

Un des symptômes (partiels) est l'importance que le costume et la cravate ont pris comme habits du pouvoir, jusqu'à l'absurde. L'important étant de s'éloigner de tout ce qui fonda l'état, depuis l'esprit sioniste d'égalité et d'une société plus juste. 
Mais il n'y avait pas du côté "croyant" un bloc occupé à rappeler les lois de justice du judaisme, ils étaient trop occupés avec la terre et ont oublié l'homme (je parle ici uniquement des factions appelées sionistes).

Il y a dans le post-sionisme une volonté farouche de rayer et le sionisme, et le judaisme, et de devenir un n-ième état, "comme un autre", une vague copie européenne au Proche-Orient. Non que je m'oppose à l'importation ici de valeurs démocratiques, bien sûr que non, et le reste des bonnes choses apportées de l'Occident, mais est-ce bien le but final (du sionisme) ?

La volonté du juif de la diaspora d'être reçu à tout prix par la communauté internationale, sous le masque du progressisme. Il y a ce besoin de ressembler au goy qui réussit, surtout ne pas ressembler bêtement à un des pionniers ou des religieux de cette période-là, de ces temps-là. La volonté d'oublier les racines a mené l'Etat à un autre échec et une autre décadence. De là cette course pour être les "âmes éclairées", à tout prix, même dans le danger de voir l'Etat rayé de la carte.
Combien c'est doux d'appartenir à la "communauté économique internationale", celle des pays développés. Pas important que de plus en plus de gens ici ont faim et sont rejetés par le système, que les survivants de la Shoah, les vieux et les handicapés deviennent des sous-hommes.
Toute la sémantique se résume à un mot: le "blazer" (en hébreu dans le sens la veste du costume).
N'avons-nous vraiment le choix qu'entre l'argent et la terre? Est-ce que c'est cela le sionisme? Avec cela survivrons-nous, vivrons-nous?

Nous entrons alors dans le tourbillon des phrases creuses qui sonnent pourtant joli au début: "La paix se fait avec les ennemis". Ce n'est pas vrai car la phrase n'est pas complète. Tu fais la paix avec un ennemi qui est prêt à reconnaitre ton droit à vivre, qui est prêt à vivre en paix sans haine, qui ne veut pas te détruire; ou bien qui simplement a compris que par la force il n'y arrivera pas. Avec un ennemi tu peux vivre dans le calme relatif de nombreuses années, une trève, mais pas la paix, même pas une paix froide.

"Arafat n'est pas forcé de devenir un ami de Sion" (c'est à dire soutenir l'idée sioniste).
Non, mais qu'il cesse d'en être un ennemi. Quoi faire avec l'homme de la rue, celui qui veut la paix avec un partenaire prêt à la faire, le citoyen ordinaire qui veut une société plus juste avec les ressources de l'Etat dirigées vers des directions plus sensées, avec les pieds sur terre? Pourquoi devrait-il n'avoir le choix qu'entre une droite messianique et folle et une gauche défaitiste et suicidaire?
Que sommes-nous et que voulons-nous être? Est-ce du sionisme?
 
La réécriture de l'Histoire
Les médias israéliens ont accepté, entre autres, les prétentions que la seconde intifada a commencé avec la visite de Sharon sur le Mont du Temple et la mort de l'enfant palestinien Al-Dura.   
Si nous nous convainquons, nous-mêmes, que le mensonge est vérité et nous recommençons cette diatribe chaque année, comment le monde pourrait-il penser autrement? Et pourtant les faits sont autres.

Arafat a préparé ses plans bien avant. Quelques jours avant la visite de Sharon, un soldat palestinien d'une patrouille mixte israélo-palestinienne a tué un soldat israélien. Les Palestiniens ont prétendu que le soldat avait perdu le contrôle de soi mais ce n'était qu'une expérience qui a réussi puisque nous n'avons pas réagi, nous n'avons pas réalisé.
Alors Sharon est allé sur le Mont du Temple, bien sûr un peu une provocation, et la visite a été utilisée comme prétexte pour allumer le feu.
L'écho religieux travaille toujours mieux avec le troupeau.

L'affaire de l'enfant soi-disant tué par nos balles continue à occuper les tribunaux en France,  et lentement mais sûrement, la vérité sur les forfaitures de France 2, de Charles Enderlin - embaumé comme sacré même par certains journaleux israéliens qui couvrent son montage et sa forfaiture – commence à se laisser voir.
Nous, en première ligne, nous suffisons de ce mensonge dirigé contre nous, la gauche des belles âmes court s'auto-flageller comme si étant partie du monstre.
Non, la deuxième intifada n'a pas commencé avec Sharon mais sous les plans et les instructions d'Arafat. 


Lorsqu' Arafat (pour lui) a vu qu'il n'y a pas le choix il a commencé la deuxième intifada, il l'a tout simplement fait. De son point de vue (avant la vérification des résultats) il avait raison et il lui était légitime d'agir ainsi. Grâce à quelques personnes intelligentes à Tsahal nous étions prêts et cela s'est traduit par le très faible nombre de soldats blessés de notre côté, élevé chez eux, mais comme d'habitude nous avons raté la stratégie de la riposte. 

Cette histoire s'est presque passée avec Sabra et Chatila. J'ai vu alors comment une presse folle et antisémite dans son sang (entre autres Le Monde sur 8 pages pour ne pas le nommer) crée le flux de mensonges sans fin sur qui a fait quoi et ce qui s'est passé là-bas (je ne m'intéresse pas ici aux faits eux-mêmes). 
Exemple de 2008, lorsqu' une traduction mensongère et manipulatrice du philosophe français Alain Finkelkraut par le quotidien Haarets (à propos de l'affaire du voile islamique en France) lui causa des dommages en métropole. Pourquoi donner à l'ennemi des munitions pour les zones de feu?

Nous sommes drogués et avons besoin de quantités toujours plus grandes de rations. Parfois, par chance, l'ennemi aussi fait erreur et arrive à nous réveiller, à nous montrer ce qui est réellement arrivé. Jusqu'à la prochaine fois. Tous les sujets d'auto-intoxication cités plus haut, il faut se les remémorer maintenant à partir du côté ennemi; dans une action psychologique intelligente entreprise par l'autre côté.
Ou bien il renforce notre propre aveuglement, lui donne une force supplémentaire, ou bien il crée de lui-même du matériau destiné à nous déchirer entre nous.   

Réécriture de l'Histoire? Le Waqf qui détruit systématiquement les vestiges de présence juive et commence à mettre en doute l'existence du Temple à Jérusalem (et nous le laissons faire) ou Mahmoud Abbas (Abou Mazen) docteur négationiste de la Shoah.

Aveuglement ou auto-intoxication?
Plus profondément dans le sang le venin entre: "Il est notre unique partenaire, nous devons le protéger" criait Yosi Beilin pendant qu'Ehud Barak reconnaissait publiquement qu'il n'y avait pas de partenaire (après Camp David).

En 2001, après les élections qui firent tomber Barak et les travaillistes, Shlomo Ben-Ami,  son grand ministre, professeur d'Université de haute pensée, a reconnu, que seulement aux pourparlers de Taba, quelques jours avant ces élections, il a finalement compris qu'Arafat ne signerait pas d'accord avec nous. De toute façon. Simplement parce qu'il n'est pas capable (plusieurs sens) de le faire.
Bien sûr Ben-Ami ne nous a pas donné sa vraie opinion avant les élections, mais seulement plusieurs mois après. Jusque là, il était complice de cette hypocrisie et des discussions pour "l'accord de Taba". Ce n'est pas seulement de la petite politique politicarde, c'est bien plus: le symbole de l'aveuglement qui frappe tous, même les professeurs d'université.   

"Je veux croire en la paix, cela doit être, regardez le Messie arrive (cela a marché aussi avec Staline, aussi vers la mort dans les camps), combien ce sera beau, combien tout sera bien, pourquoi avons-nous raté encore une fois, il faut le renforcer de toutes les façons, cela vaut le coup à tout prix, Oy (catastrophe) sur nous si cela n'arrive pas..."
Oui, auto-empoisonnement.



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Dangers psychologiques externes   
L'autre côté aussi a une stratégie psychologique, il essaie aussi de nous connaitre et de nous frapper.
** Il renforce l'aveuglement. L'exemple type est cette phrase vide de sens comme "la paix des braves". En langage simple cela veut dire "prends des risques". Compréhensible: tu es le côté fort (on nous l'a assez dit) donc c'est à toi de prendre plus de risques (que ceux d'en face, ou donner plus que lui pour la réussite du processus). Pas grave si aucune logique dans tes actes. Le monde applaudit, la bourse monte, l'ivresse est douce.

Le point important aurait pu être un chapitre sur cet engouement. C'est aussi une règle connue en marketing: "Utilise la force de l'adversaire, transforme la en faiblesse". Ce qui a été fait n'était ni bien ni suffisant car nous sommes les "forts". C'est pourquoi nous devons donner, renoncer, nous plier – plus. Manipulation grossière mais si efficace. Se baser sur une comparaison qui paraît "logique" pour une conclusion malhonnète. Dans le monde judiciaire on exclut un accord dans lequel les deux parties ne donnent pas de compromis à niveau équilibré. On peut dénoncer un accord dans lequel une partie a renoncé en proportion multiple par rapport à l'autre côté. C'est reconnu comme immoral.
Mais lorsqu'il s'agit des renoncements de l'Etat d'Israel... tout est évidemment permis et juste. Comment pourrait-il en être autrement? 

** Il aide à la paralysie, joue à la division intérieure chez toi, te tente tout le temps car avec un simple petit effort (de toi) encore à faire et on y arrive! (J'ai appris en hébreu que les pigeons sont régulièrement remplacés).
Pour satisfaire le monde, même un premier ministre de droite, expert en terrorisme et sur qui on ne peut faire pression (Bibi Netanyaou 1ère période) déclara qu'il avait trouvé en Arafat un ami et signe avec lui des accords.  
  
** Il joue sur la fatigue et la peur, le coeur de la guerre d'usure: quoi, combien de temps encore nous battrons-nous, combien de citoyens paieront, combien vous êtes méchants vous les occupants. Nous oublions pourquoi nous avons construit ce mur de séparation, pourquoi nous sommes revenus en Judée-Samarie après 2000, pourquoi ce serait toujours à nous de faire des "gestes". Toutes ces années on nous a demandé des gestes, de belles actions, comme si relâcher des assassins ce serait un beau geste souhaitable. Si ce n'est pas absurde alors c'est quoi?
 

En 2008 nous commençons à rendre plus flexible la liste des conditions pour libérer de prison. Assassins de sang chaud, de sang froid, tueurs modérés... Le gouvernement donne à tous le signal sur ce qu'est la force de tenir bon. Comme on coupe le salami (le saucisson): débat sur le nombre, sur la qualité des prisonniers, sur les clans et les organisations.
On pourrait créer encore d'autres groupes: presque tueurs, tueurs au sang tiède, simples transporteurs, transporteurs uniquement de produit explosif (il faut distinguer!)...

** Plus d'une fois la confusion joue un rôle: combien de fois Arafat a-t-il joué le faible, celui qui ne contrôle pas le terrain. Le renseignement militaire infirmait ces allégations mais le gouvernement fermait les yeux. Abou Mazen est faible, il l'a toujours été. Nous devrions le renforcer? Comme tout peuple pour son indépendance, un leader qui ne veut pas du pouvoir ne mérite pas ce pouvoir. Et que vaut sa signature?
Il y a cependant des améliorations qui parfois surprennent: en 2007-2008 des représentants de notre gauche suicidaire ne veulent plus donner encore des armes à l'OLP/l'Autorité. Il leur aura fallu 15 ans mais ils ont ouvert les yeux. Ne pas se décourager.  


** Sur la sémantique, j'ai déjà rappelé sans détailler que les Palestiniens se sont appropriés toute l'histoire (et donc le discours) sioniste: même le terme "palestinien" était avant 1948 qualifiant les Juifs du mandat de Palestine. Ils ont essayé d'amener un bateau de Chypre du genre Exodus, ils parlent de leur "diaspora", ils enlèvent à Jérusalem toute trace de l'histoire juive sur le Mont du Temple.  

Mais plus qu'aucun autre, ils savent, gens de marketing sophistiqués, parler la langue de l'intervieweur et dans chaque langue faire passer des messages – ce n'est pas grave s'ils se  contredisent les uns les autres. Au public arabe ils continuent à promettre la réparation de la nakba (la catastrophe) et la continuation de l'opposition à l'existence de l'Etat d'Israel; à l'Occident ils ne font que pleurer car ils ne veulent que la paix et la fin de l'occupation; aux israéliens ils envoient des porte-parole "modérés" ou sans aucun poids "commenter" ce qui se passe chez eux. Sur une partie des médias israéliens cela marche encore.  

** Au-dessus de tout, l'autre côté sait faire pression sur une partie d'entre nous, il nous partage en deux (ceux qui veulent la paix et ceux qui veulent l'occupation...). Cette séparation interne nous rend difficile de fixer des buts clairs. C'est d'ailleurs très important pour eux pour qu'eux seuls puissent fixer l'ordre du jour.
Il n'y a pas chez eux de "la paix maintenant" ou de "stop à la violence", de "parents endeuillés". Au contraire, ils ont contruit une culture complète du chahid, avec soutien financier, culturel, social (et religieux). L'Occident est réellement stérile dans sa pensée contre une vision du monde si barbare, si déviante.  

Nous sommes loin du simple concept propagande. Mettre en scène un massacre, la violence, les funérailles de personnes vivantes ou le ballet des ambulances qui aident à faire circuler les armes, c'est du passé. La propagande au long terme, bien plus sophistiquée, remplie de si gros mensonges qu'on est bien forcé de les croire réels! Tous les jours dans le monde cela coule goutte à goutte, à la fin c'est obligé que ça marche. Et nous avec un état organisé nous ne faisons rien. Si les conseillers politiques (en Israel) ne donnaient que le quart de leur effort à défendre l'état juif dans les médias, nous serions vus autrement.  

Les Palestiniens nous ont volé le pathos sioniste, ils trafiquent allègrement les faits historiques, contrôlent la sémantique comme l'ont fait les communistes avec l'Occident des dizaines d'années mais pas seulement. Dans leur management du conflit contre nous, leur vision inclue tous les éléments et moyens dirigés vers un seul but. C'est vrai, ils ont commis aussi beaucoup d'erreurs, et plus d'une fois cela nous a sauvé. Mais nous ne pouvons pas compter sur eux pour cela aussi.


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Sémantique externe
Exemple typique: l'occupation (sans parler de la connotation française du terme).
Il y a encore en Israel des gens qui croient qu'elle est LA cause du conflit. Ils oublient que à la veille de la deuxième intifada 90% de la population palestinienne était déjà sous le contrôle de l'Autorité Palestinienne et que les négociations étaient après tout ouvertes.
Le mouvement allait alors au retrait israélien du territoire en continu dans le temps.  
Je ne dis pas que le conflit était résolu complètement, mais il y avait une direction claire et une volonté de bouger. Il semblait que depuis longtemps nous avions passé le point de non retour sur le sujet. C'est pourquoi leur prétexte sans fin que ce soit la raison de l'intifada était un mensonge. Et même si le reste du monde (qui n'y comprend pas grand chose) tombe dans le piège, va encore, mais nous les israéliens? 

Nous ne sommes rentrés à nouveau qu'à cause du terrorisme, parce que nous étions sortis de ces territoires et pour nous c'était bien ainsi. Aucun d'entre nous sain d'esprit n'est revenu par joie ou volonté; et si le leader de l'Autorité avait combattu la terreur au lieu de la soutenir, nous ne serions pas entrés, point.
J'y reviens: Arafat comme élève de la stratégie savait que la guerre est un instrument de la politique. Sharon aussi savait cela mais dans une démocratie on ne pardonne pas l'utilisation de soldats pour des fins politiques, au-delà de la défense pure. Il l'avait d'ailleurs payé très cher.
Des roquettes avant la sortie de Gaza, des roquettes après son évacuation. Alors quel rapport avec l'occupation? Du sable dans les yeux.

Avons-nous vraiment essayé de combattre le phénomène? La paix ne doit-elle pas se baser d'abord sur la prochaine génération et l'espoir du vivre ensemble?
Graduellement les palestiniens sont revenus aux organisations para-militaires de la jeunesse, aux vrais camps d'entrainement des enfants avec enseignement du maniement des armes, et au besoin de libération de Jérusalem "par le sang et le feu".
Nous sommes restés muets. Nous avons appris à tendre la main, ils ont appris à jeter le poing. Nous avons laissé les choses se faire. Un état qui ne réagit pas (ou ne fait que réagir), qui ne défend pas ses positions, perd sa volonté de vivre, et je le répète, n'a pas le "droit" à l'existence.
Chaque fois à la radio la même réponse pendant des années. Un d'un rang insignifiant au style gris du genre Zyad Abou Zyad revient sur ses refrains: l'occupation. Pathétique. Leur ancien ministre des prisonniers. Il faut un ministre pour cela?

Le résultat direct de l'auto-paralysie est le manque d'initiative, et la riposte uniquement, sans programme et sans sagesse. C'est à dire que face à la réalité nous n'avions aucune réelle stratégie utilisable. Jusqu'à ce qu'enfin il fut décidé de combattre le terrorisme, et là aussi, pas jusqu'au bout des conclusions et des initiatives nécessaires.
(Comme on l'a vu en Septembre 2000, heureusement, l'armée même affaiblie n'était pas au niveau lamentable du gouvernement, elle avait prévu le coup).
Il n'y a pas de stratégie sans initiative, militaire et politique. C'est pourquoi nous ne faisons que perdre.
Comme nous n'utilisons pas non plus notre force de façon intelligente, elle n'est pas assez  efficace et les "intelligents" demandent: "Pourquoi encore plus de force si la force n'agit pas?" Ce n'est pas vrai, une force idiote frappe dans l'air. Nous étions champions pour faire du vent.             

Encore de la sémantique
Abou Mazen (Mahmoud Abbas), l'homme de la paix et pragmatique est évidemment prêt à signer un accord de paix avec nous. Il se peut même avec honnèteté. Mais pour demander à son peuple d'arrêter la terreur il n'a qu'une raison à donner à son peuple: elle ne "sert pas les intérêts palestiniens". On peut demander: mais quand ça oui servira les intérêts palestiniens alors ça vaudra le coup? Alors il le soutiendra?

J'ai laissé plusieurs sujets liés de côté pour leur donner un traitement séparé.
Le premier d'entre eux est la terre.


E  FAITS ET LECONS HISTORIQUES 2     

30
La terre
Nous commencerons avec l'histoire chinoise citée par Tu Mu:
(récit entier cf Sun Tzu L'art de la guerre Champs Flammarion, page 96 paragraphe 23)
"Vers la fin de la dynastie des Ch'in, Mo Tun établit sa puissance pour la première fois. Les Hus de l'Est étaient forts.
Ils dirent: "Nous souhaitons acheter le cheval de mille li de Tou Ma." Tous les conseillers désapprouvent. Mo Tun: "Pourquoi refuser un cheval à un voisin ?" et il l'envoya.
Puis ils dirent: "Nous désirons avoir une princesse du Khan." Tous les ministres de Mo Tun: "Ils sont cyniques, nous vous demandons de les attaquer". Mo Tun: "Pourquoi refuser une jeune femme à un voisin ?" Et il donna la femme.
Peu après les Hus de l'Est dirent: "Vous avez mille li de terre non utilisée que nous désirons."
Mo Tun consulta à nouveau ses conseillers. Certains dirent qu'il serait raisonnable de céder la terre, d'autres non. Mo Tun s'emporta et dit: "La terre est le fondement de l'Etat. Comment pourrait-on la donner ?" Tous ceux qui avaient conseillé de céder la terre furent décapités. Mo Tun sauta alors en selle, ordonna que ceux qui resteraient en arrière fussent décapités, et lança une attaque surprise contre les Hu de l'Est. Ces derniers, qui le méprisaient n'avaient fait aucun préparatif. Lorsqu'il les attaqua il les anéantit. "     

Ce récit, stratagème dans sa source, explique comment endormir la prudence de l'ennemi, comment le changer en vaniteux, mais comme prologue au chapitre sur la terre il correspond sur plusieurs points de vue.

D'abord, dans l'esprit de mes précédentes mises en garde, il est clair que je ne vais pas m'intéresser au caractère sacré de la terre d'un point de vue religieux. On pourra cependant rappeler dans notre cas particulier que la Judée et la Samarie, après Jérusalem, furent un  centre intellectuel et de population fondamental pour le judaisme.
Après que les sionistes religieux dans leur variété se sont enracinés dans la région de façon massive, avec une importance économique très grande pour une partie de la population locale (juive et arabe), il est plus difficile de discuter – de façon civilisée – du futur de la région. De retour dans ce monde-ci:  

1 La terre comme source de souveraineté et de puissance
Le monde aujourd'hui est connu et délimité. Sont terminées les périodes de découverte de nouvelles terres et des empires multi-continentaux. Chaque Etat (presque) a des frontières claires ou une limite physique à son développement. A chaque terre des droits légaux, y compris les eaux territoriales. Ce bien est limité mais basique pour rendre à chaque entité politique une possibilité d'existence raisonnable.
Sous la terre des ressources naturelles qui appartiennent à l'Etat. Agriculture, industrie et direction du peuplement sont plus faciles lorsque la densité est plus faible. De même avec l'eau, la surface nécessaire au développement des énergies nouvelles etc...

Nous classons de façon naturelle les Etats d'après leur superficie et le nombre d'habitants comme critères de base. Après cela nous ajoutons le niveau économique, militaire, ressources naturelles etc... Nous savons aussi que la surface d'une terre ne peut être élargie. Cest limité, et tout ce qui est limité est rare, c'est à dire de grande valeur. 

2 La terre comme source de la manoeuvre
Nous avons vu dans l'ancienne doctrine d'Israel, et pas pour rien, qu'il était important de transférer le champ de bataille de l'autre côté, loin du territoire national. Plus grand le terrain de la campagne militaire, plus loin des zones civiles, plus facile de combattre et de manoeuvrer.
Cela veut dire que le terrain par lui-même a une valeur défensive énorme, et que le conserver c'est préserver la victoire pour le futur de l'Etat.


Une armée sans potentiel de manoeuvre combat dans des conditions d'infériorité. De plus, en cas de fuite, il faut être capable d'aller loin. Mao Tsé-Toung avec les 12.000 kilomètres de la longue marche de 1935 (en fait une longue fuite) savait cela très bien.  

L'importance du terrain quand il est grand et difficile d'accès: Napoléon et Hitler en échec contre l'immense Russie, L'Angleterre qui construit l'empire et supporte le blitz en tant qu'île grande et lointaine. Aujourd'hui plus encore: la pluie possible de missiles demande un éparpillement plus large encore des ressources, militaires et de la population.

3 L'importance de la conquête du territoire
Clausewitz: "La fin est l'écrasement de l'ennemi, ou au moins la conquête d'une partie de ses terres, de façon à pouvoir tirer parti non de l'état momentané des forces militaires, mais des avantages acquis pour la guerre et pour la paix." 
Vrai, et nous avons sans doute oublié cela jusqu'à la guerre du Liban II, il ne peut y avoir de reddition réelle sans conquête de territoires.
Pendant la campagne, la conquête de territoires empêche l'utilisation (par l'autre côté) des ressources sur lesquelles nous sommes (y compris le recrutement), endommage fortement le moral des troupes, dans leur volonté de continuer la campagne, et l'affaiblit aussi en vue d'une négociation future.

Le fait que l'ennemi possède des missiles oblige encore plus à entrer sur le territoire, empêcher un tir plus proche et précis. Il y a des gens à des postes importants dans l'Etat qui ont vu dans l'ère du missile la fin de l'importance du terrain. Exemple: pendant la première guerre du Golfe, Shimon Peres expliqua que le plateau du Golan n'a plus beaucoup d'importance puisque les Syriens ont de toute façon un grand arsenal de missiles capables de frapper partout en Israel. C'était même (pour ce groupe de pensée) un point supplémentaire pour renoncer avec plus de facilité à tout territoire comme si un territoire n'était pas un bien stratégique. Je parlais d'aveuglement ?

Erreur tragique. L'ère des missiles renforce l'importance du terrrain sous notre contrôle, aussi comme cordon de sécurité pour la manoeuvre civile. Et je reviens vers Clausewitz, toujours d'actualité: pour lui l'occupation force la fin des combats, il rend plus difficile la défense. Il n'y a pas de décision par l'aviation seulement, c'est à oublier, assez avons-nous payé par cette erreur en renforçant le Hizbollah.
Comme écrit Alain Dieckhoff: "Dans le cas d'une guerre conventionnelle, la présence physique sur le terrain, et non le seul bombardement, fait la suprématie d'une partie sur l'autre. Or la possession par Israel d'une profondeur stratégique accrue et les atouts topographiques des territoires occupés éloignent justement le danger provenant des armées de terre voisines et réduisent donc d'autant la menace réelle des missiles."
En lisant ce texte on peut rêver: ce livre dont tout le sujet est Israel est sorti en 1987.        
Il n'y a pas de remplaçant à la terre. Quant aux leçons à tirer de la guerre du Liban II de 2006, c'est trop cruel. Bêtise conceptionnelle au plus haut de l'armée.

4 De l'autre côté
Dois-je vraiment rappeler comment les Palestiniens traitent la terre ?    
Ils utilisent le prétexte religieux comme si Jérusalem leur était importante (pas une seule fois citée dans le Coran). Au-delà de la volonté naturelle de conserver la partie arabe de la ville et d'empêcher son renforcement juif, il est évident que la décision de fixer Jérusalem comme capitale n'est que pour affaiblir notre légitimité. Le sujet est plus approprié lorsque nous prenons le terre d'Israel comme partie de la "terre du Livre" (le Coran), c'est à dire qui fut déjà sous occupation musulmane et qui donc doit le redevenir (Oui, l'Espagne et l'Europe orientale aussi...). Le sujet est évidemment un simple bluff pour l'Autorité Palestinienne mais pas pour les différents mouvements religieux comme le Hamas.
Là aussi deux idéologies: le retour naturel du Peuple d'Israel sur ses origines physiques de l'histoire nationale et religieuse, les endroits cités dans la Bible; et en face le retour sous la souveraineté islamique de terres qui sont sorties de son giron.
Le rappel du sujet comme uniquement religieux empêche toute solution possible.


Politiquement, le Likoud a quitté le rêve d'un Etat unique entre le Jourdain et le mer en faveur des mouvements palestiniens – lorsque je dis qu'ils nous volent le sionisme, ce n'est vraiment pas gratuitement. Reconnaissance réelle de notre Etat il n'y a pas. Le droit du Peuple Juif d'être souverain sur sa terre n'est toujours pas reconnu. La disparition d'Israel sur les cartes palestiniennes n'est que le bout de l'iceberg de leur idéologie. Haifa, Saint-Jean d'Acre, Jaffa sont encore des terres occupées.
Le sujet du "retour" des réfugiés à l'intérieur de l'Etat n'est pas un sujet ordinaire. Il est un point de plus pour renverser l'équilibre humain pour casser de l'intérieur la judaisation de la terre. Si ce n'est pas l'essai de conquérir la terre (des deux côtés) alors qu'est-ce? Pour eux c'est critique, car la terre est importante, elle est la base de la puissance.
Ici aussi, ils ne rappellent pas pour rien le juif de l'exil, l'errant, qui cherche la double nationalité, qui investit à l'étranger pour fuir, alors que justement les juifs du monde investissent ici comme refuge possible!

5 Des deux côtés, la littérature et les poètes remettent au goût du jour la terre, insistent sur son importance. Le texte est différent, le ton aussi, plus poétique d'un côté, plus militant de l'autre, car comme dans toute dictature l'art est recruté au "service du peuple". 

Quand allons-nous prendre le sujet de la terre sérieusement? 

31
Economie et paix
Le deuxième sujet spécial concerne le rapport entre l'économie et le terrorisme. Le développement économique éloigne-t-il la guerre ? Cela semble logique. Toujours ?
Après la deuxième guerre mondiale, Les Etats-Unis avec le plan Marshall ont donné à l'Europe occidentale la possibilité de se reconstruire économiquement. Face à l'ennemi communiste aux frontières, au coeur de l'Europe, tous les régimes démocratiques trouvèrent une langue commmune, d'abord par l'économie pour vivre en paix. On rêve ici au même processus. Est-ce possible ?

La "pensée unique" sur le sujet est évidemment, que des gens qui vivent dans le développement économique ne voudront pas de guerre mais la paix. C'est à dire, si nous donnons aux Palestiniens une croissance économique, un espoir de meilleur futur, nous éloignerons la guerre.
Toute personne simple, normale, comprend cela très bien. Chacun rêve d'améliorer ses conditions de vie, de faire grandir ses enfants et de leur donner une éducation pour qu'ils vivent encore mieux.
Cette même vérité est-elle encore valable lorsque les gens rêvent de faire plus d'enfants pour en faire des chahidim, est-ce sûrement encore vrai?
Nous avons vu qu'en économie aussi, l'individu ne choisit pas toujours la voie logique mais que des forces internes non rationnelles le meuvent. Ce mythe du choix rationnel a été découvert et c'est un israélien qui a reçu le Prix Nobel pour ça.

D'ailleurs: la veille du premier tour des présidentielles françaises de 2002, le Premier Ministre et candidat d'alors, Lionel Jospin reconnait une erreur. Il dit alors honnètement que lui et son gouvernement ont cru que par la guerre au chômage, par le soutien social aux populations pauvres, ils arriveraient à réduire le niveau de la violence et du sentiment d'insécurité personnelle de beaucoup de Français. Il, et reconnut son erreur, et perdit l'élection.
Il est d'ailleurs un homme courageux et franc (rare en politique) qui appela le Hizbollah "organisation terroriste" et reçut pour cela des pierres dans une université palestinienne. Alain Juppé commit alors une faute grave en proclamant qu'il avait diminué le respect de la France.  
Celui qui dit la vérité ne diminue pas le respect, il le hausse. C'est à Alain Juppé alors encore sous l'emprise de l'école anti-israélienne et uniquement pro-arabe que le respect manqua alors.


Dans le passé on considérait que l'économie et le bonheur, l'éducation, le commerce, le progrès et la science amélioreraient le monde, amèneraient la paix entre les peuples. Pourquoi cela ne marche-t-il pas? Pourquoi n'est-ce pas suffisant?
Ce même rêve sur le fils Assad qu'on nous a saupoudré, avec son intérêt pour internet. Comme si la technologie pouvait de toute façon, pourquoi "pourrait", elle "doit" avancer nos voisins vers l'ouverture dans la direction de la démocratie, la paix et l'amélioration des droits de l'homme. Nous ne sommes pas capables de nous libérer des bavardages de fantaisies utopiques et nous payons pour cela le prix fort. Ben Laden avait aussi, le Hamas aussi ont internet. Et alors? 
Avons-nous oublié ce qui est arrivé au peuple européen le plus cultivé au monde? Quel est le lien entre l'avancée technologique ou le commerce et l'ouverture politique? Encore, si nous parlions des démocraties, vraiment, la bourgeoisie se développant pourrait influencer.
Mais chez le dictateur lui seul décide. Est-ce différent avec la Chine? Quelle valeur de l'éducation dans une dictature?
        
Alors, nous allons amener la richesse aux palestiniens, et donc le bonheur, et comme tous les gens normaux au monde, ils préfèreront la paix à la guerre et à la pauvreté. Est-ce que cette population a réellement le droit à la parole? A l'influence?  
Encore un exemple classique de cette illusion du monde économique, comme si celui-ci toujours gouvernait et non d'autres forces.

Qu'oublions-nous en route?
§ Que leurs dirigeants ont construit une stratégie de longue haleine de guerre jusqu'au bout (notre disparition), sans aucune importance pour la souffrance du peuple, tout est pour le bien... de la cause.
§ Que le sujet religieux est beaucoup utilisé et empêche un processus rationnel entre des gens adultes.
§ Que l'éducation de l'autre côté est dirigée pour enseigner la haine, que le financement va vers la terreur et l'achat d'armes.
§ Qu'à part une minorité qui vit d'une des corruptions les plus intenses au monde, le développement économique ne profite pas au peuple, et il est donc difficile de lui vendre les fruits de la paix et la promesse que ça vaut le coup.  

Il y avait en Europe des dirigeants d'un autre niveau (De Gaulle, Adenauer) qui surent diriger leurs peuples. Les peuples aussi, même sans s'aimer vraiment, étaient fatigués par des centaines d'années de guerre en Europe et avaient peur du communisme.
Il y avait une culture commune, des buts communs de vie, des intérêts communs et une croissance économique rare et rapide. La volonté des leaders (et une force américaine derrière) dirigeaient vers une vraie paix. Il n'y avait plus entre eux de querelle territoriale, l'Allemagne elle-même étant partagée.

Je voudrais rappeler que les impôts de l'Occident ont financé des dépenses de l'Autorité Palestinienne, les dix premières années de son existence, pour une valeur supérieure au total du plan Marshall pour l'Europe de l'Ouest après la Deuxième Guerre Mondiale. Un océan d'argent qui est parti... dans une mer de terrorisme et dans les poches de certains.
La première différence était que les régimes étaient démocratiques avec peu de corruption; c'est un point basique qui change tout. Les buts étaient partagés face à la menace communiste. Il n'y avait pas de différent religieux entre les pays. Cela fait déjà quelques centaines d'années que catholiques et protestants ne se massacrent plus (c'est arrivé).

De toutes les promesses d'un "nouveau Proche-Orient" les palestiniens n'ont rien vu. L'intifada (la deuxième créée par Arafat) a tout détruit. Ils auraient pu être le lien, le point de rencontre entre Israel et le monde arabe (au moins) et au lieu de cela ils se sont jetés dans le tohu-bohu, la famine, la culture de la mendicité et une fierté nationale contrefaite, sans issue. 


Est-il vrai que si nous leur donnions un développement économique, ils agiraient autrement? Ce n'est pas sûr. D'abord, on ne refait pas l'histoire, ensuite, on ne change pas les bases gouvernementales de l'Autorité Palestinienne.

Plus encore, il n'est pas évident qu'un développement économique (seul) entraine la paix. Seulement lorsqu'ils intègreront en eux l'idée qu'il ne peut y avoir de destruction d'Israel, alors seulement, peut-être, nous aurons une chance.
Je reviens à une partie des conclusions du docteur Alain Dieckhoff ("Les espaces d'Israel").
Il se réfère au gouvernement Pérès de l'époque, fin des années 80:
"Les tensions ne seront pas en tout cas désamorcées par la stratégie de "dévolution fonctionnelle" mise en oeuvre sous le gouvernement de Shimon Pérès. Cette stratégie qui vise à donner plus d'autonomie aux autorités palestiniennes locales, à faciliter les interventions d'organisations de secours (pour des programmes sanitaires, la construction de logements et d'usines...) ...s'inscrit dans un calcul politique très clair: offrir à la population de meilleures conditions de vie quotidiennes afin de réduire les griefs des Palestiniens et de rendre l'occupation plus supportable. Ce raisonnement est peut-être pertinent à court terme, mais à longue échéance il est fallacieux, car plus les Palestiniens accumuleront de ressources dans les domaines culturel, économique et "technique" ...moins ils accepteront d'être privés de l'essentiel: la maîtrise de leur destin. L'amélioration de l'existence quotidienne des Palestiniens conduira, à terme, à la radicalisation de la lutte politique, non à son atténuation."    

Un bon dictateur conserve son peuple pauvre.
La vérité est que plus d'une fois dans l'histoire, les "faibles" se sont révoltés après que les conditions minimales de vie se sont améliorées et alors la conscience politique s'est éveillée, même si avec l'aide d'éléments bourgeois alliés au mouvement.
Nous découvrons donc ici un contraire du contraire, une pensée opposée au sentiment premier: après un progrès sensible et la première intifada (réellement populaire et spontanée), expression d'une immense frustration; après la création de l'A.P., la deuxième intifada (organisée par Arafat) le tissu économique palestinien s'est déchiré et les extrémistes sont arrivés au pouvoir (Hama à Gaza).
Donner de l'argent c'est soutenir le terrorisme et la corruption. Salam Fayyad a changé la donne (et donc le change) sur la gestion quotidienne, pas sur l'idéologie profonde et le discours au peuple.
Ironie: c'est le régime de l'Autorité à Gaza qui n'était qu'une toile d'araignée. Qu'en est-il réellement en Judée-Samarie? 

Le développement économique ne donnera des fruits que si les hommes d'affaires prennent le pouvoir, efficaces, pas/peu corrompus, avec une gouvernance à base démocratique minimale. Sans ces conditions, nous jetons de l'argent à la poubelle et continuons dans un nouvel aveuglement criminel (pour nous mais surtout pour eux). 

La terre, le développement économique, pour ces deux sujets, la découverte de l'amère vérité est plus douce qu'un mensonge sucré. Mais combien c'est difficile!
Le "nouveau Proche-Orient" est comme le rêve communiste: un rêve juste que des mauvaises actions changent en tragédie. Il est interdit d'agir contre la nature humaine et celle des organisations.


32
Trois exemples historiques classiques et demi d'aveuglement et de manipulation
J'en viens maintenant à trois leçons d'histoire, dont une traumatisante, qu'il est important de nous rappeler à nous-mêmes. Ces trois leçons font partie du thème psychologique, reliés à l'auto-intoxication et au fait qu'il est interdit d'aller bêtement après de bonnes intentions; idiotes et dangereuses, de leaders ou de groupes. Ce chapitre pourrait s'appeler "auto-mensonge collectif à forte intensité". Toutes se réfèrent au collectif, à l'aveuglement des leaders mais plus encore de peuples entiers.

Les accords de Munich 1938   
Le Peuple Juif a traversé la Shoah, à mon avis effet direct de la faiblesse des démocraties occidentales des années 1930 face à Hitler. Les dizaines de milliers de personnes venues applaudir Chamberlain l'Anglais et Daladier le Français étaient les "gens de Gauche" de l'époque qui pensaient dans leur innocence qu'ils avaient réussi à éviter la guerre avec le dictateur.
Ce chapitre de l'Histoire devait laisser un traumatisme au Peuple Juif, mais comme tous les peuples, nous oublions ce qui est arrivé, cela même après quelques années seulement. Nous n'avons pas appris sur la conduite de la France (déjà alors) et même sur l'Angleterre. Seulement les Anglais ont su, eux, corriger et tenir bon comme un peuple debout avec une autre direction (Churchill).

Ce même processus est arrivé dans les années 1970-1980 en Europe: les Etats ont payé aux organisations terroristes palestiniennes par des accords secrets pour empêcher des attaques terroristes sur leur territoire. Des gouvernements comme ceux de France et d'Italie se sont agenouillés et ont couvert des transferts d'armes et des opérations terroristes tant que cela ne concernait pas leur territoire ou ne touchait que des juifs. Les aveux par exemple de Francesco Cossiga de l'été 2008 donnent le tampon (une goushpanka) public sur les faits d'alors. Cela comprend les libérations honteuses de terroristes dans ces Etats en quelques heures seulement.
L'histoire revient comme un cycle, le problème n'est que la première fois, après on s'habitue.
Le lycéen que j'étais se souvient de la libération de Abou Daoud par Valéry Giscard d'Estaing et son premier ministre de l'époque Raymond Barre; deux symboles de la France prostituée. Et après ces crapauds vont nous donner des leçons!    

Les pacifistes de l'Europe occidentale des années 1980
A cette époque, les mouvements des amoureux de la paix manifestaient contre l'installation de systèmes de missiles balistiques dans leurs pays. La propagande soviétique et la volonté innocente de la jeunesse combattaient contre l'implantation de bases de missiles pointés contre les missiles soviétiques – existant eux bel et bien - pointés vers l'Ouest et manaçant l'Europe. Comme François Mitterrand, alors Président Français de Gauche, le disait: "Les pacifistes sont à l'Ouest, les missiles sont à l'Est".
Ces mêmes mouvements se rejoignent auourd'hui pour réclamer le boycott d'Israel. 
Propagande islamiste, antisémitisme de gauche, amalgame... tout y est. On boycotte la démocratie, on se couche devant les dictateurs.
Evidemment, il n'y eut pas en Russie soviétique de manifestations pour désarmer leurs missiles.
C'est ce que Vladimir Boukovsky appelait: "Les pacifistes contre la paix".
De la même façon on vient manifester contre la nouvelle barrière de séparation mais pas contre le terrorisme parce qu'élever une barrière c'est une punition collective, mais laisser le mouvement libre aux terroristes (pour tuer des civils juifs) c'est légitime puisque ce sont des "activistes", des "combattants de la liberté, ou de l'indépendance, qui combattent l'occupation". La déformation de la vision est aussi une sorte d'aveuglement.

Les intellectuels pour les crimes communistes
J'ai grandi en France mais c'est arrivé ailleurs aussi.
Là-bas, jusqu'à 1968 et même après, le Parti Communiste recevait le soutien et la justification de ses actes par une majorité d'intellectuels, certains par ailleurs très brillants. Des dizaines de milliers signaient et soutenaient des années durant tous les crimes de Staline, tous les procès de Moscou, en URSS et dans son entourage.
Ils ont justifié toutes les pendaisons, tous les procès, toutes les actions. Difficile de croire que des divisions entières de gens "qui pensent" peuvent en démocratie soutenir une dictature au nom d'un idéal. Mais c'est exactement le crime des idéologies. Ils sont allés par dizaines de milliers comme un troupeau quand quelques individus seulement posaient des questions, commençaient à s'éloigner, et ceux-là étaient appelés traîtres par le Parti. 

Les communistes disaient alors, comme les Khmers Rouges au Cambodge, qu'il n'y a pas le choix et qu'il y a des victimes (sacrifiées nécéssaires) pour la construction du socialisme.
La même illusion criminelle nous avons entendu ici avec les "victimes de la paix".
En face la même illusion avec les shahidim!

Comme Munich 1938, Budapest 1956, Prague 1968, nous devons avoir quelqu'un à gauche prêt à ouvrir les yeux, à demander, et à ouvrir la bouche. Combien à droite abandonneront une religion aveugle comme lorsque tous étaient aveugles face au Saint-Siège de la religion nouvelle à Moscou? Le message est différent, la façon de faire aussi; l'aveuglement et les victimes sont similaires.
Rien de nouveau sous le soleil: la route vers l'Enfer est pavée de bonnes intentions.
Avec cela, il y a peut-être différentes façons de voir la lumière.



33
Est et Ouest (Orient et Occident)
Je désire dans ce chapitre essayer de présenter des différences dans la façon de voir du monde entre les orientaux et les occidentaux. Ceci est opportun car spécialement en Chine la stratégie a toujours été un sujet important, une part essentielle de leur monde. Pour arriver à faire passer les concepts, je les présenterai sous différents angles.
Je tire ce chapitre du formidable petit livre "Traité de l'efficacité" de François Jullien cité à la bibliographie. Ce chapitre n'est qu'une faible introduction par rapport à son oeuvre.
C'est l'occidental que je suis qui se doit de penser aussi "en dehors de la boîte".

1 Dehors et dedans
Nous pensons en Occident, comme sujets actifs, nous voyons la réalité, nous voulons la transformer en quelque chose d'autre, la changer. Nous fixons des buts et des moyens (une stratégie!) et commençons à réaliser jusqu'à ce que la réalité rejoigne nos désirs.
Notre regard se fait comme si nous étions à l'extérieur du monde, peut-être ses maîtres, comme si nous pouvions comme avec de la pâte à modeler le changer en quelque chose d'autre.
En Orient on pense que nous sommes à l'intérieur, une part du monde. Nous agissons en son sein, et sommes dépendants de ses transformations et des circonstances. Bien sûr nous avons des buts, mais nous comprenons que pour les atteindre, il faut qu'existent certaines circonstances, qu'il n'est pas vraiment en notre pouvoir de créer, ou bien, que l'effort demandé pour les réaliser sans utiliser certains courants peut nous endommager, nous et nos forces.    
D'une autre façon: l'art stratégique chinois ne s'oppose pas au monde pour le diriger, mais entre dans les frontières des circonstances et en elles construit un choix de possibilités en potentiel. Lorsque les circonstances seront favorables (les fameux courants porteurs), le stratège poussera plus fort l'existant vers ses désirs.

2 la roue éternelle et le modèle
Nous agissons en Occident d'après la création de modèles, le façonnement du monde et des situations, la création de moules – fixes. Nous ambitionnons d'arriver à une situation idéale et de la maintenir. Comme si nous voulions créer une éternité. Nous pensons également que l'Histoire n'a qu'un sens, même si pas toujours clair. Les Chinois voient le monde comme mouvement infini pour toute chose entre existence et potentiel, duel éternel entre le Yin et le Yang, la chose et son contraire. Le mouvement s'écoule, lorsque l'un est fort, le second est faible mais à chaque situation de force son extrême, et après son maximum commence le processus inverse, le fort s'affaiblit puis devient le côté faible, puis recommence à se renforcer.
A nous d'utiliser ces courants porteurs à notre avantage.
 
Clausewitz lui-même devina cela dans sa description du point culminant et le processus de descente de la puissance qui se produit juste après. Il considère ce point culminant par la puissance de l'attaque de l'adversaire (point culminant). Que se passe-t-il alors? Le rapport des forces de façon naturelle s'inverse car l'attaquant n'a pas obtenu la décision, mais ses lignes sont tendues et sa défense est donc plus difficile, pendant qu'en face on se prépare à la contre-attaque. Exemple classique: Napoléon pendant son aventure jusqu'à Moscou, et Hitler 140 ans plus tard et qui n'a pas appris la leçon.
Lorsque l'ennemi se développe de sa façon maximale, si tu ne peux t'opposer, recroqueville-toi et attends que le moment passe.
Car dans ce sens, après le sommet doit arriver une baisse de puissance, et la situation peut s'inverser.

Les Chinois voient le monde comme des mondes de différents possibles, dans lesquels nous pourrons nous adapter afin d'utiliser les changements de circonstances à notre avantage.  
Les circonstances changent par influence mutuelle infinie entre deux contraires comme bien et mal, faible et fort, attention et négligence, plein et vide... Le jeux des forces change tout le temps et réagit – fait réagir au changement de l'autre côté de l'opposition.
Ce sujet éternel des courants explique pourquoi la stratégie reçoit ruse et stratagèmes comme naturels: ils sont partie du monde réel et ils existent plus que la volonté de l'homme occidental qui veut quelque chose et est prêt pour cela à entrer en collision contre ce monde des (situations) possibles.  


3 Sensation de la réalité, cause et résultats
Imaginons que nous regardons un début de bataille. Un côté est fort et concentré sur le terrain qui lui est favorable, contre un ennemi faible sur un terrain rempli pour lui d'inconvénients. Dans une telle bataille assurément le premier va gagner.
A des yeux occidentaux, de l'homme qui ne pense pas, les résultats (victoire/défaite) semblent naturels comme ils apparaissent sur le terrain car la situation a commencé d'une certaine façon, qui justifie ce résultat.
Dans la stratégie chinoise on veut que tu sois (ta force militaire) comme l'eau. Car l'eau épouse la forme de tout récipient et entre dans chaque coin possible, elle change de forme tout le temps, s'adapte mais entraine aussi une force qui contourne toute opposition.
Traduction: les conditions de début de la bataille sont déjà des résultats d'une action prolongée, secrète, silencieuse, qui a "naturellement" amené à ces conditions de départ de la bataille. Tout le temps tu as agi pour que cette situation soit ce qu'elle est, la situation vue de départ de la bataille sur le terrain, non, elle n'est pas une situation de départ mais le résultat de ton action (en liaison avec les circonstances) qui a fait tout glisser dans le sens que tu voulais. 

D'une autre façon: c'est ta stratégie vraiment, depuis le début – réel - de la campagne, qui a amené l'ennemi à être faible, à arriver à l'endroit que tu as choisi, avec de trop petites forces, pas organisées... il ne va pas perdre parce qu'il combat à un contre mille, il était clair qu'il perdrait; mais c'est toi qui a conduit des opérations, pour qu'il en soit ainsi, par la ruse, la manoeuvre et beaucoup d'autres choses en amont dans (le temps de) la campagne.
Alors tu es comme l'eau, t'adaptes à toute forme et te renverses avec grande force au bon moment. Après les supputations (chapitre 11) avant de commencer cette campagne, et l'établissement d'une stratégie juste qui a affaibli l'ennemi, la victoire est évidente, absolue avant même le premier engagement.
Lorsque tu as parfaitement utilisé les circonstances et leurs courants, tu vaincs un adversaire que ces circonstances ont mené tout du long sans qu'il comprenne ou essaie de les changer.
D'une autre façon: "Dans la culture de la Chine antique, la force et la faiblesse ne sont pas dépendants de la nature des combattants, mais de la situation dans laquelle ils se trouvent"   
(Pierre Fayard). C'est pourquoi il est important d'entrainer discrètement les circonstances en direction favorable à nos objectifs. Les circonstances ne viennent pas de nulle part, elles sont comme tu les a faites et comme tu en as profité. 

4 Utilisation des circonstances à ton profit
Le "je" occidental si imbu de soi-même, perd pour rien des forces à vouloir changer une réalité contraire à ses désirs, au lieu de s'y adapter ou au moins d'aller avec elle en harmonie.
A l'opposé, l'orient accepte la notion de "porteur", "soutien","avec potentiel". L'occidental aussi peut ressentir cela mais son sentiment reste un sentiment, pas une partie de conception du monde. Au contraire nous considérons ces sentiments comme illogiques et nous les repoussons. Or les Chinois évaluent et numérisent ces notions (re: chapitre 11).
Lorsque la situation nous semble favorable, c'est à nous de la renforcer pour l'utiliser au maximum, rouler avec elle jusquà la réussite. L'intelligence de cette réalité nous donne une flexibilité, nous permet d'économiser des forces et des ressources; et c'est pourquoi tu ne seras pas obligé de combattre par ce duel du choc qui épuise, mais tu pourras combattre les plans et les objectifs de l'ennemi, là est la clé du succès.      
Là la possibilité de se lever à nouveau comme un phénix contre l'ennemi épuisé par son combat contre les courants des circonstances.


Quelques conclusions supplémentaires 
§ Conception ou loi des systèmes
Au lieu de construire une idée générale fermée, il est préférable de comprendre les principes importants, de les identifier et d'être prêt à réagir face à une variété de situations. C'est ce que l'on fait concrètement dans les simulations: on utilise un éventail d'outils pour adapter une solution adéquate, sans a priori.    
§ Ruse et tromperie, stratagèmes, ne sont pas des sujets de dédain ou de critique par les belles âmes, comme si elles n'étaient qu'hypocrisie, mais fruits naturels de l'utilisation des circonstances et dans la colonne vertébrale de la stratégie. Elles changent dans un monde d'incertitude, elles sont donc partie intégrante du processus.
§ Bien qu'il reconnaisse que dans les faits, pas toute guerre oblige à se terminer ou finit par une grande bataille décisive, Clausewitz base sa théorie sur l'existence de ce principe. Les Chinois préfèrent l'utilisation des circonstances comme courant naturel et silencieux pour conduire les circonstances vers la situation désirée; et c'est préférable sans aucune bataille si possible. Souviens-toi que pour eux gagner sans combat, c'est la vraie et la plus belle victoire. Plus que cela, dans le cas de la guerilla par exemple, il n'y a pas de moment décisif, il n'y a pas de point décisif de la décision, il n'y a pas en fait d'événement notable, mais un courant ténu et infini qui – lentement – érode l'adversaire.
Toute situation qui nous érode nous menace de défaite.  
§ Le stratège chinois voit dans la victoire le résultat naturel d'une organisation efficace et du rassemblement de la population autour du leader. On parle de l'harmonie interne entre leader et gouvernance.  C'est en fait la clé du succès, être un peuple soudé agissant sous une administration efficace et précise. Pourquoi? Parce qu'efficace et précis, tu es fort en dedans et fort face à toute hostilité extérieure.
Je note le parallèle avec "les bonnes lois et les bonnes armes" de Machiavel.
La compréhension et l'intériorisation de ce dernier paragraphe est vitale.

En fin de ce chapitre je voudrais rapprocher Orient et Occident. Le britannique Liddell Hart, peut-être parce qu'il lut Sun Zu, arrive à de proches conclusions: "La perfection de la stratégie a sa base dans le fait d'amener la décision sans bataille véritable... Supposons que le stratège a le pouvoir de rechercher la solution militaire. Il peut y arriver aux conditions les plus favorables pour recevoir les meilleurs résultats. En conséquence, son but véritable ne sera pas tant de chercher la bataille que de rechercher une situation stratégique si avantageuse que si elle ne produit pas elle-même la décision, sa poursuite par la bataille permettra à coup sûr d'y parvenir. En d'autres termes, l'objectif de la stratégie c'est la dislocation... de la force ennemie, soit sa rupture plus facile dans le combat..."   

Je ne développerai pas plus le sujet, j'espère que j'ai réussi à expliquer cette vision du monde, différente de façon essentielle sur la stratégie et la guerre. Bien que le pur fruit du communisme soviétique, Yasser Arafat appartenait au Tiers Monde, aux "non-alignés" (sur l'Occident ou le communisme à la base soviétique), et l'influence de Mao Zédong, de Giap et de Ho Chi Min étaient sur lui dominantes. Il apprit d'eux entre autres le "conflit à intensité faible".

Le besoin de détruire l'armée ennemie ou au moins de la neutraliser ont amené à la préférence, par manque de choix, pas par volonté, au contact direct pour obtenir la décision absolue. C'est ce qu'il est convenu d'appeler la stratégie directe.
Mais comment arriver au but sans tomber dans le danger du contact direct? Ici l'Orient et l'Occident peuvent se rencontrer à nouveau, car nous abordons l'approche indirecte.




F L'APPROCHE INDIRECTE

Peu d'articles dans la grande presse (israélienne) évoquent ce sujet. Maintenant que nous avons réuni Orient et Occident et que nous observons la stratégie d'un regard plus large, il nous est plus facile d'avancer dans ce qui les réunit réellement: ce qui économise le sang, le contact indirect au lieu du choc, ce qui est une chose bienvenue lorsque réalisable.

Pourquoi j'écris approche? (et pas stratégie, guerre...) Parce que d'en haut, au niveau politique, pas seulement sur le champ de bataille, on utilise cette approche. D'ailleurs en mercatique (marketing) on l'utilise aussi comme avec les relations publiques en face de la publicité. J'intègre dans l'approche, tout mouvement, même dans la pensée, qui cherche à éviter le choc frontal, la décision en un instant ou une bataille. Cette approche désire éviter le contact direct et son haut coût, elle joue avec le temps et l'usure. Je simplifie aussi et rassemble sous ce titre une approche et des concepts que les stratèges ont tenté de différencier: pour Liddell Hart par exemple il y a la stratégie d'approche indirecte, qui est différente de la stratégie indirecte. Cela crée confusion et serait superflu dans ce précis.     

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Le contournement
Nous commencerons par lui pour entrer dans le sujet de façon reposante. Le contournement peut s'effectuer dans le champ diplomatique. L'approche de choc, front contre front, est préférable au côté fort. Son coût peut être élevé, même très, c'est pourquoi il est préférable de ne pas l'utiliser.
Que voulons-nous vraiment de la bataille ? Casser le centre de gravité des forces ennemies, défaire l'équilibre pour créer des brêches dans sa défense jusqu'à ce qu'il commence à chercher une voie pour fuir. Nous voulons aussi surprendre car cela va nous aider à casser cet équilibre, et cela touchera aussi le moral.
 

Le déploiement des forces armées sur le champ de bataille est défini en général en trois parties, le centre, l'aile gauche et l'aile droite. Notre aile gauche contre son aile droite. Le but de la manoeuvre est de choisir un côté et commencer à le contourner pour l'attaquer de côté ou par derrière. Envelopper des forces ennemies d'une direction non prévue et briser sa stabilité. C'est dangereux car tu sépares des forces de tout renfort et de tes lignes de communication; parce que tu diminues aussi tes forces sur le front (dit) principal. D'un autre côté, tu forces l'ennemi a tourner des forces vers un nouveau front, il doit organiser un nouveau déploiement, sans réellement savoir combien de forces il faut et si le nouveau front est vraiment dangereux. Le problème est double pour la manoeuvre et l'organisation des forces:
§ La nature des forces attaquées est importante, est-il capable de tenir le coup en défense et d'empêcher la ligne de se briser ? 
§ Dans les unités aussi, les mouvements internes de contruction d'un front défensif qui convient sont sujettes à la friction, difficiles à réaliser et plus encore sous le feu du combat. C'était un entraînement de base intensif en Chine et à Rome: comment un groupe de soldats se transforme (par exemple) de carré en cercle et change de direction. Le soldat n'est pas le maître de son propre destin, il appartient à une équipe qui appartient elle aussi à un groupe plus large. Un changement de direction ou de genre de combat (attaque/défense, tenue/mouvement...) impliquent un temps de réaction et une faiblesse momentanée.


Le but de l'attaquant dans le contournement est de casser les lignes de défense de l'adversaire et de lui causer le sentiment de la défaite, le début de sa fuite, la compréhension qu'il n'a plus de marge de manoeuvre sauf la fuite (ou bien se rendre).
Par le contournement on peut obtenir plus facilement la victoire et avec moins de blessés. Pourquoi courir en face des lignes de défense fortes de l'ennemi, subir le feu organisé et essuyer l'échec de l'assaut? ("Lancer la tête contre le mur").
On utilise pour le contournement des forces régulières ou qui ont été cachées et on crée la surprise qui touche le moral de l'ennemi, comme si c'est évidence que l'équilibre des forces est cassé.
L'initiateur du contournement est l'attaquant, celui qui fixe ce qui va se passer et quand, voilà pourquoi son avantage, contre celui qui doit seulement réagir tout le temps et doit deviner ce qui va arriver.

Exemples de contournement
Stratégie militaire générale - les Allemands de Gudérian qui contournent la Ligne Maginot avec les blindés en Mai 1940 pour l'invasion rapide de la France.    
Stratégie économique - Napoléon voulait isoler l'Angleterre du continent européen, établir un boycott. Mais par sa flotte monumentale et son vaste Empire, l'Angleterre a réussi à l'empêcher.
Sur le terrain - plus près de nous, la guerre du Kippour, Ariel Sharon traverse le canal de Suez et l'armée égyptienne prise à revers se retrouve sans eau. Et bien d'autres exemples...
      
Cependant, le contournement n'annule pas la bataille elle-même, le choc, elle le modifie, elle diminue la force de l'ennemi dans le cas du simple choc sur la ligne de rencontre prévue. Le contournement à lui seul ne peut annuler le choc prévu, tout contact physique sérieux. 
Ce n'est pas que l'on n'essaye pas, comme par exemple de paralyser l'ennemi comme cela est arrivé contre nous (les Israéliens). L'unique façon de faire est d'intégrer la campagne militaire dans la campagne globale, plus large, de réduire l'importance du champ de bataille physique vers les autres éléments du conflit.
C'est cela la stratégie indirecte.
Je vais présenter ici un raccourci de chapitre du livre du général André Beaufre, "Introduction à la stratégie". A côté de concepts que nous avons déjà vus, nous entrons dans le champ nouveau de la guerre dite "moderne". Encore une chose, ce n'est pas grave si tout ne te paraît pas (cher lecteur) clair à la première lecture, je développerai dans les chapitres suivants pour que l'image totale soit claire.
Les passages cités sont tirés de l'anthologie de Gérard Chaliand, eux-mêmes sortis du livre du général André Beaufre – cf bibliographie – longtemps épuisé et que je cherche encore.  

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La stratégie indirecte
Les chapitres suivants sont pour moi parmi les plus importants du Précis: comprends cher lecteur que ce livre fut écrit il y a près de quarante ans, ce qui veut dire que oui, tout, vraiment tout était écrit; également sur le sujet propagande/communication, car ce n'est pas de la prophétie, tout cela était déjà arrivé, et donc analyse inouie de tendances historiques existantes. Yehoshafat Harkabi rappelle l'oeuvre du général Beaufre dans les années quatre-vingt dix. Si seulement ce livre avait été enseigné dans les écoles militaires et politiques ici, et en Occident, nous aurions évité beaucoup d'erreurs et économisé beaucoup de sang.

Dans l'inspiration du contournement qui veut arriver à la victoire sur le champ de bataille, le côté faible a développé une stratégie globale, complexe, qui veut empêcher la décision sur ce même champ de bataille. Dans la période atomique et de décolonisation, cette stratégie a obtenu des résultats des plus notables.
Dans cette guerre, la recherche manoeuvre/action de l'armée devient un élément essentiel car une intensité élevée de violence ou du conflit met en danger la paix mondiale. Pour une puissance régulière comme un Etat, la liberté de manoeuvre est limitée. L'utilisation des forces doit être silencieuse, presque non sentie. C'est comme cela que l'Occident a perdu le Sud-Est asiatique, une partie de l'Afrique, une partie des Amériques Centrale et du Sud. 

Beaufre se rapproche de la définition "chinoise" de la situation, lorsqu'il écrit que "tous ces résultats ne sont pas le produit fatal de l'évolution historique, ils sont le résultat d'une utilisation judicieuse des tendances naturelles de l'évolution par des manoeuvres exactement calculées, selon une stratégie très précise, celle que nous appelons la stratégie indirecte... (qui apparaît) comme l'art de savoir exploiter au mieux la marge étroite de liberté d'action échappant à la dissuasion par les armes atomiques et d'y remporter des succès décisifs importants malgré la limitation parfois extrême des moyens militaires qui peuvent y être employés".
Décisif: événement militaire avec de profondes influences à long terme dans la région, tournant historique. A partir de cette définition faite plus haut dans le texte, Beaufre commence son analyse.
A noter: lorsque Beaufre écrit, l'arme atomique est principalement bipolaire, USA et URSS, Ouest contre communisme. Or aujourd'hui elle est disparate et des Etats / organisations non gouvermentales fanatisés cherchent à l'obtenir. La situation est donc encore pire.  

En d'autres mots, la guerre du faible contre le fort. L'idée directrice: inverser en dehors du champ de bataille physique un rapport de force négatif. Ne pas se tromper: le but de la stratégie indirecte est bien la victoire politico-militaire, à l'aide d'instruments différents de la sphère uniquement militaire. Le leader qui l'utilise recherche en permanence la liberté de manoeuvre. De façon paradoxale la menace globale, nucléaire, a renforcé plus d'une fois la liberté de manoeuvre dans des conflits locaux, comme dans le cas qui nous occupe.

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Conception de la manoeuvre indirecte
La liberté de manoeuvre est presque indépendante de ce qui se passe sur le terrain. Elle se base principalement sur des facteurs externes à ce qui se passe sur ce même terrain: fixation des frontières internationales, des possibilités liées à l'état d'esprit (y compris morales) de l'ennemi; de sa sensibilité face à des opérations planifiées et des pressions extérieures etc...
Beaufre souligne: "...on n'a pas vu que l'essentiel de la lutte ne se jouait pas sur le terrain des combats mais en dehors de lui. C'est en général ce grave contresens qui a entraîné les trop nombreux échecs que nous avons subis."
Beaufre se réfère surtout au Viet-Nam et à l'Algérie. Il explique la manoeuvre indirecte en six parties. Je cite:

A Conception de la manoeuvre extérieure
"L'idée centrale de la manoeuvre extérieure est de s'assurer le maximum de liberté d'action en paralysant l'adversaire par mille liens de dissuasion, comme les Lilliputiens avaient su enchaîner Gulliver. Naturellement – comme toute dissuasion – il s'agit d'une manoeuvre psychologique faisant concourir à ce même but les moyens politiques, économiques, diplomatiques et militaires.
Les procédés de dissuasion employés vont du plus subtil au plus brutal: on fera jouer le respect des formes légales du Droit intérieur et international, on fera valoir les valeurs morales et humanitaires et l'on cherchera à donner à l'adversaire une mauvaise conscience dans la lutte en le faisant douter du bien fondé de sa cause; on créera ainsi l'opposition d'une partie de son opinion intérieure tandis qu'on soulèvera, si on le peut, telle ou telle fraction de l'opinion internationale, créant une véritable coalition morale dans laquelle on entrainera des sympathisants naifs, séduits par des arguments adaptés à leurs préjugés; ce climat sera exploité à l'ONU par exemple ou dans d'autres réunions internationales, mais il sera surtout employé comme une menace destinée à empêcher l'adversaire d'entreprendre telle ou telle action... (on menacera) d'intervention directe..."

Le terme d'observateurs n'apparaît pas. Et je ne parle pas d'une autre conclusion: l'accusation d'une riposte disproportionnée. Bref, on n'en sort pas. 

Cher lecteur, ce passage ne te rappelle-t-il pas quelque chose? A eux le droit de mentir, de jouer les faibles ("nous n'avons même pas de tanks!"), de parler de couvre-feu, de blocus, de massacre (qui est évidemment un génocide) etc...
Et nous tombons dans le piège, et l'Occident aussi, nous donnons à ces gens respectables à continuer de pleurnicher; une partie de nous oublie à qui nous avons affaire, ne veut pas voir en regard droit comment on nous crache dessus.     
Cette mansuétude incessante face à la propagande de l'ennemi épouvante encore plus en tant que symbole de l'effondrement du respect de soi-même. Loi humaine: si tu ne te respectes pas toi-même, commment veux-tu que les autres le fassent?

Beaufre continue: "Mais cet ensemble de procédés ne peut être employé avec efficacité que si deux conditions sont réalisées: d'abord que la force militaire de dissuasion (nucléaire ou classique) constitue une menace globale suffisante pour paralyser les réactions et ensuite que l'ensemble des actions prévues s'inscrive dans une ligne politique convenablement choisie pour former un tout cohérent..."
 
Une ligne politique à long terme: la disparition de l'Etat d'Israel, la création d'un seul Etat sur tout le territoire. Je veux ici rappeler que depuis le début de la deuxième intifada, qui fut programmée bien avant la fin Septembre 2000, des commentateurs expliquaient qu'il s'agissait d'une décision stratégique d'Arafat d'utiliser la violence. Seuls les aveuglés parmi nous ne voulurent pas accepter ces faits et virent dans la montée de Sharon sur l'esplanade du Temple la raison (de cette intifada).  
Combien un homme peut-il se mentir à lui-même? Combien de femmes battues croient encore que demain, après-demain, bientôt, le mari violent se calmera; et qu'après tout elles sont peut-être aussi coupables? C'est ainsi que nous sommes devenus un peuple battu.     

Beaufre: "Chose curieuse, on a pu constater dans ce domaine que l'on pouvait en matière psychologique s'approprier des positions abstraites, tout comme en guerre militaire on s'empare d'une position géographique et on l'interdit à l'ennemi."
En marketing (mercatique) on appelle cela une position dans la tête des clients, des consommateurs, c'est une base du marketing, la notion de positionnement, et de l'importance de la marque (exemple Volvo = sécurité, Mercedes = luxe etc...).

"Les Soviétiques ont ainsi réussi à faire admettre que le rideau de fer était une barrière politique étanche dans le sens ouest-est alors qu'elle est perméable dans le sens est-ouest, ils se sont appropriés la plateforme de la paix, celle du refus des armes atomiques (qu'ils ont pourtant développées), celle de l'anticolonialisme alors qu'ils possèdent le seul empire colonial qui subsiste encore".
Déjà une part de l'opinion publique occidentale était totalement aveuglée par une propagande merveilleuse qui incluait le recrutement d'une cinquième colonne, les partis communistes dans tous les pays avec des mouvements manipulées par Moscou comme "compagnons de route".
Je signale d'ailleurs le parallèle facile entre la propagande communiste importée d'alors avec celle des imams d'aujourd'hui, il suffit de remplacer Moscou par Téhéran et on a la même chose, ceux qui détruisent de l'intérieur, sur le territoire national tourné en sujet de dérision, avec cette fois la haine multipliée par le refus culturel, de civilisation, haine et rejet total.  

B Conception de la manoeuvre intérieure
Avec une manoeuvre extérieure construite, il reste à établir un plan d'action pour le terrain géographique sur lequel nous voulons des résultats, et c'est la "manoeuvre intérieure".   
Nous vérifions le sujet d'après trois critères: forces physiques (militaires), forces morales, durée (dans le temps).
Deux sortes extrèmes de manoeuvre stratégique: 

La première par la supériorité ponctuelle des forces militaires: "réaliser très vite un objectif partiel... puis paraître s'arrêter... manoeuvre par objectifs successifs relativement modestes coupée de négociations... manoeuvre de l'artichaut". (Les Allemands et les Israéliens l'appellent la tactique du salami, chaque fois une tranche). Beaufre donne l'exemple de Hitler avec la réunification allemande des années 1936-1939.
La seconde manoeuvre est celle de la lassitude, des conflits de longue durée, entretenus comme tels par intention afin de devenir de plus en plus lourds pour l'adversaire. Beaufre cite Mao Tsé-Toung et l'Algérie.     
On peut bien sûr passer d'une à l'autre de ces formules extrêmes.

C Manoeuvre par la lassitude
Beaufre: "La conception de la "manoeuvre par la lassitude" est extrêmement intéressante parce qu'elle est vraiment très subtile. Il s'agit d'amener un adversaire beaucoup plus fort que soi à admettre des conditions souvent très dures et en n'engageant contre lui que des moyens extrêmement limités. C'est alors que joue à plein la formule des variables complémentaires que nous avons déjà rencontrée: l'infériorité des forces militaires doit être compensée par une supériorité croissante des forces morales à mesure que l'action dure davantage. Ainsi l'opération se développe simultanément sur deux plans, le plan matériel des forces militaires et le plan moral de l'action psychologique."

Quel était l'important pour ne pas tomber dans le piège de la seconde intifada?  
Bien sûr que pendant le temps de l'intifada, contre le besoin pour l'Etat d'Israel de faire face à l'usure de la guerre, sans terme prévisible d'amélioration, l'Autorité avait la chance de pouvoir transformer l'examen en réussite.
Il fallait donner à l'ennemi à tomber de lui-même jusqu'au bout, et non lui donner une corde de sauvetage une fois et puis encore une fois – encore une rencontre, "il est le partenaire", "ne pas l'effondrer", "le moins pire"...

Cette situation oblige à créer un front de communication avec des messages simples, clairs, avec un timing organisé. Nous avons assez entendu parler de l'incapacité des gouvernements d'union nationale avec une direction "à gauche" pour le réaliser. Comment serait-ce possible lorsque par nous-mêmes nous ne faisons que chercher des prétextes pour expliquer / justifier la conduite de l'autre côté? (D'aillleurs la cacophonie n'est pas propre à la gauche...)
Fatigués de se battre, de l' "occupation", érosion, cela te rappelle-t-il quelque chose?

D Plan matériel
Beaufre: "Sur le plan matériel il s'agit d'abord de durer. Cet objectif que Raymond Aron considère comme le but ultime de la stratégie est bien en réalité le but de toute manoeuvre par la lassitude."
Parenthèse: très difficile de trouver dans chaque langue un parfait équivalent au mot durer dans sa connotation, son sens riche utilisé ici.
Beaufre explique que "dans une grande infériorité de moyens on ne peut espérer survivre qu'en refusant le combat et en employant une tactique de harcèlement pour maintenir l'existence du conflit."
Immédiatement Beaufre nous amène la guérilla, mais si elle est vieille comme le monde et ne fait que réapparaître à chaque génération, cette tactique a reçu un enracinement et un approfondissement stratégiques qui l'ont rendu beaucoup plus efficace. Ce facteur a réduit "notablement le déséquilibre des forces matérielles."
Beaufre continue en développant le thème de la guérilla sur lequel je consacrerai un chapitre.

Non, les Palestiniens ne renonceront à rien pour la réalisation de leurs buts ultimes.
Comment pourrons-nous neutraliser leur volonté de continuer, d'y croire (que ce n'est pas réalisable, que le combat ne vaut pas le coup)? Avons-nous réellement commencé à nous occuper de ces questions? Est-ce qu'en parallèle cela justifie de ne rien faire ou que cela nous force à être entraînés après une droite extrêmiste et anti-sociale?


E Le plan psychologique
Là aussi l'important est de savoir durer, conserver la permanence. Dans ce but, il est impératif de développer et de renforcer à haut niveau les forces morales des combattants et de la population. Le levier moral est critique. En parallèle, il faut évidemment affaiblir la force de résistance de l'ennemi.
Beaufre: "Cette action psychologique complexe, puisqu'elle doit s'adresser simultanément aux combattants et à la population, amis et ennemis, repose sur deux éléments principaux, la "ligne politique de base" et le choix de la tactique psychologique."
      
"La ligne politique de base... doit être telle qu'elle puisse mobiliser en vue de la lutte les passions latentes du peuple que l'on veut émouvoir. En outre, ces passions (patrotiques, religieuses, sociales,etc), doivent être présentées selon une orientation qui démontre la justice de la cause que l'on veut soutenir. De même le sucès de l'opération doit paraître certain... (par exemple) parce que "Dieu (ou d'obscures forces historiques) est avec nous". Le déterminisme historique, en prédestinant l'histoire dans le sens désiré... crée une sorte de fatalisme historique optimiste (et symétriquement pessimiste chez l'ennemi)".
"Les tactiques psychologiques comportent évidemment l'emploi des techniques aujourd'hui bien connues de propagande, d'endoctrinement et d'organisation de la population par un encadrement serré et soigneusement surveillé. Mais dans ce genre de guerre il est surtout indispensable de comprendre que les seuls succès sont d'ordre psychologique, donc que toutes les actions matérielles n'ont d'intérêt que par leur valeur pour relever le moral ou le  prestige des combattants ou de la population... D'autre part, si les succès font défaut ou sont minimes, le bluff – voire le mensonge total – pourra les suppléer."
Beaufre continue: "Grâce aux manoeuvres extérieure et intérieure conduites en parfaite symbiose, le conflit d'abord mineur peut s'enkyster puis se développer et durer. Si la manoeuvre extérieure produit le minimum indispensable de dissuasion, et si la manoeuvre intérieure n'est pas étouffée dès le début, les meilleures chances existent pour une issue victorieuse. Au mieux on aboutira à la renonciation à la lutte par l'adversaire (Tunisie, Maroc, Algérie). Si la manoeuvre extérieure ne réussit pas à empêcher l'intervention d'autres puissances, on débouchera sur un compromis sous la forme d'une partition (Israel, Indochine). Si la manoeuvre extérieure ne réussit pas à alimenter suffisamment l'action intérieure et si l'adversaire s'accroche, alors on va à l'échec (Kenya, Malaisie). Mais les germes semés pendant la lutte se développeront plus tard et, au minimum, on aura imposé à l'adversaire un effort considérable au prix de moyens dérisoires.
Cette dernière considération souligne l'intérêt de la manoeuvre par la lassitude: bien menée, strictement raisonnée, elle ne présente qu'un minimum de risques, alors que ses dividendes possibles sont considérables et que, même en cas d'échec, on a usé l'adversaire sans s'user soi-même."
Je reviens là-dessus: le Général Beaufre écrivit ces lignes il y a plus de quarante ans. Il n'était pas prophète, c'était déjà la réalité. Il analysa "simplement" cette réalité et tenta de construire une base de pensée structurée pour y faire face. Combien parmi nos "hommes d'état", nos illustres savants et docteurs et pudels, ont eu seulement connaissance de ces écrits?           
Je reviendrai plus tard sur un autre exemple historique de ratage, le cas Galula.  

F Manoeuvre de l'artichaut
Beaufre: "(Elle) est beaucoup plus simple, en ce que dans sa phase d'éxécution intérieure elle repose surtout sur des calculs de stratégie militaire. Par contre, la manoeuvre extérieure y joue un rôle aussi décisif que dans la manoeuvre par la lassitude. On l'a bien vu à l'occasion de Suez et du Sinai, où le succès militaire a été sans influence sur l'échec final de l'opération, dont la couverture extérieure était pratiquement nulle."

Question capitale:
Comment arriverons-nous un jour à traduire un succès militaire en succès politique? Au "faible" la défaite se tranforme en victoire; on le revoit encore en Novembre 2012 à Gaza. 1956, 1973, 1983, 2001, 2009, 2012 - entre autres, et les mêmes leçons non apprises.

Besoin d'expliquer l'intention de Beaufre: en 1956, La France et l'Angleterre, et Israel derrière, se sont couchés face aux pressions parallèles et conjointes des Etats-Unis et de l'URSS. Le Général Beaufre dirigea les forces françaises dans la région pendant cet épisode. Militairement (à l'intérieur) l'opération fut un succès notable, mais politiquement (à l'extérieur) l'opération échoua: comme si rien ne s'était passé, au contraire, l'Europe perdit définitivement le contrôle du canal de Suez.

On coupe la stratégie et l'avance sur le terrain en petites parties et on avance tout doucement. Pour la réussite de cette manoeuvre il est très important de réaliser sur le terrain une attaque surprise, de créer vite et fort un "fait accompli", duquel on ne pourra pas revenir en arrière.
L'auteur donne comme succès les mouvements d'Hitler sur le côté gauche du Rhin et ses entrées en Autriche et en Tchécoslovaquie. L'avantage était dans l'action rapide chaque fois, moins de 48 heures. C'était alors le minimum requis en temps pour recevoir une réaction diplomatique internationale. On ne fait pas dans la dentelle: il faut une action énergique, forte, le coup de poing surprise, quelque chose qui rappelle "Homat Magen – Muraille de Défense" de 2001. On n'improvise pas une telle opération.

C'est pourquoi, condition supplémentaire à l' "approbation" par la communauté  internationale du fait, que son objectif soit vu comme assez limité pour être entériné. Le Général Beaufre rappelle que le jeu a réussi trois fois jusqu'aux accords de Munich.
Il rappelle aussi l'exemple israélien et de son usage (intelligent à cette époque).

Je dois demander si - lorsque nous sentons que nous réagissons toujours plutôt que d'être les initiateurs, c'est à dire quand le sentiment général est que par exemple Arafat (ou Nasrallah, ou le Hamas) est toujours l'initiateur et nous entraine vers une réaction – est-ce aussi le signe que cela aussi, l'utilisation que nous avions autrefois de cet instrument, nous l'avons perdu à l'avantage de l'ennemi? Les Palestiniens ne nous ont pas seulement volé la sémantique sioniste, ils ne nous dérobent pas seulement, avec notre consentement par inaction, notre histoire ici-même, mais ils nous ont volé l'initiative politico-militaire que nous avions toujours. Le comble, la cerise sur le gâteau est peut-être le 29 Novembre 2012.

Dans le chapitre suivant notre cher Général nous présente des idées sur le comment faire face au contournement. Je les rappellerai par la suite. Il souligne que depuis 1935, cette stratégie n'a quasiment connu que des succès.



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La guérilla
Malgré son nom récent et donc son appréhension moderne, elle est en fait très ancienne.
Napoléon essaya de créer des dynasties liées à la France pour renforcer son Empire et combattre l'Angleterre. Dans ce but il conquit l'Espagne et nomme son frère roi d'Espagne. Les Espagnols reçurent au début les Français à bras ouverts comme des libérateurs du joug Anglais. Ils s'aperçurent soudain que leur grand espoir est au total le remplacement d'une  occupation par une autre et commença un soulèvement populaire, la guerre du peuple espagnol contre les occupants français. Les conséquences militaires furent catastrophiques pour la France, un pompage sans fin de forces et de ressources. Le nom du soulèvement fut la "petite guerre": la guérilla. De là le terme a prospéré. Je ne détaillerai pas dans ce chapitre tout ce qui la décrit, seulement le minimum à rappeler.

Loin dans l'Histoire, des organisations ou des états se sont servis des outils de la guérilla. Le plus connu n'est autre que Hassan Abou Sabbah, le vieux de la montagne, qui vécut entre les années 1056-1124. Après de nombreuses aventures il arrive dans les montagnes de l'Ebourz en Iran, et là dirige une troupe qui occupe la forteresse d'Alamut, endroit isolé et défendu par la nature à 1800 mètres de hauteur. A l'aide d'une doctrine religieuse dure et de la culture du hashish, il organisa des assassinats à forte échelle, sans comparaison. Il causa une grande instabilité dans les régimes de la région. Utilisant la menace d'assassinat par les hommes de ses troupes, d'où est tiré le mot "assassins" ("les hommes du hashish" parmi les sources plausibles), il créa une atmosphère de peur et de suspicion dans tous les royaumes autour. Ses gens étaient drogués avant leur mission et croyaient aller au paradis, prêts à mourir en tuant, c'est à dire des terroristes suicidaires déjà il y a 900 ans.
Un endroit difficile à atteindre, une petite force très militante, une croyance religieuse profonde, un lavage de cerveau et des slogans répétés sans cesse, une organisation huilée et un charisme exceptionnel du leader, il n'en fallait pas plus; déjà alors.

La guérilla souligne la guerre du faible contre le fort, et aussi le fait que le fort conquiert ou menace un territoire d'une population qui soutient (toute ou partie) les combattants. Ils sont en fait à la maison, sur leur terre et dispersés dans la population civile innocente.

Pour raccoucir les définitions je reviens sur les caractéristiques de Yehoshaphat Harkabi, qui par son intelligence a su réunir en une page deux sortes de "petite guerre": la guérilla et le terrorisme, avec ça et là quelques différences. Il nous parle d'intensité de violence limitée, prolongée très longtemps dans un combat patient, avec une frontière physique très trouble, de l'importance du facteur humain (et non du matériel), d'un grand éparpillement et non de centralisme, de batailles minuscules - s'il y en a, jusqu'au stade final, la volonté d'épuiser et de faire partir l'adversaire, la manoeuvre tactique.
Tout le "jeu" de la guérilla est d'éviter la guerre ouverte des batailles, et d'épuiser les troupes, leur moral et celui du pays qui les a envoyé vers le territoire occupé. Petites opérations, brouillard quant aux communications, sur l'approvisionnement du combattant. Il est "chez lui", sur sa terre, facile pour lui de trouver soutien et cachettes.

Contre l'armée lourde, avec le matériel le plus perfectionné (ou pas!), chaque homme passe du soldat au guerrier. Je veux dire qu'au lieu d'apprendre un seul travail militaire spécialisé, défini dans une arme ou une organisation; le guérillero est censé être capable de tout faire tout seul, d'utiliser un éventail d'armes variées. Plus que tout, il peut prendre l'initiative sur le champ et utiliser à son avantage toute trouée d'après sa seule volonté: il est et soldat et chef. L'importance est sur la qualité de chaque homme, moral compris. 


Revenons un instant au Général Beaufre sur son chapitre sur la guérilla que j'ai auparavant passé. Il rappelle deux concepts principaux pour assurer le renforcement de la liberté de manoeuvre dans la guérilla par les combattants locaux:
Le premier, des Soviétiques, était utilisé aussi par les Irlandais. Empêcher le découragement et donc le renoncement de la population en lui imprégnant la peur, pour empêcher qu'elle renseigne l'occupant par une terreur systématique (qui frappe tout le monde). Il ajoute, et pas pour rien: "Nous avons pu évaluer en Indochine et en Algérie l'efficacité de la méthode dont la cruauté n'a cependant pas soulevé l'indignation de l'opinion mondiale."
 

Question: que fait l'Autorité Palestinienne - et quant au Hamas fasciste religieux à Gaza on n'en parlera pas – à tort...) aux journalistes étrangers, aux citoyens qui rêvent de paix, est-ce que cela nous change du texte de Beaufre ? Puisque le monde se tait on ne peut encore toucher à la "conscience mondiale" sur le sujet.
Mais cette guerre là aussi, on ne la fait pas.

Le second concept est de prendre l'envahisseur au piège pour qu'il ne veuille pas reculer, mais qu'il soit de plus en plus difficile pour lui de défendre tout le territoire conquis. Le coût est tout simplement trop élevé en plus de la pression interne face aux pertes et à l'éloignement. Beaufre donne l'exemple algérien: 300.000 soldats français étaient sur le terrain pour 30.000 combattants rebelles.
A long terme on te veut dehors, mais d'abord on te cassera fort jusqu'à ce que tu veuilles fuir pour toujours. 
Sémantique: devrais-je les appeler des "activistes" comme on le fait en France / Europe pour des terroristes palestiniens ? Les talibans sont-ils des activistes ? Et au Mali ?  
       
Le Général Beaufre ajoute: "Enfin, les forces de guérilla – dont l'usure est terrrible – doivent être entretenues et constamment développées pour que la pression soit croissante. Ceci nécessite un système initial de contrebande d'armes... (écrit 40 ans avant la prise du bateau Carine A et les tunnels de Gaza) ...suivi dès que possible de l'établissement de bases proches du territoire attaqué dont l'inviolabilité sera assurée par les moyens de dissuasion de la manoeuvre extérieure. ...Certains auteurs ont vu dans l'organisation de ces bases l'élément décisif de ce genre de guerre." A cause du manque de bases de ce genre Beaufre explique les échecs de la Malaisie et du Kenya.
Or je voudrais rappeler que nous ne sommes plus à Gaza. Ils sont chez eux et nous chez nous. Les Palestiniens l'ont fait à Tunis, au Liban pendant des années, un état dans l'état. On leur a donné les zones A comme souverains dans lesquels ils nous est interdit de rentrer. Seulement après des années d'imbécilité éblouissante, nous avons compris qu'il nous fallait entrer, et nous avons appris à le faire de mieux en mieux avec le temps, sans tomber dans les pièges.
D'ailleurs, même les Américains ont fait de même en Syrie (en partant d'Irak), eux aussi ont appris la leçon.


Un exemple de notre proche histoire: T. E. Lawrence (d'Arabie). Il utilisa la guérilla tout le temps contre les Ottomans (les Turcs d'alors), évita les batailles rangées, causa l'usure de leurs  forces, les usa. Intéressant, au-delà de son livre de mémoires et d'autres articles antérieurs, qu'en 1926 il publia dans l'Encyclopedia Britannica un article au titre guérilla. Qu'écrit-il donc dans ce brillant article? (Tiré de Anthologie mondiale / Chaliand cf biblio)
"La fin logique d'une guerre de croyances est la destruction définitive de l'une des deux parties... Le facteur algébrique avait à tenir avant tout compte de la zone à conquérir (il effectue un calcul simple)... Le Turc était stupide et croyait que la rébellion était quelque chose d'absolu, comme la guerre, et qu'il la traiterait de façon analogue à la guerre absolue. §Après le paragraphe mathématique Lawrence passe au plan "biologique" qu'il appelle aussi "l'usure et les larmes"§
 ...La plupart des guerres sont des guerres de contact, les deux forces s'efforçant de rester proches afin d'éviter toute surprise tactique. La guerre arabe, elle, devait être une guerre de rupture: contenir l'ennemi par la menace silencieuse d'un vaste désert inconnu et en ne se découvrant qu'au moment de l'attaque... Le troisième facteur était psychologique... Notre véritable but stratégique était de chercher son point le plus faible et d'y exercer une pression jusqu'à ce que le temps fasse tomber l'ensemble de son édifice... L'armée arabe devait imposer aux Turcs la plus longue défense passive possible... On recherchait un maximum d'irrégularité et de souplesse..."
La fin de l'article n'est pas moins claire:
"Voici la thèse: la rébellion doit avoir une base inattaquable, un lieu à l'abri non seulement d'une attaque mais de la crainte d'une attaque: une base comme la révolte arabe en avait dans les ports de la mer Rouge, dans le désert ou l'esprit des hommes qui y souscrivaient. Elle doit avoir un adversaire étranger à l'équipement perfectionné, qui se présente sous la forme d'une armée d'occupation disciplinée, trop petite pour satisfaire à la règle du rapport effectifs-superficie, trop réduite pour adapter le nombre à l'espace, en vue de dominer toute la zone de façon efficace à partir de postes fortifiés. Elle doit s'appuyer sur une population amie, non pas activement amie mais assez sympathisante pour ne pas informer l'ennemi des mouvements des rebelles. Une rébellion peut être menée par deux pour cent d'éléments actifs... la victoire appartiendra aux insurgés car les facteurs algébriques sont en fin de compte décisifs, et contre eux, la perfection des moyens et la lutte morale restent vaines."

Lawrence publia cet article en 1926 mais à la Guerre du Liban II, quatre-vingt ans après, à l'Etat-major de Tsahal, comme pour la première guerre du Liban, on ne savait pas ce qu'est la guérilla, comme Dan Halouts (le chef d'état-major d'alors, ancien chef de l'Armée de l'Air) ne savait pas ce qui est important au dessous des ailes des avions et tout le monde s'est tu.  


Peut-être à cause de l'ignorance générale, peut-être parce que Lawrence fut considéré par nous comme un ennemi, le type de "l'anglais ultime" dans le mauvais sens du terme, qui aida les Arabes et donc contre nous. Mais refuser les leçons et l'expérience de nos ennemis pour construire une stratégie c'est une idiotie. Au contraire! Après leur immense échec contre la Prusse, les Français ont cherché une source d'inspiration et ont découvert Clausewitz le prussien. Les Allemands ont appris sur les blindés de de Gaulle, mieux et plus vite que les Français eux-mêmes. Pour nous, et cela sans parler de la littérature arabe elle-même comme Al-Muttaki, Al-Bokhari, Al-Tabari ou les livres de stratagèmes.

Je terminerai avec Mao Zédong (Mao Tsé-Toung), cité par Beaufre et de nombreux autres. Je dois rappeler que Mao écrivit des livres sur ces sujets déjà dans les années Trente. Là aussi, il n'y avait aucun secret. Lorsque Beaufre présente Mao, il définit son grand combat (pour arriver au pouvoir) comme "lutte totale prolongée de faible intensité". Arafat savait Clausewitz, Sun Zu, Mao et les autres. Il avait rencontré Giap. Seul Ariel Sharon était, semble-t-il, connaissant comme lui et capable de faire face.                                                      

Beaufre: "Mao définit en sept règles l'essence de la guérilla: accord intime entre les populations et les guérilleros, repli devant une avance ennemie en force, harcèlement et attaque devant un repli ennemi, stratégie à un contre cinq, tactique à cinq contre un... (par le repli centripète qui rassemble les forces en retrait)... enfin logistique et armement grâce aux prises sur l'ennemi... (Elles sont) le minimum nécessaire."  

Encore un point que Mao, déjà alors, nous rappelle: dans la guérilla il n'y a pas de centre de gravité unique et clair. Tant que les combattants se déplacent librement, le conflit est partout et pas de possibilité de casser l'équilibre puisque pas de centre de gravité important pour la guérilla. Le combat est toujours en mouvement, flexible, en un courant qui n'apparaît pas à l'oeil comme logique ou planifié. Les guérilleros doivent prendre l'initiative. Ils n'ont pas la possibilité d'attendre en position de défense. Nous voyons la même structure dans des  organisations comme Al-Qaida: pour l'essentiel un réseau souple de petits points égaux. (Oui il y a des exceptions).

Cependant, il y a des différences entre guérilla et terreur. Pas énormes dans la façon de pratiquer,  mais plus claires dans le reste.
En 1982 il n'y avait pas à l'état-major israélien de matériel d'instruction ordonné sur le sujet, celui-ci n'était pas très connu y compris les leçons du passé. Ce n'est pas la première fois que l'éducation minimale manque au haut commandement en temps réel.  Nous vivons ici avec de la formation professionnelle mais sans académie militaire réelle. "Justement" nous!
Dans la médiocrité générale très peu d'officiers "lisent" la situation dans sa vérité et deviennent de véritables "compréhenseurs".

Jusque là pour le précis, nous sommes restés dans les limites de la guerre classique, conventionelle, bien connue. Tout ce qui a été rappelé jusqu'ici fait partie de l'Histoire, rien de nouveau.
Alors, qu'est-il donc arrivé qui a changé la donne, que se cache-t-il derrière les pensées sur la "guerre moderne"? (autre que le nucléaire)
Quelque chose au dessus de l'indirect? Quelles sont les différences importantes entre l'ancien et la guerre à la terreur (mondiale)? Nous essaierons d'y répondre dans la prochaine partie.


G LA GUERRE ACTUELLE

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Définitions simples
Pour entrer facilement dans ce nouveau monde, nous séparerons ainsi les guerres et conflits:

1 Guerre symétrique
C'est la guerre régulière que l'on connait, état contre état ou coalition, comparaison des forces et des équipements, dans le sens où l'on peut mesurer le matériel, le but politique, où les évaluations sont claires, ce qu'on appelle la guerre classique. En général la différence des forces n'est pas grande ou dans un rapport qui ne fixe pas forcémént à l'avance qui est censé gagner. Chaque côté recherche une certaine supériorité.

2 Guerre déséquilibrée (ou dissymétrique)
Lorsque la différence entre la grandeur des forces des deux côtés est grande mais leur nature reste semblable, comme entre deux états, ou bien entre un état et une organisation para-étatique, dans la guerre classique, même sans bataille décisive. Dans ces deux  schémas, sur la base de rapports de forces traditionnels, on peut mesurer et vérifier les résultats assez facilement, opération et résultats sont liés et on peut les analyser. Les résultats sont souvent immédiats. Lorsque les résultats sont atteints, on arrête.

Il nous reste le conflit entre deux entités différentes dans l'essence comme état et organisation minimaliste, sans commandement organisé sur une terre à lui définie, avec des objectifs complètement différents.
Non pas que le côté faible ne veuille pas la victoire en fin de compte, détruire l'ennemi (état, gouvernement), mais ce but suprême ne peut se réaliser par une victoire militaire classique, régulière.
C'est pourquoi les moyens à sa disposition diffèrent, et plus d'une fois les buts finaux diffèrent, sous l'influence des moyens eux-mêmes. Pour une organisation terroriste, peu importe de recevoir un territoire ou un trésor, elle n'est pas née pour cela, ce ne sont que des moyens.

3 Guerre asymétrique
Cette guerre n'est pas la conventionnelle, elle est résolument moderne.
Bien sûr que cette guerre nous intéresse. Déjà plus seulement guérilla, pas encore uniquement guerre contre des cellules terroristes. Nous sommes aujourd'hui en conflit avec des états (Iran, Syrie), contre des organisations de guérilla devenus presque des états (OLP-AP), sans garantie qu'ils veulent la paix et ont abandonné – réellement – le combat violent. Nous combattons finalement une organisation terroriste qui oui s'est basée sur un territoire limitrophe, avec le soutien actif et déclaré de l'Iran: et Hizbollah et Hamas.
Nous nous concentrerons dans le précis sur notre guerre contre ces organisations, pas contre les états, même si ces organisations ne sont que des marionettes de ces états. Je rappellerai des changements et nous élargirons la guerre asymétrique.

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Nouveau monde
Les cadres généraux changent (nucléaire, scientifique, médias). Les types d'armes s'améliorent, l'électronique entre dans tout équipement de base, même les écrans plasma ont eu leur "heure de gloire". D'autres éléments ont changé la face de la guerre. Avec cela, sa nature n'a pas changé: un duel même sous camouflage, recherche de la victoire (terme à redéfinir), volonté politique, forces et terrain physique.

Pour nous la guerre classique d'une petite armée dynastique vers la grande armée du peuple. Les frontières étaient claires, facile de repérer zone de combat et joueurs. Nous étions habitués aux définitions et à l'existence d'entités construites verticalement, état ou organisation, en haut avec le leader, jusqu'au dernier simple soldat ou citoyen en bas. Mais dans notre monde moderne, ces frontières ne suffisent plus.
La globalisation a changé les données. Le sujet n'est pas seulement économique mais tend vers des formes différentes. L'identificateur état-nation perd de sa force en faveur d'alliances internationales très larges d'échelle (Europe, zone Euro, Sud Amérique, OTAN...). Tous sont en même temps partenaires et concurrents.
Mais dans ces zones une force intérieure pas claire, une capacité de direction faible, des avantages pas toujours évidents. Le citoyen de l'état ou de la nation ressent son identité en interrogation. Que se passe-t-il lorsque s'ajoute à lui un immigrant, qui ne reçoit pas toujours une intégration réussie; la deuxième génération, la troisième aussi se ressentant comme des citoyens de valeur inférieure?   
L'état faible ou corrompu, les cadres du pays ne sachant pas gouverner, chacun se sent seul et recherche une appartenance à un courant fort et identifié. Peu importe où ce courant se  trouve géographiquement. Ici la force de l'idéologie / religion et du trans-national.


Des blocs verticaux fixes sont en opposition à des réseaux horizontaux fluides, de gens ou d'entités se rassemblant par secteur économique, intérêt commun, identité personnnelle ou religieuse. Des communautés nouvelles qui combattent tout autour du globe: producteurs contre écologistes, Islam (extrémiste?) contre Occident, polices contre organisations criminelles qui réunissent opérations de commerces de marchandises et d'humains. Les couches horizontales remplacent dans le conflit les organisations ou états verticaux.

Le monde est aujourd'hui un village global: dans chaque endroit vivent différentes  diasporas, les points de rencontre entre les cultures sont multipliés et ressentis partout: capitales mondiales, conférences internationales, médias de langues variées. Un évènement local reçoit un écho sur tout le globe. Cela arrive aussi pour ce qui concerne notre conflit, et même en plus intensifié.  
Les organisations terroristes aussi ont une couverture mondiale flexible. La guerre contre nous sur internet par exemple n'est pas dirigée d'une seule base définie, elle a mille visages et places. Si sur la communication classique nous ne réussissons pas à réellement influer, que pourrons-nous (israéliens, occidentaux, hommes libres) faire sur les nouveaux champs de communication?

A cause de la nouvelle technologie et de la dispersion des populations, les connaissances elles-mêmes ont changé de nature. Pas important qui a l'ordinateur le plus puissant, ou le nombre d'ordinateurs: la vitesse de cette information de la source à ses récepteurs est prodigieuse. Chacun peut se sentir proche du champ de bataille – il en fait lui-même partie.
Pas important également combien d'informations tu collectes mais combien de temps il te faut pour les traiter pour le besoin de prendre décision et position.  Les médias deviennent plus d'une fois le terrain de victoire ou de défaite des parties en présence. La confusion entre vraie information, nouvelles et propagande a augmenté, chaque mensonge devient vérité tant qu'il n'est pas démenti, et même...

Même si on arrive à prouver qu'il s'agit de mensonge, les croyants ne changeront pas d'opinion, au pire ils parleront de conspiration. Les médias, les images à la télévision, sont comme une cour martiale à la mode d'aujourd'hui.
De plus, pour les organisations terroristes, plus besoin d'état-major traditionnel, les informations et les ordres voyagent sans arrêt sur le réseau, passent rapidement d'un endroit à l'autre, rendent possible la mobilité illimitée des agents.
Nous sommes dans un village mondial de l'immédiat, y compris le porte-parole de Tsahal, y compris le ministère des affaires étrangères, même si on ne le leur a pas encore dit.
   
Des images à la télévision et sur internet, le courant des flashs d'information / mensonge sur le réseau, l'interaction à travers les forums et et les réactions avant même la vérification de la vérité de la nouvelle. De l'autre côté le coût faible et répandu de l'information et des ordres.

Soudain un cas ponctuel, tactique dans sa nature, peut devenir un cas stratégique puisqu'il demande un arrêt des opérations et nuit à nos forces, plus d'une fois avec le renfort de nos "amis". C'est déjà arrivé avec les "raisins de la colère" en 1996. Il ne faut pas penser malgré tout que ça n'arrive qu'à nous: les aventures des Européens, surtout des Français et des Hollandais dans les Balkans ne sont pas moins graves. C'est seulement que des missiles ne sont pas (encore) tombés sur des zones civiles européennes occidentales, françaises, hollandaises, anglaises, suédoises... et après (1) on reparlera de riposte disproportionnée.

Violence. Nous avons vu combien les militaires et les stratèges la détestaient et ont loué le leader qui gagne sans combat. Au contraire, grâce aussi aux médias, la violence est un outil important pour les terroristes. Il (leur) faut la violence, il faut le spectacle, il faut le choc, chaque fois plus fort. Plus de sang, plus d'excitation pour les yeux, alors plus réussi.      
Le but est de faire mal, de faire peur, de frapper le moral, de développer les sentiments de culpabilité sur une partie de la partie adverse et de créer un réaction en chaîne plus forte de notre côté, qui prouvera a posteriori la justesse de leur cause... et après (2) on reparlera de riposte disproportionnée.
Et je n'ai pas encore parlé de la violence comme tentative de créer le chaos. Ce n'est pas le cas dans notre conflit local.


La violence est entrée aussi à l'intérieur de la culture occidentale, elle l'accepte comme une partie du paysage, violence quotidienne, de la société, des banlieues, des rejetés de la société. Par la violence des individus isolés, des groupes, des couches de la population, des peuples; tous manifestent une identité, l'expriment, elle est une part du processus.


Que dire du parapluie idéologique des hommes de religion si nombreux à justifier le meurtre, le sang, et même le suicide comme faisant partie des commandements du dieu pour purifier le monde, la culture des shaidim. Là aussi une erreur occidentale: en orient, à la mort, des sens différents; et sacrifier l'individuel pour le "bien commun" c'est bien. La vision morale occidentale ne conduit qu'à l'aveuglement. Ce qui nous semble logique saine, évidence, n'est pas perçu tel par d'autres cultures.


Sommes-nous différents? Que se passe-t-il lorsque nous nous habituons à la violence civile ici, sous l'angle occidental d'un processus général, dans lequel simultanément sont assassinés un juge, un avocat ou de simples citoyens, gratuitement, et où un criminel devient célébrité.



Dans la recherche d'identité et d'appartenance nouvelle lorsque les anciennes disparaissent, dans une société globale plus sauvage et violente, plus anonyme, instable et pas securisée sur tous les sujets – famille, revenu, le futur en point d'interrogation – nous entrons en période de crise, au-delà de la période de conflit. Une crise qu'on nous rappelle dans les médias, alors elle existe vraiment.


Des concepts comme conflit ou guerre sont clairs de façon cognitive, en temps et en place. A la crise un élément uncertain, inconnu, qui touche les peurs les plus profondes de chaque individu. A cause de cela, l'importance de sa comprehension face à chaque évènement, donc l'importance des messages et des images.





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Changements stratégiques


1. Avant tout, les forces ne sont plus mesurées aujourd'hui (uniquement) par la capacité militaire, équipement et quantités, mais à partie de leur effectivité. Cela veut dire, d'après les buts finaux, les supérieurs. Le problème est que ce qui était rationnel entre états ne l'est plus avec des organisations terroristes. Dans la guerre entre le faible et le fort, le seul moyen est de rendre fou le système pour le faire sauter de l'intérieur, faire plier les volontés, causer le tohu bohu. L'apocalypse maintenant.   


Le but final du Hamas est notre anéantissement. C'est pour cela qu'il a été créé. Mais, à partir du moment où il a pris le pouvoir à Gaza des miettes de l'OLP, leur intérêt immédiat a su les amener à accepter un (des) cessez-le-feu. Ils ont quelque chose à perdre – le pouvoir, une place, un état de fait malgré le manque de reconnaissance internationale (cela vient quand là aussi nos bégayons). Le même processus est arrivé avec l'OLP de l'après Arafat.


Cest pourquoi ce qui est vrai pour le terrorisme mondial n'est pas valable pour nous. Ils se ressemblent par les buts finaux, le Hizbollah aussi (pour eux la prise du pouvoir au Liban est aussi importante), mais la transformation de l'organisation avec la responsabilité gouvernementale demande de s'accrocher à la réalité.




Bien sûr que la révolution islamiste à chaque endroit sur la terre est leur objectif béni, et ils sont par lui partie de l'Islam extrémiste militant. La différence n'est que dans la voie temporaire. En cela le Hamas n'est pas Al-Qaida.


Le Hizbollah aussi a quelque chose à perdre, le problème est qu'il fait partie de la population et réparti dans beaucoup d'endroits, et agit comme un mouvement fachiste violent contre des populations faibles qui ont peut-être renoncé à leur futur.


Qu'est-ce qui nous donne la confirmation que ce que nous dirigeons comme conflit contre Hizbollah-Iran est différent d'une confrontation conventionnelle? Le fait que le président iranien proclame sa volonté de nous effacer? Ce n'est pas suffisant.


Contre Al-Qaida, c'est une autre histoire, les combattre seulement pour les neutraliser ou les anéantir. 


2. Contre une organisation construite à la verticale on voit une tête, une structure, des forces. Contre une organisation structurée à l'horizontale, souple en structures, faite de liens pour un temps limité (par projet), et disparaissant après la réalisation du projet, difficile de s'opposer. Difficile de trouver un point d'ancrage sur le centre de gravité, ou dans les mauvais cas un point névralgique qui pourrait affaiblir l'organisation. Une organisation construite en réseau qui change de structure tout le temps ne se rendra jamais.
L'importance du renseignement revient en première ligne. Sun Zu consacre un chapitre entier sur le sujet, basique pour être capable de rentrer dans la tête de l'ennemi. Je ne développerai pas ici ce qu'il écrit sur les catégories d'espions,  sur leur importance. Au-delà de l'importance de l'information, deux sujets à noter:
1 Et le 11 Septembre et dans d'autres cas pas moins sensibles pour nous, les services du renseignement ont échoué et ont causé des dégats énormes.
2 Même dans les endroits où l'ordre règne, la compétiton entre organisations (du renseignement) et la recherche du prestige ont causé des résultats du genre "frappés par nos propres armes".   
Ces deux éléments doivent faire partie, en tête, de l'ordre des priorités des chefs de nos services. A chaque fois que nous empêchons un attentat ou une opération assez tôt, c'est en fait ce qui arrive. C'est plus important encore lorsque se développe l'usage d'armes primitives comme des rasoirs ou le bulldozer.

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Le champ de bataille
Nous avons vu dans la guerre indirecte, celle qui nous concerne le plus, qu'il y a deux cercles: l'intérieur, relié au champ de bataille physique, la zone géographique du conflit et des combats – et l'extérieur, qui inclue tous les autres "terrains" de combats, psychologie et pression sur les opinions publiques, ruses dans le sens de l'adversaire, vers la communauté internationale, vers des publics cibles pour rechercher un soutien...
La prise du terrain, quasiment sans limite. Nous en avons fini avec le seul rapport du terrain géographique comme terrain unique en importance dans la guerre. Comme l'information bouge en hyper vitesse entre des endroits éloignés sur la carte, le concept terrain est beaucoup plus relié au temps lui-même. La dynamique du mouvement de l'information et des forces des individus, le contrôle de la fourniture de l'information vers les publics cibles;  tous ces éléments de la guerre psychologique, tout change le champ de bataille traditionnel en élément modeste à l'intérieur du terrain actif global du conflit. Dans ce territoire élargi, chaque point peut devenir un point critique sinon un centre de gravité pour le côté dit "fort".

J'ai parlé plus haut des points de rencontre des diasporas. Cela veut dire aussi que les points de rencontre entre les belligérants et leurs soutiens de par le monde sont plus nombreux, la propagande aussi couvre des territoires physique et virtuel plus grands. Le grand conflit originel local reste dans sa sphère mais ses métastases sont réparties sur tout le globe. Les diasporas s'entre-choquent partout, les attaques de propagande et de plus en plus de violence physique (voyez l'importation du conflit israélo-palestinien par les meutes et la violence meurtrière sur les juifs de France, et dans toute l'Europe, exemple typique).     
De petits blocs comme les cellules endormies de Al-Qaida en plein (leur) territoire ennemi  peuvent se réveiller sans qu'on s'en rende compte. Toute la surface de transmission de l'information, en particulier le web, sont le champ de bataille.

Champ de bataille plus global parce qu'à presque chaque endroit des "agents" sont identifiés aux parties du conflit: musulmans, arabes, juifs, croyants de toutes les religions présents dans toutes les capitales du monde, employés dans tous les médias.  
En tant qu'européen et qu'israélien je regrette le fait que lorsqu'on parlait de l'opinion publique, des dizaines d'années, on voulait dire, dans cette optique ethno-centrique habituelle, seulement l'opinion publique européenne/occidentale. Le reste du monde étant de toute façon dépendant de la propagande officielle des gouvernements.

Ce regard n'est plus suffisant. Surtout pour nous israéliens, il est important de comprendre que c'est notre devoir d'essayer d'influer (de contre-influer) sur l'opinion publique mondiale, partout, combien cela est possible. Nous avons des armes, internet compris. Comme les organisations minuscules utilisent chaque bout d'info pour faire passer leur message de destruction, nous pouvons aussi (essayons en tout cas) nous défendre et faire passer des messages.
Nous pourrons renverser ici la position en utilisant les armes dites du faible.
 


Vaincre, ou au moins diriger le conflit, c'est avant tout se battre sur deux fronts. Nous n'avons pas encore compris cela, jamais complètement. Nous voyons encore les médias globalement comme bataille extérieure, collatérale, qui demande unTsahal numéro deux, l'armée de défense des communications.
Les Palestiniens eux ont compris, et ont plutôt pas mal réussi. Spécialement les plus extrémistes déclarés, lorsqu'ils parlent du "peuple" (la Ouma) ils réussissent: encore, il ne faut pas se suffire de l'opinion occidentale, ce n'est pas suffisant. Là aussi tout le monde (ici en Israel) sait que nos échouons, avec des individus doués contre des organisations activistes et le soutien de nombreux pays à tendance anti-israélienne.    
Je ne dis pas que toute la guerre est médias. Mais elle est un élément décisif dans la campagne.

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Asymétrie – vers l'extrème
Je voudrais rester dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Pour en être capable il me faut aller jusqu'au bout de la terreur mondiale. Seulement ainsi je pourrai présenter des façons et des outils nouveaux, et ensuite revenir vers notre région avec une information plus complète.  
Pourquoi?  Une fois de plus, parce que les entités qui nous combattent ne ressemblent que partiellement à la terreur mondiale, mais elles lui ont donné et ont puisé chez lui des outils et des façons d'agir qu'il nous est important d'identifier. Ce n'est pas qu'il y a une frontière claire qui séparerait les organisations terroristes mondiales des régionales.

L'asymétrie comme soeur jumelle de la stratégie indirecte utilise la plupart de ses moyens, ses objectifs et ses outils. On peut les relier facilement, comme Yehoshafat Harkabi: "petite guerre" = terrorisme ou guérilla. J'ai présenté la théorie du Général Beaufre sur la guerre indirecte, je signalerai ici quelques uns de ses composants. L'asymétrie à son extrème peut s'identifier par une différence notoire entre les deux adversaires sur un certain nombres de plans que voici.
  
Différences de nature entre les organisations 
Qui s'oppose à un état organisé avec un gouvernement, une autorité législative dépendante d'élections démocratiques (ou pas), et un système juridique? Qui s'oppose à des états à la direction lourde et procédurale, avec des médias et une propagande ineffective, même si elles rêvent de se baser sur la vérité des faits?
Une petite organisation, souple, qui tient ses secrets, rejetant toute loi internationale qui s'oppose à elle – mais sait l'utiliser à son profit pour faire pleurer l'opinion publique. Une organisation de plus en plus éparpillée en cellules, petites et pas vraiment reliées, agissant en indépendance de plus en plus. En fait sous le même toit patronyme agissent des entités qui n'ont de lien que le drapeau qu'elles brandissent. Il s'agit d'une nébuleuse à la construction instable. Le recrutement, lorsqu'on ne parle pas de volontaires, fonctionne par projet, comme dans le travail moderne, et les cellules retournent au coma jusqu'au prochain projet.    
Pas de quartier général, pas de réelles différences de grades, mais un moral de combat et un attachement au message du chef. La connaissance technique passe à travers les médias électroniques, incognito.
Pas de centre de gravité dont la chute arrêterait la lutte , même pas de point critique suffisamment important, tel cela semble.

Cependant, il y a là aussi certaines frontières. Par exemple, pour le 11 Septembre il avait fallu organiser des cours de pilotage, injecter de l'argent, recruter et conserver des forces dans certains endroits pour une longue période. Il y a une importance à porter, plus d'une fois, dans les points de rencontre et d'entrainement des organismes fondamentalistes islamiques en Afghanistan (etc...). Les gens ont des liens, un ami en amène un autre.
Cela veut dire qu'il y a là quelque chose à faire, même si l'on ne ferme pas des organisations, nous pouvons les frapper fort et réduire les dégats. Guerre du chat et de la souris.  


C'est l'évidence mais il faut la noter, cette différence est grande. Un état (au moins) avec une structure, des relations internationales, un financement, des services de sécurité variés. De l'autre côté, une organisation minuscule, parfois sans moyens financiers, sans besoin d'armement perfectionné.
Lorsque la "charité" n'apporte pas assez de moyens, et que pas d'état pourvoyeur, alors le crime fournira l'argent: commerce de drogue, enlèvements et rançons. Là aussi le lien avec l'argent est un élément contre lequel on peut lutter. Le problème est que là comme ailleurs on ne va jamais jusqu'au bout, au delà du problème des flux traversant les frontières.   

Pas moins importante la différence culturelle. Pas tous pensent "occidentalement", pas tous considèrent le suicide comme gâchis ou solution d'échec. Le shahid est un héros, parce qu'il a donné à la Oumma, valeur supérieure à la valeur de l'individu et de sa vie personnelle. Les lois démocratiques ne sont pas toujours au-dessus des lois religieuses, la place de la femme pas au diapason des tendances égalitaristes ou féministes. Leur vision, leur vision du monde, est complètement différente de la nôtre. Lorsqu'ils déploient des quantités astronomiques de drogue sur nos jeunes, ils trouvent et des sources de financement, et détruisent nos pays de l'intérieur. Double bénéfice. Cela ressemble, soit dit en passant, aux opérations variées de l'Union Soviétique pendant la Guerre Froide, tout était légitime pour faire tomber le monde capitaliste.
Le suicide n'est pas la conséquence de la répression, du désespoir, en tout cas pas seulement. Elle est un choix libre, outil politique avec légitimation culturelle religieuse. Pourquoi ne prendre en pitié que les "pauvres" palestiniens?

Différences de buts
Nous commençons à toucher ici un matériau relativement nouveau. Comme le vieux sur la montagne, Hassan Ibn Saba, le chantage peut-être du genre "Laisse-moi régner chez moi et tu auras le calme chez toi." Cela marcha bien en Europe, par exemple la France et l'Italie dans les années soixante-dix et quatre-vingt qui paient les terroristes palestiniens (OLP entre autres), lorsque le terrorisme palestinien reçut l'autorisation d'agir dans ces pays contre une tranquillité sur leur territoire national.
Mais Al-Qaida et et certaines organisations palestiniennes, même dans notre zone, rêvent d'un autre ordre mondial: le retour de territoires qui ont appartenu un moment à l'Islam, l'établissement d'un gouvernement religieux dans tous les pays arabes, et par la suite dans le monde entier. D'autres mouvements sur la planète rêvent d'exporter leur révolution, pas moins; le terrorisme ne recherche qu'une chose, but et moyen mêlés: le désordre, le chaos.
On prétend par exemple que le but du 11 Septembre était de causer une réaction disproportionnée des Etats-Unis pour renforcer le "refus" de la Oumma contre eux. Cela pour créer une instabilité qui ferait tomber des régimes arabes conservateurs soutenant l'Occident. Ce n'est pas arrivé alors mais combien ces régimes là sont-ils stables? Quelqu'un a-t-il entendu parler du printemps(-hiver) arabe?

Où sommes-nous? Sur la terre du Proche-Orient, terre appartenant à la Oumma, c'est à dire au peuple (musulman) ou aux frères palestiniens (exclusivement), avec une population et arabe et musulmane. Même l'Etat juif – religion née bien avant l'Islam et aussi, encore une malédiction, démocratie moderne à l'occidentale. Par ironie je pourrais dire que nous avons tout pour énerver les voisins! Cela veut dire que contre nous tout mouvement peut trouver une base d'opérations. Pas besoin de les inviter, ils viennent tout seuls.
Je souligne ce point parce que parfois on nous dit, et même des israéliens: "Vous n'avez pas fait la paix, vous n'avez pas reconnu l'OLP, vous avez reçu le Hamas. Vous ne les reconnaitrez pas, ne parlerez pas avec eux, et vous aurez pire."
Comment en finir avec ces débilités de pensée une fois pour toutes? Avant tout, "nous" avons refait renaître l'OLP.  


Ensuite, ils ne nous ont jamais vraiment reconnu et non plus notre droit à un état juif pour nous. Assez avec les illusions. La croyance, comme la charte, n'a pas été changée.       
Troisièmement, ils sont tombés à cause d'eux-mêmes parce qu'Arafat a donné à d'autres organisations la possibilité de se renforcer contre nous et ne s'est pas occupé comme il fallait de la stabilité du futur de son régime. Il faut te souvenir que son but n'était pas d'établir son régime et de créer son état mais simplement de nous rayer de la carte.

Plus encore, cette tendance mondiale se serait développée ici aussi. Penser que justement ici un mouvement fondamentaliste comme le Hamas ou Al-Qaida ne s'enracinerait pas n'était qu'illusion. L'incapacité de l'OLP et d'Abou Mazen à diriger les territoires ont été le facteur d'aide pour le Hamas à croître jusqu'au coup d'état à Gaza. Avec aucun régime arabe  organisé n'est arrivé ce qui est arrivé à Gaza.
Avons-nous la capacité de changer cet état de choses?  La libération de centaines de prisonniers "renforce" quelqu'un? Vraiment?!
Ce paternalisme qui prend les palestiniens pour des idiots plus qu'ils ne le sont a dépassé toute limite de compréhension.

Je reviens à nouveau aux buts palestiniens, ils fixent tout, y compris les moyens que nous devons utiliser. Pour faire la paix, il faut quelqu'un en face de nous, qui veut et honnètement, et qui est aussi capable de mettre en oeuvre c'est à dire quelqu'un capable de "délivrer la marchandise". Elections démocratiques ou pas, le régime doit d'abord être stable, le leader populaire et solide. Il y a? A son usage doit exister une force militaire et policière suffisante. Sans force militaire aucun leader n'est capable de conserver le pouvoir.
Est-ce ainsi? La situation à l'Autorité Palestinienne est-elle ainsi?   
Il n'y a pas de raccourci, sans partenaire qui veut réellement la paix et qui est capable d'y conduire son peuple, il n'y a rien, seulement un conflit qu'il faut "gérer" jusqu'à une opportunité sérieuse.

Dans la guerre indirecte classique, les buts sont encore conventionnels: terre, richesses, gain politique. Le but asymétrique ne s'occupe pas principalement de gain matériel mais de l'impact psychologique, l'usure, le désespoir, l'évacuation de l'adversaire, mais on veut voir à la fin la fracture du système, de la civilisation, de la culture ennemie. 
Pour ébranler l'autre côté, la terreur doit être spectaculaire aux yeux, et recevoir le soutien de la majorité n'est pas un but. Recevoir le soutien d'un noyau dur à chaque endroit, dans le territoire ennemi, c'est un bon objectif, et plus les images seront cruelles, plus le soutien d'un nombre minuscule d'hommes prêts à agir sera grand. A leurs yeux, au total, l'occident reçoit ce qu'il mérite, c'est justifié, tout est justifié.

La guerre contre des organisations du genre Al-Qaida est différente: le but est le tohu-bohu pour lui-même. La source de l'asymétrie est qu'il n'y a pas de possibilité d'arriver (avec eux) à un accord. L'ennemi veut tout, aucun renoncement, aucun compromis. L'autre côté est en totale opposition, il ne nous reconnait pas de façon rationelle, il ne s'oppose pas au sens politique classique de victoire ou compromis. Il n'est pas dissuadé, semble-t-il jusqu'à maintenant, par aucune force militaire de dissuasion. Nous n'agissons simplement pas dans le même monde: nous comptons des armes, ils récitent leurs slogans, nous comptons les  blessés, ils envoient leurs saints (shahidim), nous rêvons économie croissante, ils se moquent de notre matérialisme le plus basique, nous voulons la stabilité, ils rêvent le chaos intégral qui amènera un ordre (mondial) nouveau (cette expression devrait réveiller n'importe quel humain normal).Tout simplement, les adversaires n'émettent pas sur les mêmes longueurs d'ondes. C'est le coeur de l'asymétrie. Suis-je arrivé au coeur du sujet dans les buts? Oui et non. Oui au sens des buts finaux, assez clairs. Pas encore au niveau de la façon d'opérer, nous y arriverons. 

Différences de morale
Pour le terrorisme, la véritable victime est la petite organisation et la population qu'il prétend représenter, qui combat le grand satan qui impose au reste du monde sa culture (peu importe qu'il veuille y imposer la sienne partout à sa place), ses valeurs, sa langue; et aspire les richesses appartenant aux indigènes. La même chose aujourd'hui en Europe: on parle de l'époque de l'esclavage et du commerce humain d'Afrique vers les Amériques. Ce commerce a enrichi l'Europe et établi les Etats-Unis. Pas un mot en revanche sur ce même commerce d'esclaves avant et même aujourd'hui lorsqu'il continue vers certains pays arabes ou d'autres pays africains. Les recherches ont prouvé que justement ces deux commerces étaient bien plus importants que le seul dont on parle (pour tout justifier). Seul l'occident regarde son passé avec remords et seulement de lui on le demande. De cela on ne parle pas. La morale est sélective.
Même chose pour le Darfour: cette fois l'occident veut sauver des Noirs des mains des musulmans organisant sur eux un génocide et leurs volent terres et vies.
La vue est mono-dirigée. De toute façon, quoi que tu fasses, ce n'est pas suffisant dans le meilleur des cas, c'est un crime la plupart du temps.


La seule morale qui compte est celle des belles âmes qui frappe dans la population occidentale (y compris chez nous) et cause une auto-culpabilisation sur tout. Tout ce qui est arrivé est à cause de nous, ils ne sont coupables de rien, nous ne les comprenons pas, nous ne les aidons pas à aller de l'avant. Cette morale leur est importante car elle nous affaiblit en face d'eux.
En gros et dans la simple hypocrisie: on utilise la loi tant qu'elle nous sert à combattre, on la jette (toujours dans la langue intérieure, pas dans les langues occidentales) lorsqu'on ne peut plus s'en servir. Un ancien chef des commandos spéciaux en France souligne le double langage des leaders religieux, lorsque face aux médias français le discours public appelle - en français – à l'ordre et au calme;  mais au moment de la sortie des mosquées, le discours particulier attise. Il ajoute: "il existe dans l'islam fondamentaliste une approche appelée la "traqya", en arabe bouclier blindé. On va recouverts d'un masque. La traqya permet d'être debout avec le dos rond (comme les chats) lorsque la situation est fermée, d'avancer les soldats et de parler le langage de celui qui est en face de nous pour endormir sa méfiance, pour l'attaquer plus fort lorsque la situation le permet... tout cela, sans nos espions, nous ne le saurions pas".
Les Français (enfin, certains) découvrent la ruse et que la fin justifie chez certains les moyens, bref, on avance!

Au sujet de la morale pour nous en tant qu'état, il faut revenir au chapitre sur la morale (séparation entre morale individuelle et collective, morale et politique, intentions contre résultats). Il y a deux voies pour entrer dans la tête du chef adversaire: lui fournir des informations (mensongères bien sûr dans un nuage de vraisemblable), utiliser sa morale dans un sens pour nous favorable. Les palestiniens ont réussi à nous faire cela, nous n'y avons pas réussi.

Pour finalement clore le point de la morale, je citerai quelques lignes d'un ancien des services secrets suisses, nauséabond lorsqu'il parle d'Israel. Peu de lignes peuvent couvrir beaucoup de sujets: "Le terrorisme lui-même est plus souvent une manière de communiquer qu'une manière de vaincre. Dans l'acte terroriste, c'est moins la destruction qui est importante, que la manifestation d'une volonté de se battre ou de démontrer la faiblesse de l'adversaire. En revanche, dans notre société hautement médiatisée, retenir l'attention est un défi. Et plus notre société s'habituera à la violence, plus l'action terroriste devra être spectaculaire."
Je ne pourrais être plus clair. Et la morale dans tout ça?
 


Différences de moyens
Organisation différente, buts différents, pour réaliser la stratégie il est évident que les moyens seront différents. A partir du moment où nous mettons de côté la tradition occidentale qui s'appuie sur le plan quantitatif (capacité de frappe et volumes matériaux), que nous approchons de l'homme combattant, de sa valeur et sa capacité à faire face; alors l'importance des outils techniques tend vers zéro.
Une mitrailleuse active et concentrée fera plus de mal qu'un régiment aveugle (sans information) et paralysé dans le désert. Un cutter fera tomber un avion, un litre de liquide aussi. Un virus influera sur des foules. Moins le matériel est sophistiqué, plus il est meilleur marché, plus accessible; plus actif il sera contre du matériel électronique cher. La hauteur des budgets des deux côtés de la ligne de front est totalement asymétrique.
Exemple: les raquettes tirées de Gaza sur nos civils pendant des années par milliers, très bon marché, contre les anti-missiles de Dôme de Fer qui neutralisent les missiles les plus dangereux vers nos civils mais ne peuvent arrêter la pluie des obus à courte distance.
Le but de l'asymétrie n'est pas la recherche de supériorité. Son but est de transformer la supériorité de l'ennemi (le "fort") en faiblesse. Ainsi tu lui amoindris sa légitimité, ainsi tu l'épuises une fois après l'autre, tu paralyses, tu neutralises, le laisse sans solution ou dans le sentiment d'être sans solution.           

Pourquoi? Parce que sur le champ de bataille physique tu entretiens une guérilla, parce que le grand champ de bataille est dans la communication, dans l'opinion publique (les publics), et enfin, dans la tête de chacun. Quelques images/photos publiées pendant des années et le travail (de propagande) se fait. 

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Comment cela fonctionne-t-il ?
Dans un premier temps, "l'organisation de libération" exécute une opération terroriste douloureuse. Le but est de faire mal, de causer à l'ennemi des pertes tangibles, de causer l'amertume, de toucher le moral de la population touchée.
Il faut noter tout de suite qu'à "faible intensité" prolongée ces incidents ne sont même pas relevés par les médias étrangers - malhonnètes, européens compris, d'où l'ncompréhension face à la réaction.
Seconde phase, cette population se révolte et désire vengeance / réaction / paiement. Le gouvernement faible exécute la réaction et c'est leur but réel, il réagit "sans proportion" face à l'attaque terroriste originelle.
Nous quittons le cercle interne, champ de bataille physique, et arrivons au cercle externe:
Dans la troisième phase l'organisation montre au monde la réaction, les images "parlent".
De toute façon toute réaction sera exposée comme hors proportion. Ajouter de la propagande, se faire aider par les amis des médias étrangers qui aiment taper sur Israel (ou les Etats-Unis ou l'Occident), et voilà, le travail est fait, le clou est enfoncé. 


Si l'information n'arrive pas à l'opinion publique, le système est assez huilé et introduira de toute façon des mensonges dans l'air, toujours il y aura des pigeons prêts à gober n'importe quoi: un massacre ici, un crime là, un nettoyage ethnique, un empoisonnement collectif, tout est permis. Le stand est toujours ouvert au bazar proche-oriental.
Le premier exemple classique fut le Viet-nam, dont deux phénomènes sont à retenir:
Le premier, l'armée communiste s'est avancée très lentement avec les années mais dans la guérilla, en rampant, sans bataille décisive, c'est à dire quasiment sans événement militaire régulier. User et épuiser.
Le second, que l'on comprend aujourd'hui, mais qui alors est passé inaperçu y compris en Israel: la télévision, les cercueils, les déclarations d'intellectuels et d'autres actions ont causé  une cassure profonde à l'intérieur des Etats-Unis, et elles ont fait la décision, malgré certains succès militaires américains; elles ont politiquement créé la décision de retraite et de fuite.
C'est le moment ici de rappeler le Général Giap, le commandant en chef du Viet-nam Nord qui inspira et enseigna Arafat sur tous ces sujets.
Arafat étudia effectivement dans la meilleure école. Pas nos généraux. Avec la "maskirovka" qu'il apprit de ses maîtres soviétiques, Arafat était prêt pour la guerre qu'il dirigea contre nous jusqu'à ses derniers jours.

Soit dit en passant, le Viet-kong (Viet-nam du Nord) possédait des bases externes proches et le soutien de la Chine et d'autres amis. C'est un point que le Général Beaufre souligna. C'est pourquoi, lorsqu'Ariel Sharon chasse l'OLP du Liban, il agit très logiquement - militairement et politiquement. Après une décennie peu brillante, l'OLP s'effondre jusqu'à ce qu'une bande de diplômés (israéliens prétendus intelligents) la remettent sur pieds. Non pas que je justifie tout ce qui s'est passé pendant la guerre du Liban, loin de là, mais au moins apprenons aussi la leçon des actions correctes et justifiées.             

Leçon: encore une fois une victoire physique se transforme en défaite de légitimité, une fois de plus en débat intérieur et paralysie, en auto-accusation, en colère. Il n'y a qu'à attendre la prochaine fois. Nous sommes dans un cercle "magique" et il nous semble qu'il n'y a pas de moyen de l'arrêter. C'est déprimant, c'est usant. Voilà: nous avons compris jusqu'à la douleur la stratégie de l'épuisement, pas seulement militaire sur le terrain, mais morale sur la façon de se voir (auto-critique et par le regard des autres). C'est comme cela qu'ils nous ont volé David et nous ont transformés en Goliath.
De là nous apprenons aussi qu'en vérité, parfois, se retenir est une force. Ici aussi pour un temps, Ariel Sharon avait raison. Notre réponse par Homat Magen (Rempart en Avril 2002) s'est basée sur une série discontinue d'attentats.
Il nous est interdit d'entreprendre une opération sans que nous informions dans toutes les directions (médiatiques) ce qui s'est passé bien en amont. Au contraire, ces nouvelles-là sont étouffées, censurées.

  
A première vue on pourrait penser qu'une défaite ponctuelle est mauvaise pour la stratégie. Ainsi nous l'avons appris durant toute l'histoire, lorsque chaque côté, comme pour les jeux de stratégie, cherche justement à cumuler des avantages tactiques jusqu'à la dernière poussée. Nous vivons ici dans le soi-disant paradoxe du résultat contraire: à cause de la réaction excessive, le fort est affaibli. Un avion au-dessus d'une zone habitée fera toujours mauvaise image. (Quoique pour la Syrie, tout le monde s'en fout).
En langue simple, le côté faible utilise la force du fort contre lui-même, la transforme en faiblesse. La loi du marketing a beaucoup aimé cette idée.
Dans l'ancienne stratégie, comme celle de la France contre l'URSS, il y avait une stratégie de dissuasion du faible au fort, le côté attaqué (la France) pouvant encore rendre une forte riposte qui ferait très mal, et donc pas d'intérêt à commencer les hostilités. La stratégie du faible au fort est comprise, c'est pourquoi tous entretiennent le status quo, à l'équilibre imparfait mais correct encore pour éviter la violence (directe). La logique de la vie l'emporte encore.
    
Avec les mouvements radicaux, dans la recherche du chaos, il n'y a pas de ces problèmes: ils n'ont rien à perdre, pas de royaume, pas de terrain, pas de capitale, pas de régime. Le but sans concession est de justement briser ces équilibres, de créer des crises. Nous sommes là dans ce qui est défini comme la stratégie du fou au fort. Le fou rend fou et épuise, te transforme en accusé et en paralysé, il reste avec sa vérité claire et toi tu restes avec tes questions et tes tourments. Voilà sa victoire.
Se distingue maintenant la face psychologique de la chose. Ce n'est pas seulement ruse et tromperie pour confondre l'ennemi, lui cacher nos véritables plans. Non, c'est démanteler ses forces psychologiques, l'affaiblir physiquement au dehors et, plus important, "mentalement" de l'intérieur c'est à dire dans sa spiritualité / dans sa capacité de raisonnement / dans son âme. Cela veut dire que pour les vaincre il faut réagir pour arriver – nous aussi – à leur cerveau, à leur moral, à leur volonté, jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'ils sont dans l'impasse.
(Si ce n'est pas semblable à l'essence du marketing alors c'est quoi?)

H ELEMENTS DE REPONSE
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La véritable victoire – partie 2
Au-delà de la supériorité sur le territoire physique, sur l'ancien champ de bataille, qui ne peut amener de victoire parfaite, que faire? La réponse fut écrite il y a 2400 ans par Sun Zu: entrer dans la tête du commandant en chef ennemi. Merveilles du passé à (re)découvrir. 

Oui, contre tout conflit régulier, qui demande à la fin la même opération, dans l'asymétrie aussi tu dois, pas le choix, te concentrer sur le côté spirituel, pas matériel / équipement / physique. 
Le but est de casser l'esprit de combat chez l'adversaire, lui faire comprendre qu'il est vain, que cela n'apporte rien.
Ce duel spirituel existe entre les armées, les combattants, entre les peuples et principalement entre les chefs de guerre. Qui va hésiter le premier. C'est ici que je vérifie qui peut être un véritable leader. Je n'écris pas intentionnellement de chapitre sur le chef de guerre (peut-être dans le futur), mais sur ce critère de sélection impossible de faire l'impasse.

Pour établir cet argument, j'utiliserai le monde du marketing (la mercatique), à travers un livre extraordinaire, petit et intelligent, qui nous donne la clé des choses: Al Ries et Jack Trout sortent à la lumière deux lois simples: le consommateur achète à partir de modèles, des listes ordonnées de noms, des marques inscrites dans son cerveau. Si tu as soif, le premier nom par exemple est Coca-Cola, même pas l'eau. C'est la troisième loi du cerveau, être le premier (de la liste) dans la tête des clients cibles. La quatrième loi, pas moins importante, est celle du ressenti: la vérité, d'après les auteurs, n'est pas une chose froide au-dessus de nous. Au contraire, la vérité est ce que toi, le consommateur, tu ressens. Ta vérité est plus importante que la vérité générale, tes impressions, ce qui est dans ta tête, c'est la vérité – point.  D'après elle tu agis. 
Tu diriges dans ton cerveau un univers riche de sensations. Le marketing est cet "art de faire fonctionner ces sensations". S'il faut retenir quelque chose du marketing, c'est bien ce paragraphe au-dessus, il est la base, l'axiome de tout le reste, il est le "pourquoi". Toute la suite n'est que le "comment". Ne pas comprendre cela c'est rater le principe du marketing. 


Nous pouvons revenir maintenant du consommateur au citoyen, ce n'est pas toujours différent.
Pour vaincre, je dois d'abord être convaincu de la justesse de ma cause. Même si je ne suis pas d'accord sur chaque point, même si ce n'est pas toujours facile, je dois être convaincu que j'agis de la façon la plus pertinente.
En tant qu'individu, en tant que collectif. Même lorsqu'une partie de mon peuple est sous influence des propagandes, même lorsqu'il est aveugle ou mono-dirigé dans ses jugements. Un peuple prêt à renoncer à ses principes, à sa voie, aux biens assurant son existence, ce peuple-là n'a pas d'avenir.
Il y en a parmi nous qui prétendent à notre droit d'être comme tous les autres peuples. Comme si nous le "méritions". Encore une fois, cette chose (cette façon de présenter les choses), n'existe pas. Comme pour les droits démocratiques ou sociaux, il n'y a pas de tampon d'évidence naturelle. Il faut parfois prouver et dans la stratégie guerrière cela veut dire combattre.
Pour vaincre, mon message à l'adversaire doit être clair: tu ne réussiras pas, tu ne me briseras pas. Certains nous rappellent parfois le discours de Churchill de 1940 sur le sang les larmes et la sueur. C'es vrai, ce n'est pas agréable, mais c'est ainsi que le monde fonctionne. La faiblesse est une invitation à l'agression. L'ennemi ne doit jamais avoir le moindre doute quant à nos volontés. Tant qu'il nous voit comme des toiles d'araignée, nous avons un problème.
L'ennemi sait faire cela, et il comprend l'importance de la chose: voyons comment si longtemps, Nasrallah a réussi à influer sur notre opinion publique. Il mélange avec intelligence vérité et mensonge, se prétend plus crédible que les médias israéliens, au moins les officiels; il prétend que beaucoup d'israéliens le croient lui plus que les médias israéliens.      
Pour vaincre, tu dois transmettre un message vers son cerveau, qui explique sans aucun doute que la comparaison coût / avantage ne vaut pas le système qu'il dirige.
Le problème ici est grand: il ne s'occupe pas du bien-être de sa population. Le suicidaire est un shayd, un martyre, la faim est un examen du croyant, tout sacrifice est pour le bien. Et si ce n'est pas vrai, on peut toujours trouver des candidats par la violence et une pression sociale manipulée. Qu'a-t-il à perdre? Il sait de son côté que par tes représailles il te fait tomber dans le piège. Alors qu'en a-t-il à faire? Comment couper ce noeud gordien?
Faire attention: même une organisation fanatique et dictatoriale comme le Hamas sait lire les sentiments du public. Lui aussi a su rechercher la pause lorsque la population de Gaza était au point de sombrer. Fous, mais pas jusqu'au bout.

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Mythes superflus
En chemin vers des réponses possibles, nous allons démonter quelques mythes qui barrent la route.
D'abord et comme une suite au chapitre sur la violence. Dans le monde du travail, toutes nos actions et tous les slogans sur la qualité nous mènent vers le but du zéro défaut. Semblable, en parallèle au refus de la mort et du sacrifice, face à la sensibilité grandissante face au deuil, nous rêvons aussi, comme tout l'Occident, à la guerre sans perte humaine. C'est bien sûr grâce à notre vision de la vie et à nos valeurs, et c'est bien qu'il en soit ainsi.
Mais de tels résultats, on en trouve à peine dans les films d'action. Cela n'existe pas zéro dommage. Cela ne nous libère pas d'essayer d'éviter des victimes, d'y tendre, mais pas plus.
En recherchant sans logique un zéro victime, il y a paralysie, pas de recherche de la victoire. Alors on fait la moitié du travail et évidemment le problème se développe.
A rechercher d'abord le zéro victime, il n'y a pas de recherche de la victoire.   

Le second mythe a trait à notre capacité à faire face, à tenir. Il n'est pas possible pour nous de faire des compromis tout le temps, d'agir comme si nos principes étaient de la glace sur laquelle on peut glisser. Nous avons su des années résister au terrorisme, faire passer des messages clairs aux organisations (et au monde). Le concept "sang sur les mains" est très clair, qu'on ne nous raconte pas d'histoires. Et même si nous avons oublié son sens, eux le savaient. Et alors commença ce glissement de politiciens sous pression quant à leur siège, et prêts à vendre leur âme pour survivre politiquement et qui ont commencé à négocier, d'abord entre nous évidemment, sur ce que c'est que le sang, ce que sont les mains. (Une nouvelle limite dans cette déchéance est franchie fin Octobre 2013). Tu commences par échanger 1 contre 100, un contre des centaines, et tu continues pour recevoir des cadavres contre des vivants.
On nous crache dessus et nous disons qu'il pleut. Quel ennemi peut nous respecter, renoncer à ses objectifs ultimes – notre disparition, lorsqu'il nous voit nous enfoncer nous-mêmes? Une négociation niaise, des promesses superflues et lamentables aux familles concernées, et la nation, la population se sent à terre. Par notre propre abandon de nos principes, il n'y a pas de recherche de la victoire.

Le troisième mythe est inplanté lui aussi dans le manque de continuité dans nos positions, qui émiette notre stratégie, dans le cas où il y en aurait une. Les circonstances changent et peuvent réellement demander des changements ponctuels, mais toucher certains principes, non vraiment.
Lorsque notre allié principal et substantiel établit qu'un état soutient le terrorisme, ce n'est pas le moment de donner à cet état une légitimité. Nous revenons une fois de plus à l'erreur d'Oslo et à la renaissance (par notre faute) d'un cadavre. Cela pousse également des états faibles de caractère comme l'Europe à s'en rapprocher. Le crime paie.
Nos revendications disparaissent comme si elles n'avaient jamais existé, et nous nous demandons ensuite pourquoi nous avons échoué. Cela arrive aujourd'hui avec le Hamas. Aussi avec l'argent vers Gaza. Avec la Syrie depuis des années. Avec nonchalance envers nos alliés, il n'y a pas de recherche de la victoire. 

 La terreur veut blesser. Elle essaie tout le temps de casser le calme, d'entrainer une opération de représailles plus grande. Pour ne pas tomber dans le piège, et dans la vérité et pour les relations publiques, nous devons prendre l'initiative. L'initiative sur laquelle Sun Zu insistait toujours, est une chose essentielle pour contrecarrer les plans de l'ennemi. L'opinion publique aime moins celui qui dit toujours non. On peut présenter une approche plus positive sans se mettre en danger, il y a obligation de prendre l'initiative sur tous les terrains du champ de bataille.

Le dernier mythe que je voudrais faire sauter, c'est la possibilité d'une lecture dite  "moderne" de la situation, plus souple, plus sophistiquée, sémantique, rhétorique. Nous acceptons que l'on parle de conflit, nous acceptons qu'il faut donc le diriger, le gérer du mieux possible pour réduire les brasiers, parce qu'il s'agit en fait d'une guerre à intensité limitée. Tout cela est vrai, mais, pas un prétexte pour arriver à la conclusion qu'on ne peut gagner, qu'il n'y a pas d'issue, qu'il n'y a pas de solution. Nous entrons rapidement, sous le couvert de jolis mots, au renoncement et à l'esprit défaitiste. De nouveaux concepts n'annulent pas de vieux faits.

Un dirigeant qui se moque de ces principes, il lui est interdit de diriger.
Alors que faire, comment peut-on lutter, créer une stratégie générale assez solide?
Nous devons avant tout accepter deux conventions:
1 Nous ne sommes pas (localement) dans la situation apocalyptique du terrorisme mondial vers le chaos, mais encore dans le cadre du combat pour la maîtrise du terrain, la souveraineté, pour l'indépendance d'une population locale/d'un peuple sur le compte de notre possibilité d'existence; avec une volonté forte de nous rayer de la carte. Cela veut dire que tous les composants classiques dominent dans le cadre d'un conflit dans lequel nous sommes partie prenante.
2 Avec cela, ce conflit devient complexe, avec plusieurs joueurs simultanément dans l'arène, et tout le monde de l'autre côté utilise les moyens de la stratégie indirecte, tous agissent d'après la ligne de conduite des règles de la stratégie indirecte. Cette stratégie domine encore ici, et il y a fort à parier que si nous arrivons à nous y opposer de façon fructueuse, nous pourrons faire la décision.         
A cette stratégie s'ajoutent des éléments d'asymétrie, encore marginaux, utilisés y compris par des nouveaux joueurs minuscules.

C'est pourquoi, pour continuer à présenter de façon ordonnée et utile mes conseils pour la direction de la campagne, j'utiliserai à nouveau l'intelligence du Général Beaufre par le squelette qu'il construisit pour présenter les réactions contre la stratégie indirecte. Dans ce cadre, je pourrai ajouter et mettre à jour. Je ferai comme on l'a fait avec Sun Zu: Je le citerai et compléterai par commentaires et conseils. Chacun peut ajouter et enrichir la conversation. Le Général Beaufre lui-même voulait nous donner des idées générales pour nous diriger vers des actions valables.

Nous avons fixé des objectifs, nous sommes revenus sur la justesse de notre cause, nous nous sommes libérés de la tentative de nous faire tomber de l'intérieur, il est temps de commencer la contre-attaque.

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Contre-attaque extérieure

"En stratégie directe l'essentiel c'est la force, c'est-à-dire les moyens matériels dont l'importance permettra d'obtenir plus ou moins facilement la liberté d'action. En stratégie indirecte, l'essentiel portant également sur la recherche de la liberté d'action, l'intérêt va se concentrer sur les moyens indirects capables de l'assurer, donc en tout premier lieu sur la "contre-manoeuvre extérieure". (A. Beaufre, ch. 4)

Là-dessus, par delà le fait qu'on ne veut pas nous entendre, nous avons tout faux.            



Nous avons agi et sommes punis pour notre réaction.

Donc pour être capables d'agir nous devons avant tout "expliquer" dans le cercle extérieur que nous sommes obligés de réagir. Deux bons exemples: La grande opération à Gaza dont nous avons parlé des semaines durant, sur son besoin. A la fin elle n'a pas eu lieu alors mais nous avons préparé le terrain psychologique pour elle. (Cela finira des mois plus tard par Plomb Durci en Décembre 2008). Autre exemple avec le deuxième guerre du Liban l'été 2006, nos messages semblaient légitimes et notre entrée dans la manoeuvre justifiée. Le fait qu'ensuite nous avons gâché le "momentum", c'est une autre histoire.



Le Général Beaufre relie les opérations à l'arme atomique, car il parle au nom du camp occidental, Etats-Unis ou France, contre les Soviets. Il ne s'intéresse pas spécifiquement à notre conflit et à un petit état, il décrit l'avancée de la présence soviétique dans le monde en quinze ans de "paix". Il faut neutraliser cet aspect dans notre histoire.

Il continue:"La contre-manoeuvre extérieure consiste à réaliser le plus possible de dissuasions complémentaires de la dissuasion nucléaire globale. Le choix de ces dissuasions comme on l'a vu pour la manoeuvre extérieure, peut être fait en partant des vulnérabilités du système adverse (opinion intérieure, économie, situation des satellites et des alliés moraux, tabous de la psychologie marxiste – ou musulmane ou noire, etc.). De là doit se déduire la ligne politique qui consiste à fixer les positions idéologiques et géographiques à défendre et celles que l'on veut menacer. Il fait bien voir qu'une ligne politique de caractère purement défensif n'aurait qu'une faible valeur de dissuasion car la clef de la dissuasion c'est la capacité de menacer. Il faut donc absolument une ligne politique offensive". (=Vous avez quelque chose à perdre).

A lire ces lignes on comprend, même en 2014, combien nous ne faisons rien, en revanche Abou Mazen/Mahmoud Abbas lui sait continuer l'attaque.



Oui; il y a cinquante ans il écrivait cela, ne faisant que décrire ce qu'il avait rencontré, et pourtant il y a comme une couleur naive à ses propos. Pour calmer l'autre côté nous devons l'empêcher d'avancer, nous devons menacer d'une avancée de notre côté. Cela, sans entrer dans les pièges de l'occupation épuisante et douloureuse. D'où l'importance de l'initiative, d'où l'importance de la flexibilité et de la manoeuvre.


Beaufre continue: "Sur le plan idéologique, une ligne politique offensive comporte d'abord la nécessité de pouvoir attaquer efficacement les points faibles du système idéologique adverse. Il faut donc partir de ces points faibles et non pas de nos conceptions morales ou philosophiques." En langage simple: entre dans la pensée de l'ennemi, dans son système de valeurs, pas le tien, et attaque-les. Nous n'avons aucune chance de les vaincre si nous ne sommes pas capables d'entrer dans leur mentalité. Le Général Beaufre rappelle la faiblesse de l'Occident dans ce domaine, y compris en Afrique. Il veut déjà nous dire que le système occidental ne correspond pas toujours au besoin de ces peuples. Les Américains aussi, c'est bien clair, ne l'ont pas encore vraiment lu depuis le temps.



Sur le plan psychologique le Général Beaufre souligne l'élément du prestige (de la civilisation occidentale) qu'il faut reconquérir, à travers la liaison de deux éléments qui se complètent. Il voulait parler de la façon qu'a l'autre côté de nous percevoir.

Le premier élément, pour l'Occident, est d'agir ensemble pour montrer un front commun. Il est clair que face au terrorisme mondial (l'URSS à l'époque le fabriquait, OLP comprise), il y a de nombreux avantages, malgré les bégaiements d'une partie des pays européens.

La question pour Israel est: sommes-nous une partie de l'Occident? La question n'est pas innocente, aucune réponse également, mais oui, il faut espérer que nous faisons partie des états démocratiques, parlementaires avec la diversité de partis libres.

Même avec le souci de conserver notre héritage et nos traditions, et malgré les pressions de certains groupes à l'intérieur de la société, on peut facilement nous décrire comme partie du monde libre. La vérité est que nous, en tant que petit état, entre nous, présentons une société large d'opinions, avec une haine de soi (entre groupes) plus forte encore que notre attitude envers nos ennemis. Le fossé idéologique interne n'est pas moins dangereux que les périls  externes, la droite insultant nos soldats; la gauche lêchant certaines parties des représentants de l'OLP et qui insuffle la haine contre les habitants juifs de Judée-Samarie; dans cela il y a trop de la toile d'araignée.    



Deuxième élément du prestige, c'est la peur que tu éveilles. Finie la période des Supermen de la Guerre des Six Jours; mais nous sommes devenus trop souvent la victime de blagues, des enfants gâtés, des pleurnichards, l'israélien vagabond qui cherche désespérément un passeport étranger ou qui investit à l'étranger car on ne sait jamais... Que peut penser l'autre côté lorsqu'il voit comment nous nous comportons vis à vis de notre état et de notre terre? Exactement ce qu'il pense des dizaines d'années, ce qui faisait bouger Arafat: un jour, peut importe quand, nous réussirons.

Vanité des déclarations de politiques ou d'officiers dans des briefings ridicules, ce n'est que la partie visible de l'iceberg qui ne peut qu'être sujet de moquerie par tout adulte réfléchi.

Le Général Beaufre parle de la "face" que tu présentes, spécialement face à des peuples jeunes.


Sur le plan géographique le Général Beaufre recommande: "On doit choisir les régions où l'on veut faire effort pour défendre, menacer ou attaquer. Ce choix doit donc porter d'une part sur des régions couvrant nos points sensibles, d'autre part sur celles qui menacent les vulnérabilités de l'adversaire, et si possible sur celles où une action serait facile. Beaufre conseille de "rechercher les centres d'action qui permettent des développements ultérieurs et d'éviter d'entrer dans les zones où l'adversaire peut développer son effort au moindre prix en nous obligeant à y dépenser des moyens considérables."

Et il finit: "Enfin, même si l'on doit y rencontrer des difficultés, une priorité doit être donnée à l'élimination des bases extérieures permettant à l'adversaire de conduire ses agressions indirectes." Il ne revient pas pour rien sur le sujet qui justifie l'expulsion de l'OLP du Fatahland au Liban (1982). Nous avons le même problème avec le Hizbollah au Liban et le Hamas à Gaza. Seulement si le Liban est un état et ses citoyens une grande minorité dans une majorité impotente, à Gaza le gouvernement Hamas aurait du tomber depuis longtemps. Mais comme d'habitude on parle, on déclare, et plus fort à droite, mais on ne fait rien.    



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La Contre-manoeuvre intérieure

Beaufre: "Sur le lieu même de ces agressions, la riposte peut prendre des formes très différentes. S'il s'agit d'une agression violente du type de l'une des phases de la "stratégie de l'artichaut", il faut disposer des forces tactiques indispensables pour éviter que le fait accompli ne se produise rapidement. L'existence de telles forces suffira normalement à assurer une dissuasion efficace. Si au contraire on ne dispose pas sur place des moyens nécessaires, on est obligé de recourir à la manoeuvre extérieure. L'exemple de Suez-Sinai (1956) a montré qu'avec des agresseurs un peu hésitants, la manoeuvre extérieure pouvait suffire à annuler les succès locaux. Mais une intervention rapide – comme celle des Américains en Corée – peut empêcher une décision locale et par conséquent mettre en défaut toute la manoeuvre adverse. C'est dire toute l'importance dissuasive de forces d'intervention très rapides."



"Si l'agression ressemble au type de "stratégie par lassitude" on peut hésiter entre plusieurs solutions. La meilleure, si elle est possible, consisterait à sauvegarder l'essentiel (c'est à dire le contrôle gouvernemental sans engager de gros moyens et à résoudre le conflit en l'étouffant par une manoeuvre suffisamment efficace. Si au contraire la manoeuvre extérieure échouait (cas de la France en Algérie), on serait contraint de conduire une manoeuvre intérieure visant une contre-offensive directe."



Clair pour nous Israéliens jusqu'ici, que sur la guerre de propagande nous perdons en général. Difficile pour nous de remporter la victoire à l'écran. Même si nous arrivions à parler d'une seule voix. La différence est que nous n'avons pas de métropole comme la France face à l'Algérie. Nous n'avons pas la possibilité de laisser une force militaire trop importante se développer à côté de nous (même si...).   


Nous l'avons fait lorsque nous avons amené Arafat et lui avons donné des armes, avec le Hamas qui continue de développer son armée, avec le Hizbollah. Cette manoeuvre nous est très limitée.


Beaufre continue: "Sur le plan militaire il est indispensable de déjouer la stratégie de la guérilla de l'adversaire telle qu'on l'a décrite plus haut: il faut d'abord éviter de se laisser déborder par la manoeuvre en surface en pratiquant une stricte économie des forces mettant en défaut la "manoeuvre de Médine". Ceci conduira à limiter la protection généralisée des personnes et des biens grâce à une forte densité d'occupation dans des zones réduites et bien choisies en fonction de leur importance politique et économique, et à consentir dans le reste  du pays à un certain degré d'insécurité."


Nous sommes là dans l'essence de l'économie des forces. On ne peut pas défendre tout le territoire, tout le pays, chaque implantation. C'est trop cher, cela pompe des ressources trop grandes qui manquent à des investissements bien plus importants. L'armée ne peut plus être un simple baby-sitter avec un porte-monnaie ouvert en tout endroit et en toute situation. Au-delà de la cassure interne à propos de l'utilisation des ressources de tous pour ces besoins - il y a l'économie des forces.   


"Les postes qui y seront laissés n'auront pour but que d'y maintenir un système de renseignement, grâce auquel on pourra y déclencher une série d'opérations destinées à empêcher l'organisation de bases adverses... Corrélativement, les frontières devront être hermétiquement closes grâce à une tactique de barrages."


Le Général Beaufre ne pensait pas au mur de séparation; la référence unique était le Mur de Berlin, là-bas pour empêcher la fuite (du "paradis communiste") des hommes vers le Monde Libre. Les pacifistes qui comparent ces deux murs  - ce n'est pas toujours du haut en béton d'ailleurs chez nous – ne savent pas de quoi ils parlent; et nous, nous ne savons pas expliquer.    

"Même très bien conduites, ces opérations requerront des moyens très importants. C'est leur grande faiblesse pour une guerre nécessairement prolongée, tandis que l'organisation devra mettre en jeu des formules conçues pour la durée."


On retrouve ici la notion d'organisation liée à la "stratégie opérationelle", dont je n'ai pas parlé, qui gère les forces dans le conflit et leur mouvement: imbriquement des forces  différentes en nature vers le but commun, préparation des actions militaires, en fait la traduction en opérations pratiques sur le terrain. Ce lien entre la stratégie sur le papier et sa réalisation physique se fait par les chefs opérationnels; en hébreu les officiers d'opérations: ktsiney mivtsaym. Les organisations terroristes ont les leurs et ils sont donc une cible privilégiée.  

Une fois de plus: nous ne pouvons pas, en tant que petit état, tout financer et la vie de nos soldats serait inconcevable dans cette situation. Nous avons trop d'ennemis et trop de fronts.


"Enfin, bien sûr, les opérations devront être conduites avec la préoccupation constante d'obtenir un effet psychologique sur l'ennemi et sur la population." Beaufre nous conseille de pouvoir comparer entre la qualité de vie des populations que nous défendons et celle des populations en territoire contrôlé par l'ennemi. Sur ce sujet, l'idée règnante chez les Palestiniens était que, sous la conduite d'Arafat, peu importe ce qui leur advient, combien leur situation est mauvaise, l'important étant que ça aille mal chez les Juifs.

Les faits lui furent contraires: sur tout territoire passé sous contrôle palestinien, les conditions de vie se sont aggravées pendant qu'en parallèle l'économie israélienne se développait – en tout cas si on regarde le PNB. Les touristes viennent de plus en plus nombreux après des années de calme; nos relations diplomatiques se sont transformées, pendant que du côté des leaders palestiniens, à part la corruption qu'ils s'autorisent, on ne peut que pleurnicher et mendier tout le temps. L'écart, énorme sur tous les plans, entre les deux populations n'a fait que se creuser et continue de le faire.

Abou Mazen (Mahmoud Abbas); très riche et corrompu jusqu'à la moelle fait en gros la même chose en soutenant avec les impôts des occidentaux les terroristes palestiniens.



Mal pour eux, pas si mal pour nous, c'est ce qui arrive. Combien de "réfugiés" et d'habitants reçoivent encore de l'ONU (vos impôts) un soutien permanent des dizaines d"années? Pour la plupart des réfugiés ou sinistrés dans le monde il s'arrête ou diminue fortement après plusieurs années. Chez les Palestiniens, ce serait pire qu"en Afrique? Où est l'aide des frères? Tous les slogans de leur lutte leur reviennent dans la face. Les Palestiniens auraient pu se choisir leur Nelson Mandela local, ils auraient depuis longtemps reçu tout ou presque. Ils ont "choisi" Arafat. Va leur expliquer la différence.



Dernier point important que Beaufre présente: "Malgré toutes ces précautions... il est necéssaire d'avoir présent à l'esprit que ce genre de lutte n'a été qu'exceptionnellement favorable à la défense et comme on l'a souligné, seulement lorsqu'il n'existait pas de bases extérieures proches qui puissent alimenter la guérilla."

En d'autres mots, nous, la majorité d'entre nous, qui menons une guerre de défense (ne cherchant pas à conquérir d'autres territoires, mais à empêcher que l'adversaire le fasse), nous ne pouvons pas espérer une victoire. Une défense directe contre une attaque indirecte c'est une recette pour l'échec. Il faut attaquer la manoeuvre extérieure - Beaufre soutient qu'il faut courir comme le taureau vers le toréador, qu'il est la vraie cible, la manoeuvre extérieure, et non pas vers le chiffon rouge qu'il agite.

Le problème est que tout le monde aujourd'hui veut par exemple soutenir Abou-Mazen et le Fatah, seule chance de dialogue et d'accord. Nous avons réussi à convaincre les Américains que c'est ainsi. C'est un problème: lorsqu'on le critique, ils disent que c'est interdit parce que ça l'affaiblit. A nouveau la situation est absurde, impasse. Alors nous revenons au mensonge; aux autres et à nous mêmes. Nouvel aveuglement, en toute conscience.

Donc; il est important de contrôler le courant d'armes qui arrive; chose qui n'a pas toujours été faite de façon sérieuse, et évidemment sur les flux monétaires; là aussi notre conduite a longtemps été clownesque.


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Les conclusions de Beaufre sur la stratégie indirecte

Dans sa partie suivante sur la stratégie indirecte le général Beaufre publie quelques conclusions.

Selon lui, cette guerre froide longue et d'intensité faible, est comme la médecine face à la  chirurgie, directe, qui opère dans les guerres chaudes. Ici nous devons avoir des vaccins préventifs ou des traitements contre des infections dont nous devons empêcher le développement. Les infections psychologiques ressemblent à la guerre biologique. Difficile de les arrêter après leur démarrage.

Le spécial dans la stratégie indirecte est le besoin de répondre par la manoeuvre extérieure (et non pas dans le cadre du cercle interne physique et régulier qui est limité) pour conserver sa liberté de manoeuvre. "Le vrai jeu de la stratégie indirecte doit se dérouler au niveau des prodromes. Après il est trop tard".

Au moment, en amont, des initiatives, il faut éviter les situations problématiques. Inoui combien dans ces paragraphes Beaufre s'approche de la philosophie chinoise qui voit le potentiel d'une situation bien avant son perçu au présent.



J'en profite pour faire le parallèle avec le marketing: au début le marketing de masse qui connut la publicité. Un pouvoir immense tenu par les sociétés multinationales. Le rouleau compresseur de la publicité, pas important les sommes jetées, l'essentiel étant de fournir une grande part du marché, d'en être leader. Les concurrents ne pourront pas suivre les monstres (en grandeur) et se développeront par la segmentation du marché. Ensuite la technologie des bases de données a créé le marketing direct. Soudain tout ne se retrouve plus au dessus du niveau de la ligne de bruit de la communication. Beaucoup se passe derrière les rideaux. La chirurgie s'est développée mais (en parallèle) sont apparues des médecines "douces" tout au long du parcours médiatique. La guerre a connu ce même trend.



Pour le général Beaufre la stratégie indirecte "n'est que l'application de la formule générale de la stratégie à des valeurs extrêmes de certaines variables, la force (réduite au minimum) et le temps (considérablement accru)... L'élément psychologique... y joue un rôle déterminant. Il s'agit de remplacer la force matérielle qui manque par la force d'une idéologie bien construite, et par la puissance de combinaisons résultant d'un calcul raisonné et précis."

Cependant, combien modeste la valeur de la force militaire, il ne faut pas la négliger. Elle reste indispensable pour utiliser les situations que la manoeuvre psychologique a créé.



Beaufre arrive à l'éthique: "La force en elle-même peut être bonne ou mauvaise. Sa qualification dépend de la cause qu'elle sert, donc de la politique qui l'anime." Nous arrivons, par une autre voie, à la morale de l'idéal et des volontés contre la morale des résultats.

Dernier avertissement de Beaufre: "La politique... aura à décider si l'objectif à atteindre sera recherché par les voies de la stratégie indirecte ou non. Mais la conduite de cette stratégie n'est plus de la politique; mais de la stratégie." C'est pourquoi il est interdit de traiter les problèmes de façon empirique, c'est à dire d'essayer tout le temps de s'adapter aux circonstances, mais – comme l'ennemi - utiliser de façon consciente et programmée les outils de la stratégie indirecte. Tout cela fut publié avant l'ivresse de la Guerre des Six Jours. Est-ce que nous appliquons ces principes? En-as tu cher lecteur l'impression?                 



En fait, Beaufre nous donne en abrégé toutes les réponses, dans le sens le plus élémentaire, pour se préparer à la situation que nous connaissons aujourd'hui. Il ne connaissait pas internet, qui multiplie et et accélère l'impact des images; il ne connaissait pas la quantité des suicidaires qui est devenue culture bénie par tant de leaders religieux – dans l'Islam, même contre d'autres musulmans, car des mosquées aussi sautent!



Il nous reste à revenir sur ces sujets d'une autre façon, dans une langue plus simple, avec une liste organisée de conseils et de principes – évidemment pas définitive. Le chantier stratégique se forme ici et maintenant pour des discussions qui existent quelque part sur le terrain en Israel – du moins faut-il l'espérer.

Mon but est seulement de donner, après toutes les explications, le fond (simplifié) des règles et des idées. Le lecteur commencera maintenant de son côté à essayer d'ajouter à la liste et vérifiera si ses propositions passent par le filet de sélection présenté dans le précis.



Un refus peut vite arriver: il n'y aurait pas assez d'argent pour toutes les missions. Je refuse (a priori) cet argument. L'Etat gaspille assez d'argent de façon inutile pour ne pas trouver de solutions. De plus, une amélioration de notre situation sécuritaire et de notre réputation amènera de nouvelles sources de financement, sans comparaison avec le niveau demandé des investissements. L' "intelligence" de ces discussions gratuites nous a causé assez d'ennuis comme la crise de l'eau, nos retards en transports publics et la destruction de notre système scolaire.

Encore quelques mots sur les prochains chapitres. Je ne détaille pas chaque point. Il ne faut pas à mon avis publier toute idée, toute pensée, pas besoin de donner à l'ennemi trop d'idées sur nos volontés. Il vaut mieux penser, faire et ne pas déclarer. 

Il est aussi permis, comme le ministre des finances avec la dévaluation, de dire autre chose ou le contraire. C'est une bonne base pour la ruse. J'invite le lecteur à lire entre les lignes.



La stratégie, comme nous l'avons vu précédemment, est fondée sur trois phases: fixation des buts, recherche des moyens en fonction des besoins, de la voie pour atteindre ces buts (diplomatie, force, indirect, asymétrie...). Nous allons les passer en revue.


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Conseils pour contrecarrer: buts

Les buts sont assez clairs chez les équipes adverses. Est-ce que nos buts sont clairs? Je n'en suis pas convaincu. Cependant, loin des tendances suicidaires de la gauche et du messianisme de droite, il y a, même si pas toujours précis, un fond contractuel basique dans la majorité du peuple. Une certaine entité palestinienne souveraine, certains compromis sur le terrain, la sécurité comme un absolu pour Israel, avec tout ce que cela demande. Je ne suis pas un acteur politique (homme d'appareil) au sens des partis, c'est pourquoi cette définition (du consensus) me parait suffisamment flexible.


Et encore, ce n'est peut-être pas vraiment actuel car qui est notre partenaire stable, suffisamment crédible, capable aujourd'hui de fournir la marchandise? C'est pourquoi tenter de publier – comme une fin – notre volonté, serait une imbécilité. Apprenons donc des Chinois à rouler avec les circonstances qui peuvent de temps en temps aller en notre faveur.


Notre premier but maintenant, et pour encore quelques années, est l'affaiblissement / la disparition des mouvements Hamas et Hizbollah (cela au-delà de notre préparation face à toute possibilité guerrière avec certains voisins). Si nous y arrivons et nous réduisons le danger terroriste, nous pourrons penser avoir réussi.   



Un autre but est d'arriver à faire comprendre à une majorité de palestiniens, à long terme, qu'ils n'ont qu'à perdre à chercher à nous nuire. C'est aussi un but légitime.

Ainsi, nous  avons un minimum de buts qui correspondent à (presque) tous les israéliens.



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Conseils pour contrecarrer: moyens

Je vais essayer de les classer d'après les champs de bataille.

Sur le champ régulier, des unités petites et mobiles, qui d'un côté connaissent bien le terrain mais qui sont toujours fraîches. Le plus difficile est de casser la routine, éviter les heures fixes, les pistes qui reviennent sur elles-mêmes. L'équipement avancé vient soutenir des combattants de haut niveau, qui sont capables de causer à l'autre côté un déséquilibre, une recherche perpétuelle de couverture, un effort préféré de la défense plutôt que de nous attaquer. La manoeuvre demande d'éviter les bastions fixes et l'insouciance. Je ne suis pas spécialiste et je ne développerai pas. Le problème ici aussi ne réside pas dans la connaissance mais dans la mise en oeuvre.  


Encore une fois, l'espionnage est ici critique. Sun Zu et ses commentateurs sont clairs sur le sujet: il n'y a quasiment pas de limite budgétaire pour recevoir des renseignements précis. L'adversaire doit avoir peur l'un de l'autre, être dans le doute tout le temps pour savoir sur qui nous renseigne. Le traitement local des "informateurs" (et non pas "collaborateurs" qui est impropre et orienté) par Israel est lamentable non seulement pour ces gens mais va aussi à l'encontre des principes. Or nous avons appris que le champ de bataille régulier, malgré son caractère essentiel, est la part la moins soulignée de l'histoire. Pour eux aussi le renseignement est critique.


Tout le reste se passe sur le champ de bataille au sens large, le psychologique.
Le second sujet traite du contrôle du passage de l'information à tous les publics cibles, pas seulement l'occidental. Il y a des années déjà la télévision israélienne publique a ouvert une chaîne satellite vers le monde arabe. Aucune importance pourquoi, elle fut fermée. De quoi a-t-on l'air? Se baser uniquement sur les chaînes arabes? Le travail si important que fait la radio publique d'Israel en Iran avec sa station de radio en langue perse. On ne peut rien mesurer mais il s'agit d'un devoir national de tenir des moyens de communiquer des messages [propagande pour qui veut passer pour intelligent]. Des moyens modernes aux réactions rapides, jeunes dans leur forme. En temps réel il n'y a pas la possibilité au porte-parole de l'armée de livrer la marchandise. Oshrat Kotler (Tv 10) montra il y a quelques années que même le ministère des affaires étrangères est incapable. Là aussi nous sommes blessés par nos propres forces à cause de la guerre des egos.
Tout est piteuse improvisation sans moyens, simple bonne volonté pendant que la propagande palestinienne tourne des dizaines d'années dans les universités et les télévisions mondiales. Encore, perdre les multitudes vulgaires mais nous perdons les élites dans le monde.
Se battre en temps réel contre tout mensonge, dans toutes les langues, chez toutes les chaînes y compris les arabes. Nous n'avons même pas commencé sur ce plan. Pour internet, on peut ressentir un peu de fierté à l'article de Ronen Bergman dans Yediot Ahronot [Novembre 2008] sur les unités du Renseignement. Un groupe de hackers bleu et blanc qui travaillent aussi pour défendre les serveurs israéliens. Ici aussi, une larme dans l'océan.
Tous les groupes sont-ils coordonnés? Déjà en 2000 le Hizbollah créa des groupes de hackers pour attaquer des sites israéliens. Combien sommes-nous? Comment avons-nous pu laisser le hacker "Analyzer" sortir du pays? Je le prends comme exemple de gâchis [le cas personnel n'est pas important], pour bâtir une équipe de gens qu'on doit favoriser pour le bien de l'Etat, les transformer en arme à notre avantage. Oui c'est légitime. Si Israel est une puissance en informatique et en internet, pourquoi l'état est–il si loin de diriger la manoeuvre?
Ici aussi le nombre des acteurs ne vaudra pas la quantité des soldats ennemis. Mais la qualité et la programmation vers des buts clairs peuvent renforcer l'écart nécessaire. Nous avons besoin de gens jeunes, qui passent bien l'écran, capables de créer de nombreux points d'interrogation chez les téléspectateurs.
Sur chaque sujet sérieux nous devons rappeler les données, de façon organisée, avec des messages communs à tous, des phrases-clés. Par exemple, l'éducation en Palestine et montrer leurs livres et leurs cartes, y compris chez Abbou Mazen. L'utilisation et la mise en scène des blessés imaginaires, des ambulances, du sens culturel du Shayid et de son développement, de la corruption. Rappeler que tout cela est financé par les impôts des citoyens du monde libre. Il y a quelques années le Parlement Européen étouffa des rapports qui montraient comment l'argent européen finance le terrorisme. Un député socialiste français fut éjecté de son groupe parce qu'il osa montrer ces documents et ces données, et cela gênait même le parti socialiste français. Et nous nous taisons. Faire surgir des sujets à la connaissance de tous, c'est aussi une part de l'initiative d'après Sun Zu, c'est diriger les circonstances, fixer l'order du jour. Assez de ne faire que réagir. En politique intérieure nous avons des champions du spin. En extérieur, rien!

L'utilisation des images n'est pas innocente. De nombreux gens dans le monde, même à des postes élevés, construisent leurs décisions seulement d'après quelques images de quelques secondes à la télévision. Les palestiniens savent mettre en scène et truquer. Nous n'avons pas besoin de faire de même, mais nous ne montrons pas assez ce qui se passe chez nous. Pas de honte, il ne faut pas avoir honte, il faut montrer les citoyens, les enfants et les vieux, les ambulances, il faut tout montrer. Même les opérations des palestiniens qui visent à faire peur aux "journalistes" il faut montrer. Nous avons laissé aux terroristes le monopole des sentiments. C'est simplement criminel. Sans parler des massacres qu'ils ont commis les uns contre les autres.     
Dans le monde occidental, nos avocats [ceux qui nous défendent] ne sont pas nombreux. Ils font ce qu'ils peuvent, mais sans soutien, sans moyens, avec beaucoup de qualités mais sans entrainement de portes-parole dans les médias. La langue doit être coupante et intelligente, le message court et intensif. C'est pourquoi les intervenants exercés doivent travailler en se relayant en équipes tout le temps, pas seulement en temps de guerre ou en cas d'événement. Il n'y a pas de place pour l'amateurisme. Les bonnes intentions ne suffisent pas. Les rares qui défendent Israel sont la plupart juifs – c'est à dire suspects a priori de collaboration automatique. Aussi parce qu'ils ne sont pas nombreux, ils apparaissent trop de fois et l'effet de leur intervention est diminué. Comme les palestiniens savent montrer des jeunes hommes et femmes, nous devons, j'insiste, présenter des portes-parole "télégéniques" [qui passent bien l'écran sur le fond et la forme, qui savent faire passer les messages].       
      
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Propositions pour faire face – la voie pour y arriver
Première chose: entrer dans la tête de l'ennemi, de préférence dans le cerveau des chefs, pour recevoir de l'information et transmettre des messages.
Transmission de messages: présenter notre position, notre légitimité, au-dessus de tout doute à notre avis.
1 Les convaincre par des moyens y compris religieux que leur combat n'a pas de réelle justification, affaiblir le "pourquoi".
2 Leur donner à peser encore et encore le coût contre l'utilité jusqu'à ce qu'ils intériorisent que leur direction du conflit ne vaut pas le coup, qu'ils recevront le maximum seulement par la négociation, que nous ne tombons pas dans leurs pièges. Nous ne serons pas celui qui "cligne des yeux" le premier ["le premier qui rira" de la comptine...], nous continuons à nous renforcer.
Des dizaines d'années ce n'est pas arrivé, mais ne pas désespérer. Dans la guerre psychologique, nous nous sentons bien.   
Entrer dans la tête: je suis encore sidéré de considérer que pendant des dizaines d'années nous avons combattu Arafat et nous n'avons pas réussi à entrer dans sa boîte noire, comment nos leaders ont été fourvoyés par lui alors que tout était à découvert, écrit sur le mur: l'influence pas claire d'un mythe religieux, moitié Frères Musulmans et moitié Saladin; jointe à une idéologie marxisante des années cinquante, avec la leçon tirée de Mao et de Giap. Si tu ne comprends pas son monde culturel et si tu ne sais pas [ou veut l'ignorer] ce qu'il dit au cercle de ses proches, alors tu ne sais vraiment rien sur lui. Cela se peut-il?
Le but n'est pas seulement de savoir: bien sûr que le Hamas veut nous rayer de la carte, mais comment. Découvrir les volontés et les plans opératoires.



3 Important pour nous bien sûr de dissimuler. Etre comme Nasrallah, qui sait comment mélanger mensonge et vérité mais se présente comme quelqu'un de plus crédible que nos dirigeants. A cause de la politique intérieure et des guerres des egos, tout chez nous est transparent. Même à propos d'opérations spéciales chaque candidat au poste de Premier Ministre est prêt à se faire mousser en direct.

Sur tous les sujets traités plus haut, sur la plan de la communication, l'élément de la rapidité de l'action et des représailles est critique. Si nous ne pouvons pas réagir immédiatement , avec des équipes préparées et des messages sur le net dans les minutes qui suivent, nous perdons. Comme la vitesse de marche des soldats donna à Napoléon un rare avantage sur ses adversaires, les messages – les soldats de la guerre psychologique – doivent se mouvoir et se distribuer en vitesse éclair. Des vagues de bulletins de mise à jour amélioreront les positions, mais l'essentiel est de prendre des positions même virtuelles [le coeur du marketing/ mercatique]. Le Général Beaufre nous rappelle que les Soviétiques savaient créer des frontières virtuelles. Aujourd'hui c'est encore plus un besoin.

Ici aussi, des conférences de presse ou des briefings à heure fixe le soir; pleins de morgue et d'arrogance comme ceux du porte-parole de Tsahal en 2006 (Liban 2), c'est pathétique. La guerre est "on line".   

4 Pour des conflits classiques aussi il faut trouver des alliés naturels. Des communautés internationales sensibles à certains sujets et qui peuvent se rapprocher de nous plus que de l'autre côté. Cela existe avec les croyants chrétiens qui comprennent ce qui leur tombe sur la tête, dans leur maison même. On peut agir ainsi avec beaucoup d'autres groupes. Même ds écologistes, même des groupes luttant pour les droits de l'homme et qui ne sont pas atteints par l'antisémitisme des minorités différentes autour du monde. L'ouverture de la société israélienne, peu importe ce qui se passe chez les conservateurs religieux, luit spécialement dans un Proche-Orient étouffé de lois barbares [attention: d'après la façon de voir européenne]. Rappeler aussi que les problèmes auxquels nous faisons face ressemblent  aux leurs sur beaucoup de plans. Aujourd'hui, dans des enquêtes internationales, Israel est souvent placé à côté de l'Iran comme état dangereux pour la paix mondiale. Cela prouve à quel point nous sommes débiles dans notre façon de nous présenter. 

Nous n'arriverons pas à annuler la propagande palestinienne et fondamentaliste. Mais nous pouvons oui, et beaucoup, amoindrir ses résultats par une machine d'explications et de  propagande efficace. Nous amènerons ici des touristes, nous renforcerons nos liens avec le monde, notre situation sera améliorée. Alors à nouveau, l'autre côté comprendra qu'il ne réussit pas, qu'il ne nous casse pas, ne nous isole pas.

Exemple classique, les organismes anglais qui veulent nous boycotter: nous nous remuons à peine de temps en temps, seulement à la veille de leurs prises de décisions. On ne doit pas travailler ainsi! Tous les jours nous devons faire passer des messages, changer les opinions, faire sortir de leurs racines les idées visant à couper les liens avec nous. L'effort est permanent. Les universités, auxquelles nous avons quasiment renoncé pendant quarante ans, sont le nid des futures élites. Là-bas la propagande arabe festive. Ce n'est pas qu'une question d'argent.


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La vraie victoire – troisième partie
Beaufre: "La décision [d'arrêter, de reconnaitre la défaite] est un événement  du domaine
psychologique". Sujet vital: pour vérifier la victoire, au-delà de l'arrêt visuel des opérations militaires, on peut se baser sur quelques principes et critères: le fait de savoir que l'autre côté a intégré de façon définitive ou à long terme qu'il est arrivé dans une impasse et qu'il ne réussira pas. La pensée qu'il n'y a aucune voie possible pour amener un résultat désiré, un profond sentiment d'impuissance. Pas de motivation, pas d'espoir, plus aucun artifice qui pourrait à nouveau réallumer le feu. Bien sûr que cette conclusion peut s'établir à partir de données matérielles, mais dans un conflit de cette nature, l'essentiel est psychologique.
Le perdant arrive à la conclusion, d'après les données, que poursuivre le combat n'offre aucun avantage. Le vainqueur ne proclame pas haut et fort sa victoire, ou que les faits de guerre sont clairs; ici le perdant ne déclare pas sa défaite. Nous sommes dans le monde des sensations. Comme mon rappel sur le cerveau du consommateur: cela arrive à l'intérieur, pas besoin de déclarations. Le terrroriste, le leader, s'avouent d'abord à eux-mêmes que l'histoire est finie. Il renonce à un effort supplémentaire d'insurrection.
Il commence à se concentrer sur la survie, sur la fuite. La volonté, basée ou non sur les faits, est brisée.    
Notre but est les sentiments des combattants de l'adversaire. Nous désespérons sur la situation, non que nous faisions face à un danger existentiel [vraiment?], mais qu'aucune solution ne nous apparaît possible avant de longues années, il n'y a pas avec qui conclure. C'est un désespoir d'un autre genre. Encore, en tant qu'état, comme peuple juif, nous faisons face à ce désespoir avec un regard de puissance, lorsque les autres peuvent voir en nous un autre tigre de papier [la description des Etats-Unis par Mao].
Notre but est d'influencer et de plier leur volonté [une base de principe de guerre] pour qu'ils arrêtent de combattre.
Le terrorisme agit souvent comme un outil de communication, et nous avons vu que son but est de toucher les sentiments. Leur casser la légitimité, leur réduire les moyens de soutiens  financier et public, réussir à ramener toute action terroriste aux résultats les plus modestes, c'est [les] amener à la conclusion que cela ne vaut pas le coup.  
Même si nous n'arrivons peut-être pas à à détruire complètement la volonté, au moins dans les esprits [et même ici ne pas désespérer], nous pourrons transformer tout événement en marginal, et de leur point de vue c'est un échec.
Exemple contraire? En 2006, le fait que le Hizbollah a tenu le coup et a continué à envoyer des missiles, c'était de son point de vue une victoire. C'est à dire et le monde l'a perçu ainsi, qu'il était suffisant que nous n'avons pas vaincu pour conclure que nous avons perdu.
Notre sentiment de la queue entre les jambes et de morts pour rien, pour eux, c'est une victoire. 

Pareil pour le Hamas en 2014.
Non, nous ne faisons aucun réel effort pour influer, nous réagissons avec difficulté militairement aux actions [de l'autre]. Il est important de se souvenir que ces guerres ne sont pas les seules qui nous menacent. Les guerres régulières aussi, les classiques, peuvent revenir avec des voisins. C'est un autre genre de conflit, d'outils, de terrain de guerre. Nous devons impérativement briller sur ces deux plans.
Le sentiment de la défaite n'est pas une chose nouvelle: le sort de nombreuses batailles relativement équilibrées a été décidé lorsqu'un chef a reculé, par intention ou par erreur, comme s'il avait l'intention de fuir. Un tel drapeau rouge mine le moral de nos troupes, nos soldats aussi commencent à regarder vers l'arrière. En face on sent qu'encore un peu et on va en finir, et l'effort s'en trouve renforcé. La spirale continue de tourner et absorbe tout avec elle.
Une défaite peut commencer par une petite brisure, imprévue, lorsque l'autre côté l'identifie et l'utilise jusqu'à la grande cassure. Cassure physique, cassure morale.
Avant qu'elle soit mesurée, la défaite est ressentie. S'ils voient que nous nous développons et qu'eux sont à la traîne, jusqu'à ce que "le jeton tombe dans la fente" c'est à dire qu'ils comprennent enfin leur incapacité, ou bien que leur population, dont la majorité veut vivre comme des gens normaux, puisse être entendue (comme si on les écoutait!).
L'utilisation organisée de connaissances, explications et propagande, dans leur langue et à partie de leurs bases culturelles, c'est la seule chance de les amener aux vraies conclusions. 
Dans le futur j'ajouterai ici un chapitre sur la contre-insurrection d'après David Galula.
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Vers une fin (provisoire)
Des questions avant la fin, valables même avant des élections:
Si tu étais le parent d'un soldat kidnappé, sur qui compterais-tu aujourd'hui pour le ramener à la maison? Vas-tu voter pour lui? Peut-on négocier à tout prix et toute situation [mort / vif]?  
Un vrai leader qui recherche la paix enseigne à son peuple l'importance de la paix, les fruits de la paix, sa volonté claire de l'établir. Voyez Nelson Mandela. Parler à voix haute et claire d'un autre horizon, de la volonté oui de changer. On veut la paix? Alors il faut commencer à l'école.
Des exercices de calcul en comptant les juifs morts, cette éducation permanente de la vengeance depuis l'âge tendre. Des camps d'entrainement pour les enfants et les adolescents. Le télévision palestinienne et tous les médias qui ne parlent qu'une langue, l'incitation à la violence, l'apprentissage de la haine. Aujourd'hui, "la Paix Maintenant" en Israel, et l'enseignement de la haine en face. La violence sanctifiée.
Depuis le début, la position tranquille est uniquement tactique, mais le cri des illusions du retour de tous les "réfugiés" sur toutes les terres continue. Seulement, une partie d'entre nous ne veut pas entendre, même aujourd'hui. Une langue modérée et des relations publiques en Anglais, des programmes plus conformes aux buts réels en arabe. Chez nous aussi on ne voulait entendre que la langue "corrigée".
Clausewitz compare la guerre au commerce. Pour signer un contrat il faut aussi une confiance des deux côtés. Pas de stratgèmes en permanence, pas de double langage, pas de conservation des rêves du passé.
De plus, au-delà de tout ce que l'autre côté peut faire, à nous de fixer notre destin: tant que nous sommes un état fort – pas seulement en argent et en infrastructures – alors ils ne pourront rien contre nous.  
sera continué

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